Chapitre 5

43 9 22
                                    

Six ans plus tôt...

Celle que je rencontrais et qui donnais toujours son verdict final, c'était celle qui m'avait opérée quand je n'avais qu'un mois et demi ou deux. Elle était super gentille avec moi. Mais ça ne l'a pas empêchée de m'annoncer qu'il fallait rajouter une goutte de plus. Désormais, j'en avais trois à mettre avec deux produits différents. Une le matin et une le soir dans l'œil droit et avec un autre produit, une le soir dans l'œil gauche. Et puis encore après, deux le soir dans l'œil droit. Et ça a semblé se stabiliser. Le glocaume n'a plus bougé pendant quelques années. Peut-être deux ou trois.

Pour vérifier le glocaume, il fallait deux tests. Le premier, je crois que tout le monde l'a subi au moins une fois : le souffle d'air dans l'œil. Le deuxième est plus sophistiqué et je crois, moins courant. C'est une grande machine (pas grosse et massive, mais assez grande) qui projette une lumière soit jaune, soit bleue. Avec la jaune, ils examinent l'œil en général, souvent, ils rajoutent une loupe devant. Eux, ils voient mieux mais pour moi, c'est plus de lumière en plus concentrée. Étrangement, si je suis éblouie dès je le soleil pointe son nez, cette lumière-là ne m'a jamais vraiment dérangée. Ensuite, avec la bleue, ils approchent une sorte de boule de la pupille qui mesure la tension. C'est la seule méthode qui marche sur mon œil droit parce que j'ai la cornée trop épaisse.

Ce que j'appelle test rassemble aussi tous les éléments de gymnastique des yeux, lire les lettres sur l'écran, suivre la petite lumière... Et le dernier test, le moins contraignant je crois, c'est celui de la montgolfière. Celui-là aussi est classique, il suffit de regarder la montgolfière.

À l'école, je n'ai plus eu d'AVS après Valérie. En CM1, Anne est venue pour m'apprendre la dactylographie. J'ai passé les deux années suivantes à apprendre à taper sur un clavier. Elle venait une fois par semaine je crois. Le but était que je puisse utiliser efficacement un ordinateur en cours, au moins à partir du collège. Et c'est finalement ce que j'ai fait. Enfin... Pas tout de suite. J'aimais bien l'école, j'étais plus ou moins attentive en classe, je ramenais souvent des bonnes notes... Tout se passait plutôt bien de ce côté-là.

Sauf que ma vue augmentait. On aurait pu penser que c'était une bonne nouvelle pour moi. Et c'en était une. Mais quelque chose me rendait triste : j'y voyais trop bien pour continuer à aller à Lestrade. Je me souviens encore de la réunion dans la salle de séjour où on passait la totalité de notre temps. J'avais les larmes aux yeux mais je crois que personne ne l'a vu. À ce moment-là, je ne réalisais pas à quel point j'y voyais peu alors qu'était une amélioration que je ne ressentais même pas à côté de la perte de mes amis ? Mais j'ai dû les laisser, sans avoir pu leur dire au revoir. Ou alors je n'ai pas gardé ce moment en mémoire ce qui est possible aussi après tout. Qui suis-je pour avoir la prétention de tout me rappeler ? La seule personne que j'ai revue après l'école primaire était Camille. Je l'avais invitée à la maison et j'étais allée chez elle. Son petit frère avait joué avec nous...

J'allais toujours à Toulouse pour les tests. Cela, je le crains, je n'y échapperai jamais. À chaque fois, j'étais en service pédiatrie. Déjà parce que j'étais enfant et... C'est une raison suffisante. Mais au début, je faisais partie des plus jeunes, je ne prêtais pas attention aux autres ou alors juste pour jouer avec eux. Ce n'est que plus tard, je ne saurais dire trop quand, peut-être quand j'ai appris à lire, que j'ai commencé à me rendre compte de ce qu'est une salle d'attente en service pédiatrie.

Imaginez deux enfants qui se disputent dans une pièce avec le son d'un générique de dessin animé en fond. Vous avez l'image ? Et surtout le son ? Et bien rajouté un enfant qui n'aime pas le dessin animé, un autre qui pleurniche parce qu'on lui a mis une goutte qui pique dans l'œil, un parent qui parle fort au téléphone, un autre enfant qui joue avec des legos et les jette par terre et vous aurez une petite idée du bruit qui règne. Maintenant, il vous suffit de rester assis là à attendre pendant quelques minutes qui se transforment souvent en heures, un rendez-vous de quelques minutes toujours courtes qui apporte – pour ma part – toujours des mauvaises nouvelles. Vous avez ainsi le tableau d'une partie de chacune de mes visites à l'hôpital. Charmant n'est-ce pas ?

Et puis, j'avais peur de l'entrée au collège. Peur parce que c'était plus grand, que je ne connaîtrai personne. Peur de l'inconnu finalement.

Enfin... J'avais mes raisons et je les trouvais un peu stupides. Et pourtant, elles étaient plus justifiées que je ne l'ai cru.

Nuit PerpétuelleUnde poveștirile trăiesc. Descoperă acum