9 août (avec nom d'une danse)

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La contrainte est: introduire dans le chapitre le nom d'une danse.

<<Je vis dans un puits. Je vis comme une fumée dans un puits, comme un souffle dans une gorge de pierre>> Ray Bradbury, Celui qui attend in Les machines à bonheur.

Le souffle qui émane du puits asphyxie mes poumons. Je suis en quasi-apnée. J'ai l'impression que les parois couleur cendre vont se rapprocher et m'enserrer. Je subis cette douloureuse claustration dans ce puits qui n'est éclairé que par la pâle lueur de la demi-lune. Je vis et me demande combien de temps va durer ce supplice. Suis-je puni? Est-ce un châtiment? Cette vie à l'étroit me rappelle ô combien l'espace était délicieux. Je gratte les parois du puits avec mes ongles. Je creuse telle une bête désespérée, terrifiée. De la terre tombe dans mes narines et me fait tousser. Le puits, à perte de vue, semble sans fond. Atteint-il les entrailles de la Terre? Je vis difficilement dans cette prison qui m'a été imposée. Je lève les yeux, la lune a disparu. Je suis maintenant dans le noir total. L'obscurité m'enveloppe tel un linceul.

Je vois l'invisible et l'indicible. Je vois l'invisible atmosphère de gaz qui m'étourdit. Je vois cette lointaine fontaine d'oxygène qui se déverse tel un gaz narcotique destiné à m'anesthésier. Je dois rester conscient pour voir ce qui se joue au-delà des montagnes qui entourent ma geôle. Je vois les dernières neiges fondre et couler doucement jusqu'à moi, creusant une rigole qui bifurque en Y. Je vois et je rigole comme un fou, un aliéné qui a perdu la raison. Je vois mon âme s'échapper de mon corps, pauvre enveloppe qui ne m'est plus utile. Je vois avec les yeux de la nuit, des yeux qui s'allument et passent pour des étoiles. Je n'ai jamais vu autant de choses que dans ces doux moments d'altération de ma conscience. Je vois à en perdre tous mes repères qui s'égarent dans l'horizon barré de mon avenir.

Parfois, je chante mais le plus souvent je me tais et écoute le silence assourdissant qui me vrille les tympans. Je ne comprends pas tous les sons qui forment un magma dégoulinant et gluant. J'entends le silence et c'est une révélation extraordinaire. Je suis sans mouvement. On pourrait m'entendre perturber cette symphonie inachevée, cette mélodie sans parole, sans mesure. Je me rends à l'évidence que je ne suis pas seul dans ce puits où les notes s'entrechoquent. J'ai cessé mon chant qui ressemblait à un hurlement de chien à l'agonie. Comme elle est douce, cette absence de tout qui m'envahit.

Qui suis-je? Je pourrais vous en parler pendant des jours et des jours mais vous finiriez par vous lasser. Et d'ailleurs sait-on vraiment qui on est? Je suis à l'écoute de mes sens. Ce sont eux qui me définissent. Je peux toucher, voir, entendre. L'obscurité me renvoie mon image tel un miroir réfléchissant. Je suis chair et sang, ou peut-être boue et terre. Qu'en sais-je après tout? C'est votre subconscient qui communique avec le mien. Parle pour que je te voie, a dit le philosophe. Je suis une énigme insoluble. Je vis et je vois bien au-delà du regard qui transperce les murs qui m'entourent. Je suis et je pense. Je pense le vide et l'absence.

Un jour viendra où l'attente prendra fin. Je devrai combler cette perspective angoissante car c'est ce qui me constitue aujourd'hui cette attente qui dure depuis que le monde a été créé. Quelle alternative aurai-je? Je n'ai jamais rien fait d'autre qu'attendre. Mais attendre quoi? Attendre qui? Les questions se bousculent et les réponses ne viennent pas. Puis-je remplacer l'attente par un sentiment? Ce sentiment, je pourrais le créer mais je n'ai pas appris malgré l'éternité écoulée. L'éternité n'est pas dans la durée, elle est dans la profondeur. Mon cœur bat et cogne dans ma poitrine. J'essaie de le ralentir, je joue aussi à l'accélérer telle une valse envoûtante dont le rythme s'affole. Ce corps m'appartient-il? En suis-je le maître? J'ai entendu la musique douce me chanter l'Amour, l'Amour impossible.

Marathon d'écriture 2019 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant