Chapitre 19 (Partie III)

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Je me laisse glisser le long du mur le plus proche de moi, incapable de me souvenir de quand je me suis mise debout. Il n'y a pas un bruit, si ce n'est ma respiration saccadée. Une énorme fatigue me submerge et j'accepte cette nouvelle sensation sans broncher. 

Je sens de nouvelles larmes poindre dans mes yeux et ne fais rien pour les retenir, le cerveau déconnecté du reste de mon corps. Je clos mes yeux et derrière mes paupières, se dessine un visage que je connais par cœur : c'est le mien. 

La seule différence, c'est le franc sourire qui illumine mes traits et l'éclat de joie qui brille au fond de ses yeux. Il y a aussi une jeunesse dans ses traits que je ne reconnais pas, mais qui me semble tout de même familière. 

Je sais que c'est moi, mais plusieurs années semblent nous séparer. Rouvrant les yeux, je me décide alors à me remettre debout, déterminée à mettre fin à ce cauchemar bien trop long. 

Pas à pas, je fais doucement le tour de la salle, presque sur la pointe des pieds, terrifiée à l'idée que le moindre mouvement brusque fasse changer le décor. Quelque chose attire mon attention, près de l'ampoule. Je m'approche, comme hypnotisée.

Mes doigts effleurent l'objet et des voix explosent autour de moi. C'est diffus, lointain, presque cacophonique et je claque mes mains sur mes oreilles pour éteindre les sons. Je ne comprends rien, mes oreilles pulsent et mon cœur bat si vite que j'ai peur qu'il s'arrête. 

Mais les voix ne s'arrêtent pas et continuent de crier, chuchoter, rire et s'exprimer autour de moi. J'aimerai leur demander d'arrêter mais je ne peux pas. Je ne peux qu'essayer de m'éloigner de l'ampoule, pour voir si cela diminue le volume, sans grand succès. 

Les voix continuent de me poursuivre et je finis par tomber à genoux, incapable de supporter ce volume de décibels. Mes mains retombent le long de mon corps mollement, ne servant plus à grand-chose. 

Je ferme de nouveau les yeux, prête à repartir dans le cauchemar et à revoir du sang partout. Mais une nouvelle fois, mon visage rajeuni apparaît devant moi, avec son grand sourire et son air si apaisé, bien loin de celle que je suis depuis l'émerge de mon coma et c'est comme si le temps s'arrêtait. 

Les voix s'arrêtent d'un seul coup et presque comme si mon visage servait de barrage, seules certaines d'entre-elles parviennent à mes oreilles et je ne peux retenir mon sourire ou mes larmes.

« C'est magnifique mon ange. »

La voix est douce, chaude et masculine. Un sentiment de sécurité et une agréable chaleur m'envahit. Une de mes mains se lèvent et tentent d'attraper la personne qui devrait se trouver face à moi mais n'attrape que le vent, ce qui m'emplit d'une immense tristesse. 

La voix prend le contrôle de tous mes sens, au point d'en faire disparaître mon jeune visage de derrière mes paupières, promptement remplacé par une sorte de forme, qui n'a l'air de rien. Ce n'est pas humain, mais ça y ressemble. 

Peut-être vais-je pouvoir observer le propriétaire de la voix qui me parle ? Je sens l'espoir gonfler ma poitrine et je chasse les larmes qui viennent flouter l'image qui se dessine devant moi. Je n'ose ouvrir les yeux, de peur de briser la magie de l'instant. 

J'aimerai répondre mais rien ne vient, rien ne sort. Je sens la chaleur disparaître et mon sourire devient une grimace. L'espace d'un instant, tout redevient silencieux, jusqu'à ce que : 

« Regarde Daé, c'est toi et moi ! »

Cette voix est plus jeune, mais elle reste masculine. Je n'ai aucune idée de qui cela peut être mais la phrase me fait sourire et je sens une bulle de rire monter dans ma gorge pour exploser en silence. Mon bras retombe le long de mon corps doucement et je sens un air frais contre mes dents.

Felidae [Parties I et II]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant