8.

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À quelques mètres devant moi, Shelley, que je viens d'aller chercher à l'école et qui m'a abandonné son cartable, court comme une petite folle. Nous arrivons en vue de l'immeuble. Mes boyaux se crispent désagréablement.

Oh, pitié ! Pas eux...

Bien sûr, la petite bande habituelle est installée sur les quelques marches du perron. Rien que de penser qu'il me faudra slalomer entre tous ces mecs qui depuis des années — depuis toujours, ai-je l'impression — trouvent amusant de me mettre en boîte, j'en ai presque des sueurs froides. Bon, j'exagère un peu. N'empêche, je commence à en avoir un peu marre de me faire charrier.

Aujourd'hui encore, Ian est avec eux. Cela fait près de dix-huit mois qu'il a perdu son emploi de mécanicien suite à une vague de licenciements. La première année, il s'est vraiment battu pour retrouver du boulot. Il était vraiment persuadé qu'avec son expérience, ça serait plus facile. Il a déposé son CV sur d'innombrables sites, a multiplié les demandes spontanées. En vain. Je crois bien qu'il a fini par perdre tout espoir de recouvrer un vrai job un jour. Il continue néanmoins à se présenter au bureau de placement, mais les missions sont rares. Ces derniers temps, une fois ou deux déjà, je l'ai vu traîner avec des types un peu louches du quartier. Des mecs qu'avant, il évitait. J'espère juste qu'il ne va pas se mettre dans les emmerdes.

Shelley se jette dans ses bras et se met à papoter avec les gars de la bande. Je ne sais pas ce qu'elle est en train de leur raconter — je suis trop loin pour entendre —, mais en tout cas, ils sont morts de rire. Loin d'être une complexée comme moi, la puce possède un genre de pouvoir magique. Tout le monde tombe automatiquement sous son charme.

— Salut sœurette ! m'accueille Ian.

— Salut, fais-je à la ronde sans regarder personne.

J'obtiens une espèce de grognement en réponse.

Ouf ! Apparemment, aujourd'hui, ils ont décidé de m'épargner !

Retenant un soupir de soulagement, je pose le pied sur la première marche du perron.

— Eh ! Noémie ! Je pensais à un truc. T'as jamais essayé de déposer un brevet sur tes recettes de gâteau ? Parce que je suis sûr que tu ferais fortune dans l'industrie du béton ! lance Kevin.

Comme vous l'aurez deviné, Kevin est le petit malin de la troupe. Toujours d'humeur taquine. Évidemment, il fait encore référence à cet épisode qui remonte à la nuit des temps. J'avais dix ans. C'était la première fois que je m'essayais à la confection de scones. Ce jour-là, Ian avait décidé d'inviter ses potes à la maison.

Vous imaginez sans peine la suite...

Toujours est-il que depuis, Ian et ses amis, Kevin en particulier, ne cessent de me bassiner avec cette histoire. Avec celle-là... et un ou deux trucs similaires.

Les autres se tordent de rire. La puce, qui ne comprend pas vraiment ce qui les rend hilares, vient glisser sa petite menotte dans ma main.

Comme à mon habitude, je me cuirasse dans une indifférence feinte et gravis les marches. Tenant la porte à Shelley, je suis surprise de voir Ian nous emboîter le pas.

— Alors ça se passe comment avec Monsieur Knightsbridge ? ironise-t-il tandis que nous empruntons l'escalier.

Je lui jette une œillade suspicieuse. Où veut-il en venir ?

— En fait, je ne le vois presque pas, rétorqué-je laconiquement.

À peine ai-je ouvert la porte de l'appart que Ian s'engouffre dans le couloir en direction de sa chambre. Shelley, elle, se précipite dans le séjour. Abandonnant son cartable dans l'entrée, j'accroche mon trench sur le portemanteau et entre à mon tour dans le salon.

Pour toujoursDonde viven las historias. Descúbrelo ahora