38. Une ressemblance troublante

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     Sur le premier trône était assis un homme barbu et richement vêtu qui nous contemplait avec un intérêt poli. Et à côté de lui siégeait... Jade ?

Jade, ici ? C'était impossible !

La première surprise passée, je réalisai que ce n'était effectivement pas Jade qui était assise sur le trône. Il s'agissait d'une femme, et non d'une adolescente, et malgré sa ressemblance avec mon amie, une foule de détails ne pouvaient me tromper. Ses deux yeux, par exemple, étaient d'un noir profond, même s'ils exprimaient la même mélancolie un peu solitaire que ceux de Jade.

Je compris qu'elle devait être l'impératrice Némie.

Mais cette ressemblance... Ce ne pouvait pas être une coïncidence... La vérité peina à se faire un chemin dans mon esprit. Elle me frappa de plein fouet lorsque mon regard croisa celui de l'empereur Véron. Sa ressemblance avec Jade était moins marquée, mais je finissais par bien connaître mon amie. Ils avaient la même façon regarder les autres, avec une curiosité un peu rêveuse, donnant l'air de lire notre âme comme un livre ouvert.

Je vacillai légèrement sous le choc de ma découverte.

Jade serait-elle... la fille du couple impérial ? Une sorte de princesse, quoi ?

Personne ne remarqua mon trouble, et le lutin-en-chef prit la parole.

— Le Mage Rouge vous prie de l'excuser de n'avoir pu nous accompagner.

— Nous devinons qu'il doit être très occupé, répondit doucement l'impératrice Némie.

Même sa voix me rappelait celle de Jade...

Je reculai discrètement derrière les jumeaux Djela et Anton pour m'approcher de Monsieur Jean, le seul spécialiste en diplomatie et en généalogie impériale que j'avais sous la main.

Si seulement j'avais plus écouté pendant ses cours !

— Monsieur ? chuchotais-je.

Il se tourna vers moi.

— Voyons, mon cher ! murmura-t-il furieusement. On n'interrompt pas l'impératrice !

— Je peux juste vous poser une question ?

Mon professeur leva les yeux au ciel.

— Monsieur Dupin qui pose une question ! C'est suffisamment exceptionnel pour que j'accepte de faire une entorse à l'étiquette!

Il m'entraîna à l'écart derrière une colonne pendant que le lutin-en-chef et le couple impérial se faisaient les salutations habituelles.

— Alors, votre question ?

— Est-ce que l'empereur et l'impératrice ont des héritiers ? demandai-je avec mon petit air innocent.

— Je crois que nous en avons déjà parlé, Alphonse. Pourquoi cela vous intéresse-t-il, vous désirez leur succéder ?

Eh puis quoi encore ?

— Est-ce qu'ils ont une fille ? insistais-je, conscient qu'il fallait que je sache.

— Pourquoi cette question ? demanda soudain monsieur Jean en fronçant ses sourcils clairs.

— Euh... J'ai entendu dire qu'ils avaient une fille, inventai-je, mais je ne la vois pas auprès d'eux...

Un profond chagrin clairement stimulé marqua tout à coup le visage de mon professeur. Quel acteur pitoyable !

— C'est un sujet très sensible à la Cour, Alphonse ! protesta-t-il théâtralement, alors qu'il brûlait d'envie que je le pose plus de questions.

Le mage rouge. Le roman de l'Apô-ny, tome 1 (histoire terminée)Where stories live. Discover now