Chapitre 8

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Quatre ans plus tôt...

La cinquième, je n'ai pas grand chose à dire dessus en soi si ce n'est que j'ai pris trois ballons dans la tête en cycle volley. Mais je voudrais parler du sport en général.

À partir de cette époque, j'ai eu comme une prise de conscience de mon problème de vue. J'avais 4.5/10 en vision. Cette mauvaise note que la vie m'avait donnée sans me connaître. Je ne voyais pas la trois dimension, j'avais un nystagmus, un glocaume, pas de cristallin dans les deux yeux, aucune adaptation à la lumière. Je dis "j'avais" pour la cohérence mais hélas je l'ai toujours si ce n'est que ma note n'est peut-être plus aussi mauvaise. Bref, je commençais à me rendre compte que je n'y voyais pas bien.

J'aimais bien jouer au foot avec ma famille, dans notre jardin. Un soir, on jouait comme d'habitude. Peut-être était-ce la lumière faible, mon frère qui jouait plus violemment, moi qui étais fatiguée... Je ne sais pas. Mais j'ai eu peur. Peur du ballon et de ce qu'il pouvait me faire.

Je ne m'appliquais que rarement les termes que j'appliquais avec aisance aux autres. J'ai eu une crise de panique que j'ai réprimée du mieux que j'ai pu. Mais je me sentais bête sur le moment. Pourquoi personne n'avait peur, sauf moi ?

Par la suite, j'ai plusieurs fois rejoué au foot. Mais j'avais une peur terrible du ballon. Je me retenais de pleurer à chaque fois. Souvent, j'avais du mal à respirer, un énorme nœud dans la gorge et une envie irrépressible de courir me cacher. Je ne savais pas que ça s'appelait crise de panique. Le terme me semblait bien trop grave pour ma pauvre petite envie de pleurer. Et puis aujourd'hui encore, je me demande si ce n'était pas simplement une peur comme une autre. Une crise de panique ? Ce sont des mots trop puissants pour ce que j'ai ressenti.

J'ai eu la même chose, mais plus récemment, en patinage. Franchement, je n'avais jamais eu de problèmes. Sauf qu'il a fallu d'une fois. C'était une toute petite fois, nous n'avions patiné qu'une heure. Mais c'était avec le club de hockey de mon frère. Des enfants de huit ans qui allaient à fond sans faire attention... (mon frère n'a pas huit ans mais ce sont eux qui m'ont fait peur). Je savais patiner mais cependant, je n'étais pas très à l'aise véritablement. C'était juste... Trop rapide et sans échappatoire. Sans aucun moyen de sortir, mes parents qui ne se rendaient compte de rien et mon frère qui s'amusait à me faire peur. Tout était fait pour que je panique. Qu'est-ce que j'ai fait ? J'ai paniqué. Mais je me suis contenue. Personne ne s'est aperçu de rien. Mais la dernière fois qu'on m'a proposé d'aller à la patinoire j'ai refusé tout net. Une énorme boule avait enflé dans ma gorge. Je me suis disputée avec ma mère pour ne pas y aller. Même maintenant, je ne sais pas si ça va mieux.

Paradoxalement, durant le même laps de temps, j'ai fait un énorme progrès en ski. À mes débuts, je suivais toujours mes parents, je ne faisais jamais mes propres traces. Ça me semblait trop difficile, tout pouvait arriver, je ne regardais jamais plus loin que le bout de mes skis. Ensuite, j'ai gagné en confiance et surtout en technique. J'en suis venue à être plus douée que mon frère en technique et ça me rendait très fière. Mais pour la vitesse, il n'y avait rien à faire, je n'y arrivais pas. Un blocage. Cette année là, mon frère était plus fort que moi et c'était tout. Plus question de technique ou autre. Il filait sur les pistes à une vitesse que je trouvais incroyable. Et il a voulu s'essayer au snowboard. Du coup, nous nous y sommes tous mis pour une après-midi et à la fin, j'ai dit :

— Plus jamais.

J'avais bien trop mal aux fesses et aux genoux. Mais ça n'a pas suffi à mon frangin et il a décidé de retenter l'expérience. Mon père aussi, ma sœur a suivi et ma mère s'est dit que pourquoi pas après tout ?

C'était un week-end de ski organisé par le club de kayak. Nous skiions d'ordinaire avec deux autres enfants. Enfin... Le plus âgé avait cinq ans de plus que moi et le plus jeune l'âge de mon frère. Cedit plus jeune à cédé et s'est aussi mis au snow. Son grand frère en faisait déjà très bien et n'a pas souhaité faire du ski.

Nous étions donc seulement deux à savoir descendre correctement une bleue. Et nous avons donc skié ensemble. Juste tous les deux. J'avais douze ans, il en avait dix-sept et en plus, j'étais facilement impressionnable, surtout par un plutôt beau garçon. Bref... J'ai toujours eu trop d'imagination dans ce genre de situation. Enfin, on a skié et moi, je ne voulais pas qu'il m'attende. Parce que je ne voulais pas être un boulet finalement. Du coup, au niveau vitesse, j'ai énormément progressé parce que lui, il savait aller vite... Du coup, en un week-end, j'ai fait sept chutes sévères. Aucune blessure grave à part quelques bleus et un moment où j'ai déchaussé les skis et lui était déjà en bas et il a dû m'attendre trente ans et j'ai pas osé lui dire que j'étais tombée. Enfin je lui ai marmonné mais il n'a rien compris.

En tout cas, à partir de ce week-end-là, j'ai fait partie des rapides sur une piste de ski. Vous savez ? Les skieurs nonchalents qui frôlent les débutants, les bords de pistes et dérapent à fond dans les rouges ? Et même les noires quand la neige est bonne (ou pas d'ailleurs). Et bien c'était moi. Et c'est toujours moi d'ailleurs.

J'étais tellement fière de moi sur ce coup-là. Je pouvais suivre mon frère quand il n'allait pas sur des énormes bosses (je n'étais pas non plus devenue inconsciente), je pouvais aller vite et j'avais enfin cette sensation de vitesse que je n'ai jamais retrouvée ailleurs qu'en faisant du ski. Par contre, comme je vois tout en retard, j'ai des réflexes moins bons que la normale. Donc oui, sur une piste de ski, je le reconnais, je suis un danger public. Mais d'un autre côté, à force, mes réflexes se sont améliorés.

Mais juste pour l'effet de vitesse que je découvre à nouveau chaque hiver, je ne remercierai jamais assez ce garçon.

Nuit PerpétuelleWhere stories live. Discover now