Une princesse pas en détresse

Enlèvement

Le jour du bal, Philomène se fit belle : elle prit un long bain chaud parfumé à la rose, se fit coiffer et tresser les cheveux avant de choisir l'une de ses plus belles robes. Elle veilla néanmoins à ce qu'elle puisse retirer la robe sans aide et profita un maximum de toutes ces attentions, car elle savait qu'il s'écoulerait un long moment avant de pouvoir en profiter de nouveau. D'après ses suivantes, ses prétendants et leur famille étaient arrivés la veille au soir très tard. La princesse n'avait encore croisé personne, mais elle n'était pas du tout intéressée par la progéniture des autres rois. Seul son plan d'évasion comptait.

Le soir arriva plus vite qu'elle ne l'eut cru et la jeune fille se sentait angoissée alors qu'elle se dirigeait vers la salle de bal. Et s'il n'y avait que des immatures ? Ou pire, des machos ? Sa dernière soirée serait complètement fichue. Dans un excès de nostalgie, elle maudit une fois de plus son père d'avoir eu la stupide idée de vouloir agrandir son royaume en la mariant avec la progéniture d'un autre roi. Sans cette décision, elle aurait pu rester ici encore longtemps.

Soudain, les trompettes sonnèrent et elle dut cesser de ruminer. Philomène accrocha un sourire de circonstance à ses lèvres avant de pénétrer dans la salle de bal magnifiquement décorée pour l'occasion. Éclatante dans sa toilette violette et bleue, elle s'accrocha au bras de son père et fit des révérences impeccables lorsque les différents rois et reines ainsi que leurs enfants défilèrent devant eux.

Le fils du roi d'Obsidienne, Allenzin, était grand, maigre et beaucoup trop brun à son goût. Il ressemblait à un grand lévrier méchant qui la regardait avec une lueur de gourmandise dans le regard. Philomène grimaça lorsqu'il fut présenté : pour une fois, elle aurait souhaité être moins jolie. Les deux héritiers du roi de Saphir, Emelin et Zorcas, étaient petits, potelés et souriants. Ils aiment la bonne chère ces deux-là, songea la jeune princesse en les voyant jeter des regards de convoitise vers le buffet. Elle n'était pas très banquet. L'unique fils de la reine de Quartz, Tyllio, lui donna l'impression d'être en compagnie d'un doux rêveur, mais l'éclat de ses yeux lorsqu'il vit Philomène n'échappa pas à la jeune fille qui frissonna de désespoir. N'y avait-il aucun prétendant normal ?

Finalement, les quatre fils du roi d'Améthyste furent présentés. Bien que les deux derniers soient trop petits pour se fiancer et que le troisième fut mentalement arriéré, inapte à reprendre le trône, la princesse ne put détacher les yeux d'Antonin, l'aîné des quatre frères. Les cheveux d'un roux flamboyant et les iris d'un vert éclatant, le prince d'Améthyste était ... inoubliable. Waouh !

Éblouie par son charme, Philomène en oublia son plan et proposa d'elle-même d'accompagner la famille d'Améthyste dans la salle de bal afin de leur présenter les différentes activités proposées. Le roi d'Aiguemarine, heureux du changement d'attitude de sa fille, s'empressa d'aller discuter avec le roi d'Améthyste d'un potentiel mariage pour réunir leurs deux familles. Il était de notoriété publique que ce royaume était bien pourvu en terres et en richesses agricoles, ce qui intéressait le roi Hanc.

Malheureusement pour la princesse d'Aiguemarine, le prince Antonin ne semblait pas intéressé par les atours qu'elle portait ni par sa beauté. Attristée, car il s'agissait du seul prétendant qui l'attirait, Philomène réussit à gagner son intérêt lorsqu'elle parla de ses cours d'escrime et d'équitation. Ils passèrent alors un long moment à échanger sur les passes d'armes, ponctué des déclarations enthousiastes de l'entraîneur de la princesse, qui saluait tous les efforts qu'elle avait déployé pour apprendre à se battre.

La soirée battait son plein quand soudain, des cris d'alerte résonnèrent à l'extérieur. Des gardes vinrent en courant vers le roi Hanc avant de lui chuchoter quelque chose à l'oreille. Le visage soudain tendu, il donna une ribambelle d'instructions d'un ton sec, mais celles-ci n'eurent pas le temps d'être exécutées.