Rencontre avec le dragon

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Un cheval lancé à vive allure sur le chemin de terre laissait derrière lui un nuage de poussière. Sur son dos, une jeune femme habillée de vêtements masculins le forçait à avancer plus vite. Vint le moment où l'animal n'en put plus et elle du s'arrêter au bord d'un champ, lui permettant de prendre un peu de repos.

Rejetant ses longs cheveux tressés en arrière, la jeune femme but à une outre d'eau qu'elle avait attaché à sa selle. Si un paysan était arrivé à ce moment là, il n'aurait pas reconnu tout de suite la vaniteuse princesse Philomène. Le visage couvert de poussière et de sueur, échevelée, elle était loin de ressembler à la superbe créature portant des toilettes plus éblouissantes les unes que les autres qu'elle était il y a encore quelques jours. Cette dernière avait eu beaucoup de mal à s'adapter à la vie dure qu'elle menait, mais la recherche d'Antonin primait sur tout. Faisant les cent pas en attendant que son cheval se restaure, elle récapitula les informations qu'elle avait à sa disposition depuis son départ du château de son père.

Philomène avait tourné en rond plusieurs jours avant de retrouver la piste du fameux Smaragdus grâce aux mystérieux cadavres d'animaux que la créature avait laissé derrière elle avant de retourner à son repaire. Philomène avait également fait la macabre découverte des corps calcinés de la garde royale d'Aiguemarine, prouvant que le dragon n'allait pas être facile à tuer et qu'il allait falloir qu'elle joue en finesse.

A sa grande exaspération, elle avait du se résoudre à interroger des paysans du coin afin de connaître la direction qu'avait prise le dragon vu qu'il était difficile de pister un animal volant. Ces derniers, après des regards désapprobateurs sur son costume d'homme, lui apprirent qu'il se dirigeait vers les montagnes de l'est.

Enfourchant à nouveau son cheval, la princesse poursuivit son chemin jusqu'aux reliefs bordant l'extrémité du pays d'Aiguemarine. Après quelques heures à tourner en rond et des demandes auprès des habitants locaux, elle finit par localiser le repaire bien caché du dragon dans les hauteurs. Philomène dut cependant laisser son cheval à un gamin du coin contre une piécette aux pieds de la montagne. L'animal était trop épuisé pour gravir sans risque les pentes tortueuses.

Elle passa l'heure suivante à monter jusqu'à la grotte d'où logeait Smaragdus. Les paysans lui avaient dit que malgré la peur qu'il leur inspirait, ils avaient trouvé un statut quo grâce à la muette du village, Liny, qui s'était liée d'amitié avec l'effrayante créature. Ils avaient déjà essayé à plusieurs reprises de le tuer, l'endormir avec des litres de vin et de le menacer, mais rien n'avait fonctionné à part le lien que Liny avait tissé avec le dragon.

Philomène arriva enfin sur un espèce de plateau à une centaine de mètres de l'entrée de la caverne, gueule béante perçant la roche, et où se trouvait Antonin. Quelques rares arbres avaient survécu à leur cohabitation avec le dragon, mais leur nombre était dérisoire comparé à celui des souches calcinées. Ça et là brillaient de curieux éclats métalliques. En s'approchant, la jeune femme découvrit plusieurs cadavres à l'armure fondue, vestiges des chevaliers qui s'étaient approchés de la grotte afin de terrasser le dragon et lui voler son trésor.

Soudain, une énorme voix sortit du repaire supposé de la créature, prouvant la véracité des dires des villageois.

— Qui est là ? Un pas de plus et je vous carbonise.
— Attendez ! s'écria Philomène en s'immobilisant. Je ne viens pas pour vous vaincre, mais parce que vous avez fais une erreur.
— Une erreur ?

Le dragon sortit de la caverne et fixa avidement la jeune fille de ses yeux jaunes. Smaragdus était encore plus répugnant et horrible que dans ses souvenirs dans la salle de bal. Contrairement à sa témérité de la dernière fois, Philomène sentit ses jambes se mettre à trembler tant la peur emplissait chaque particule de son corps. Un seul mot de travers et il n'y aurait plus qu'un petit tas de cendres à sa place. Elle frissonna d'horreur en songeant à ce qu'elle allait devoir dire puis se ressaisit. C'était pour le bien d'Antonin.

— Vous rappelez vous de votre virée au château d'Aiguemarine ? Vous avez fais une erreur ce jour là. Vous vouliez prendre la princesse comme épouse, mais vous avez pris quelqu'un d'autre par erreur.

Elle inspira à fond et tenta de contrôler sa voix chevrotante.

— Je suis la princesse Philomène d'Aiguemarine. J'accepte de vous épouser si vous libérez la personne que vous avez pris en otage.

Smaragdus resta bouche-bée quelques minutes avant d'éclater de rire. C'était un son gras et énorme, roulant tel le tonnerre et dont l'écho réverbéré par les montagnes environnantes le rendait encore plus impressionnant. Philomène avait l'impression que des centaines de milliers de chevaux aux sabots de métal galopaient dans une plaine tout autour d'elle.

— Princesse Philomène ! Je ne vous avais pas reconnue. Vous êtes moins à votre avantage que lorsque je vous ai vue dans la salle de bal.

La jeune femme grimaça. Sale, échevelée, le visage couvert de la poussière du trajet et les vêtements puants, elle ne ressemblait effectivement plus à la créature de rêve qu'elle avait été lors du bal organisé par son père, il lui semblait si longtemps déjà. Depuis quand n'avait-elle plus dormi dans un vrai lit et pris un bain ?

— Je suis honoré de voir que vous avez fait un tel trajet pour vous offrir à moi, répondit le dragon. Cependant, je ne suis plus intéressé.

Ce fut à la princesse de rester stupéfaite de longues secondes avant que l'énervement prenne le pas sur la prudence.

— Comment ça, plus intéressé ? glapit-elle furieusement. J'ai chevauché pendant des jours en demandant à des paysans, vous vous rendez compte, une princesse qui demande à des paysans, vers votre demeure. Et là, vous me dites que vous n'êtes pas intéressé par ma proposition ? Excusez-moi du peu, mais je m'oppose à votre refus.

Devant son visage outré et ses bras croisés, Smaragdus rit à nouveau.

— Aussi belle que têtue. Vous me comblez, Princesse. Malgré votre beauté et vos qualités indéniables, celui que j'ai enlevé est bien plus intéressant que de vous prendre pour épouse. N'importe qui dans la contrée d'Argentium sait que les princes d'Améthyste sont des otages de choix car leur pays est bien plus riche qu'Aiguemarine ! J'ai d'ors et déjà envoyé une missive à Améthyste afin de recevoir une rançon digne de mon prisonnier. Entre une femme et l'or, je n'hésite pas.
— Mais... protesta Philomène.
— J'ai assez ri, grogna le dragon. Par égard pour votre courage, je vous donne cinq minutes pour être hors de ma vue. Dans le cas contraire, vous finirez en tas de cendre comme tous les autres.

Devant l'air menaçant de la créature, la jeune femme opta sagement pour la fuite et ne s'arrêta que lorsqu'elle retrouva son cheval plusieurs mètres de dénivelé plus bas. Philomène donna une piécette à l'enfant ayant gardé l'animal avant de s'asseoir sur un gros rocher, l'air furieux. La situation était encore pire que ce qu'elle pensait. Si elle avait été assez forte, elle aurait démoli le dragon d'une pichenette, mais elle ne possédait aucun pouvoir magique et les gardes de son père n'étaient pas assez fous pour allez raser la grotte. Après plusieurs minutes de rumination et de rage contenue, elle finir par se calmer. C'est alors que des paroles de son précepteur lui revint alors en esprit : « Si tu ne peux résoudre un problème avec une solution, considère le d'une autre manière ».

Laissant son cheval brouter les herbes environnantes, la princesse se mit alors à réfléchir. La première solution, qui était d'aller négocier avec le dragon la libération d'Antonin contre elle-même, n'avait pas malheureusement fonctionné. Il fallait qu'elle agisse avec subtilité. Et pour cela, quelqu'un de sa connaissance allait sans doute pouvoir l'aider.

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Manque de chance, Smaragdus ne se laisse pas amadouer x) Philomène va devoir trouver une autre solution pour espérer délivrer Antonin. Y arrivera-t-elle ?

Une princesse pas en détresseHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin