Chapitre 9

35 8 11
                                    

Bonjour !

Le texte abordé dans cette partie peut être lu sur mon recueil de poèmes "À mes Instants Perdus" dans une partie intitulée "Nouvelle". Libre à vous de vous y référer.

***************

Deux ans plus tôt...

Je pense que pour le sport, le réveil le plus dur à été en équitation. Ce n'était qu'une simple compétition. Ma première en extérieur, c'est-à-dire hors du club. J'avais une épreuve de dressage et un autre de saut. Je montais un cheval qui est mort depuis. Je l'aimais beaucoup. Mais bref, c'est l'épreuve de dressage qui m'a marquée. Je savais que j'avais fait quelque chose de minable. Je le savait parce que j'avais oublié certaines choses, que rien n'était précis. C'est seulement après que j'ai compris pourquoi. Je n'avais pas voulu voir (ironie du sort) que je ne pouvais pas être précise. Encore tout récemment, mon grand-père m'a dit :

— Bah, ça s'apprend les lettres d'une carrière de dressage.

Certes. Mais est-ce que, les connaissant, je verrais mieux le panneau ? Peut-être, je n'ai pas essayé.

Le classement de cette épreuve ? Dernière. À quelques petits demi points du précédent, certes, c'est ce que m'ont dit mes parents. Au moins, je n'ai pas perdu parce que j'étais vraiment nulle.

Non. Je ne me suis même pas considérée comme nulle. Ce n'était pas ma confiance en moi qui prenait un coup. C'était ma place. Je n'étais pas aveugle. Et en ce sens, j'avais la capacité de faire ce genre d'épreuves. Mais je n'y voyais pas suffisamment. À quel point c'est horrible de se dire qu'on est pas suffisant ? Dans mon cas, que ce n'est pas suffisant pour être bonne mais que c'est encore trop pour pouvoir en défier d'autres, plus atteints que moi. C'est horrible. J'ai vraiment réalisé que je ne serais jamais à ma place. Nulle part. Jamais. Parce que j'y voyais suffisamment. Tout juste. Pas assez et trop à la fois. J'étais cet entre-deux et je l'ai réalisé ce jour là alors que je venais de terminer mon épreuve de saut. Avec une erreur de parcours parce que je n'avais pas vu un plot. Je n'ai même pas voulu connaître le classement. Je voulais encore me bercer de quelques illusions.

Côté école, tout se passait toujours bien. Sans travailler plus que ça, j'avais des notes excellentes (c'est ce qu'on m'a dit). J'utilisais désormais l'ordinateur dans tous les cours ou presque. Sauf avec quelques professeurs récalcitrants. En maths, je gérais plutôt bien grâce aux raccourcis claviers, à Dmaths et à Geogebra. En technologie, SVT, physique-chimie, histoire-géographie, maths et langues, j'utilisais l'ordinateur. Même en français. Et si je dis même, il y a une raison. Cette professeur qu'on appellera Citrouille (pardonnez le peu d'originalité), avait... peur ? de la technologie. À vrai dire, alors que beaucoup de professeurs s'étaient résignés à me fournir des documents numériques, elle continuait en format papier. Bon, au moins c'était du A3. Mais le A3, c'est bien parce que c'est gros et c'est nul parce que c'est plus lourd et plus gros aussi. Ça prend plus de place. Enfin, je préférais mille fois le format numérique. Mais ce n'était pas pour cette raison que je me suis mise à haïr Citrouille que, parce que j'avais pris latin et grec, je devais voir huit heures par semaine.

Nous devions faire une rédaction dont voici le sujet : « Vous êtes témoin ou victime d'une scène d'injustice. Racontez la scène en insistant bien sur les émotions ressenties. »

Alors j'ai fait ce qu'on me demandait sauf que j'ai écrit à l'ordinateur évidemment. C'était mon outil de travail, l'équivalent d'une copie pour les autres. Sauf que ma copie avait accès à internet...

À la fin du cours, lorsque nous rendons les copies, la professeure lit quelques extraits (pas à voix haute) et s'exclame :

— Mais ce que vous racontez doit être crédible ! Ça doit pouvoir vous être arrivé !

Alors d'abord, ce n'est pas écrit dans le sujet. Et ensuite, ce n'est pas à la fin mais au début du cours qu'il faut le dire ! Donc j'étais un peu inquiète parce que, fort heureusement, ce que j'avais écrit dans ma rédaction ne m'est pas arrivé.

Après quelques jours, elle reparle de la réaction et me dit :

— Audrey, tu as rendu un hors sujet !

Alors l'inquiétude après ce qu'elle avait dit à la fin du cours m'est revenue. J'ai relu le sujet, ma rédaction... Et je ne comprenais pas. C'était parfaitement dans le sujet.

Les vacances sont passées et Citrouille à rendu les copies... Mais pas la mienne. En soi, ça peut être un oubli d'imprimer ou quelque chose comme ça. Mais lorsque je lui ai demandé, elle m'a donné une réponse vague. Un genre de gromellement.

Alors le lendemain, je lui ai demandé pourquoi. Elle m'a dit quelque chose de très clair :

— Ta copie est parfaite dans le style mais dans le fond... Et puis... J'aimerais voir ta vraie écriture. Tu es hors sujet et je n'ai pas envie de te mettre zéro.

Oui, vous avez bien lu, c'est du favoritisme. Et... Ça ne veut rien dire "ta vraie écriture". Elle veut que j'écrive sur papier ? J'avoue que ce fut la seule manière d'interpréter qui me vint à l'esprit.

Je suis à nouveau allée la voir pour lui demander franchement ce qui n'allait pas sur ma copie. Parce que ce qu'elle avait dit n'était pas clair. Et Citrouille m'a répété exactement la même chose.

Entre-temps ma mère m'avait dit qu'elle irait la voir. Lorsque ma mère est rentrée, elle ne m'a rien dit du contenu du rendez-vous. Elle m'a juste mise en garde :

— Ne te laisse pas submerger par tes émotions.

J'avais juste besoin d'être rassurée, j'en demandais pas tant... Le lendemain, je n'en pouvais plus de sa tête mais je suis retournée la voir. Elle a encore hésité et a finalement craché le morceau.

— J'ai fait lire la nouvelle à des collègues et à des amis, ils sont d'accord : on ne peut pas écrire une rédaction d'une telle qualité en deux heures en classe de troisième. Alors soit tu es un génie et tu mérites vingt, soit tu as triché. Audrey, je t'aime bien, mais comprends que je peux avoir un doute.

Donc selon elle, je suis un génie... J'ai failli rétorquer que j'étais flattée mais je ne l'ai pas fait. Par contre, son favoritisme m'énervait franchement.

En fait, elle croyait que j'avais pris le texte sur internet puisque j'avais utilisé mon ordinateur et qu'elle en avait trouvé un similaire. Je ne convaincrais personne que je n'ai pas triché. Il me suffit de savoir que je ne l'ai pas fait. En fait, j'avais juste déjà écrit cette scène. Je n'ai eu qu'à changer de point de vue pour que ça rentre dans le sujet. Mais je cite néanmoins les mots qu'elle a surligné sur ma copie en pensant qu'un élève de troisième serait incapable de les utiliser :
"suffoquer" ; "rauque et narquoise" ; "tortionnaire" ; "goût ferreux du sang" ; "quintessence" ; "Je me tus sans oser protester contre le mauvais traitement que je subissais." ; "par peur des représailles." ; "ne permis à aucun de mes sanglots de franchir la barrière de mes lèvres serrées." ; "s'estomper" ; "viscérale" ; "m'asséna un dernier coup à la tempe." ; et "prestation".

Malgré tout ce que j'ai pu en dire par la suite, cette accusation m'a blessée. Nous en avions discuté dans une autre réunion avec mon prof principal et mon proviseur. Et mon PP avait reconnu que c'était bien plus long de modifier un texte pris sur internet que de l'écrire. Mon Proviseur, qui était au bout du rouleau, m'a dit qu'il lui était arrivé la même chose sur papier et qu'il y aurait toujours des professeurs qui auraient un problème avec ça et qu'il fallait que je m'habitue. J'avais envie de l'insulter et de pleurer en même temps. Habitue toi à ne pas voir ! Quoique pour lui, ça ne devrait plus trop tarder...

Nuit PerpétuelleWhere stories live. Discover now