25.

3.2K 264 9
                                    

Adam

Un mois plus tard...

— C'est immense ici, remarque Lise.

J'embrasse du regard le local désert et lumineux. Une surface de plusieurs centaines de mètres carrés. Pas de finitions. Pas de cloisons. Murs nus. Sol cimenté.

— Les ouvriers commencent les travaux la semaine prochaine, précisé-je. Il y aura plusieurs ateliers en plus des bureaux à l'étage. Pour tout ce qui est soutien scolaire, j'ai déjà quelqu'un. Pour la mécanique aussi. J'aimerais trouver quelqu'un pour l'électroménager, et des cours de menuiserie.

Elle se tourne vers moi.

— Tu penses vraiment que cela intéressera les gens de venir apprendre à réparer leur vieux grille-pain ou... leurs chaises ? lance-t-elle d'un ton sceptique et amusé tout à la fois.

— Oui, affirmé-je sans hésitation. D'ailleurs, je ne suis pas en train d'innover. Ce genre d'initiatives existent déjà. L'idéal, ça serait qu'elles se multiplient.

Un instant, elle laisse errer son regard vers les larges fenêtres, avant de le reporter sur moi.

— Je suis vraiment impressionnée, dit-elle. Réussir à convaincre des P.D-G à la retraite de financer ton association...

— Crois-moi, ça n'a pas été facile ! Loin de là.

— D'autant plus qu'il n'y a aucun retour sur investissement puisque tous ces cours seront gratuits.

— Ça dépend de ce que tu entends par investissement, noté-je. La connaissance, c'est un placement sur l'avenir.

— C'est comme ça que tu as réussi à leur vendre ton projet ? s'amuse-t-elle.

— Disons surtout que pour certains, ça redore un peu leur blason, répliqué-je avec un humour un peu corrosif avant de reprendre. En plus de leur mécénat, quelques-uns ont accepté de venir délivrer, une heure ou deux par mois, leurs connaissances et apporter quelques conseils à de jeunes entrepreneurs.

— Il faut croire qu'ils devaient vraiment commencer à s'ennuyer, rigole-t-elle.

— Peut-être...

Mettre sur pied cette association me permet de survivre. De garder la tête hors de l'eau. Et c'est aussi une façon d'être plus proche de Noémie. D'avoir quelque chose à quoi me raccrocher. De continuer à espérer. De canaliser cette douleur et cette colère qui ne me quittent plus depuis des mois maintenant.

Sans compter que pour la première fois depuis des années, j'ai la sensation de vivre en accord avec moi-même.

Chaque jour, je réalise à quel point j'ai changé depuis l'époque où Noémie et moi nous nous sommes rencontrés. Étant issu d'un milieu protégé, j'étais inconscient des privilèges que ma naissance m'avait offerts sur un plateau. Je n'avais absolument pas conscience de ma chance. Tout cela me semblait aller de soi. Insouciant, je menais ma vie à cent à l'heure. Sans me poser de questions.

Je n'étais pas pire qu'un autre. Et je veux même croire que j'étais peut-être moins pire que beaucoup. Dans mon milieu, c'est facile de se déconnecter totalement des réalités du monde. D'autant plus que ce milieu est celui où l'on reste dans l'entre-soi.

— Je suis étonnée que tu aies pu trouver autant de donateurs, reprend Lise. J'étais presque certaine que ton père ferait marcher ses relations...

— Je suppose qu'il a dû essayer, réponds-je évasivement.

Bien sûr que Sir Henry Masson Miller a tenté de me contrer. C'est une évidence. Même si je n'ai aucune preuve. Simplement quelques refus catégoriques accompagnés de vagues allusions. C'est là sa façon de procéder. Seulement, plus il me met des bâtons dans les roues et plus je suis certain d'avoir fait le bon choix.

Pour toujoursWo Geschichten leben. Entdecke jetzt