Chapitre 12 (Partie III)

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Je sens une main froide se poser sur mon épaule et c'est à peine si je réagis, malgré le frisson qui parcourt mon corps.

— Felidae, est-ce que tu es sûre que tout va bien ?, répète l'infirmière.

Tel un étau de glace, la peur broie mon petit cœur déjà mis à mal, manquant de me faire gémir. Est-ce qu'elle sait ? Est-ce qu'elle a des doutes ? Va-t-elle me faire du mal, si je ne réponds pas à sa question ? 

Cette dernière question provoque un électrochoc et mon corps se met en marche mécaniquement, se contrôlant lui-même, tandis que j'observe la scène avec une certaine impuissance. 

Mes muscles faciaux se contractent et forcent mes lèvres à s'étirer vers le haut, dans un mouvement affreusement rigide et faux ; mes mains se délient et mes doigts bougent d'eux-mêmes, formant des mots que je ne pense pas et qui se veulent rassurants, je suppose. 

Mais pour qui ? Est-ce que je le fais pour moi, pour que je puisse continuer à apprendre des choses sur cet endroit ? Ou est-ce que je le fais pour l'infirmière, qui je pense n'a pas grand-chose à tirer de mes mensonges. Ils ne sont là que pour me soigner, pas vrai ? 

"Pas vrai.", réponds laconiquement la petite voix dans ma tête, presque du bout des lèvres, comme si elle s'attendait à être rejetée par mon cerveau déjà surmené. 

A mes côtés, l'infirmière retrouve son fameux « sourire » à mon égard et comme s'il ne s'était rien passé, se lève pour continuer son tour de la chambre afin de vérifier que tout est à sa place et je soupçonne que c'est pour être sûre que je n'ai pas essayé de retenter quoi que ce soit, sans réaliser l'immense froid qu'elle vient de jeter dans la pièce. 

Je l'observe du coin de l'œil, accusant d'un regard critique tous ces gestes, plus mécaniques les uns que les autres. Gestes que je copie, bien malgré moi, à forcer de ne voir que ça. J'aimerai la secouer, la supplier de me montrer ce que c'est, que d'être humain. Mais elle ne peut pas. Elle ne sait pas. Et moi non plus.

— Ne sois pas timide ! Tu peux la prendre ta pilule, je t'assure que c'est sans danger, souffle-t-elle avec ce que je suppose être de l'amusement dans son regard.

J'aimerai pouvoir lui expliquer. Lui dire que ce n'est pas la pilule que je crains, mais bien elle, avec ses faux sourires, ses gestes mécaniques et ses secrets bien cachés. Je ne crains pas la médecine, mais le médecin. 

Mais je ne peux pas. Je ne peux rien dire, rien faire. Je me dois de garder un visage impassible, ne pas montrer mes doutes, mes suspicions. Nul ne sait ce qu'elle serait capable de me faire si elle venait à s'apercevoir de quelque chose. Et je ne tiens pas forcément à l'apprendre, d'ailleurs. 

Alors lentement, ma tête se tourne vers le verre d'eau que j'attrape, sans grande conviction. Mon autre main porte la petite gélule blanche à ma bouche et la dépose sur ma langue, avant qu'un grand verre d'eau ne me fasse avaler le tout. 

Une toux violente me prend juste après, ma gorge n'ayant pas supporté l'intrusion. La panique me gagne lorsque je continue de tousser et je me maudis d'être si faible, d'avoir agi sans réfléchir aux conséquences. Ou peut-être l'ais-je mal pris ? 

En même temps, personne ne m'a expliqué comment prendre ce fichu médicament ! Peut-être ne m'ont-ils rien dit pour s'assurer que je le prendrais mal et ainsi... Et ainsi quoi ? Et ainsi. Je n'ai aucune idée d'où cette idée peut bien mener. 

Ma respiration se fait plus rare et mes pensées n'ont plus aucune cohérence entre elles. L'infirmière est à mes côtés et si peu de temps que j'en ai un haut-le-cœur, avant que tout ne s'arrête, me permettant d'enfin respirer. 

Felidae [Parties I et II]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant