Chapitre I : Filature nocturne

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Firo flânait tranquillement à son balcon. Le soir approchait sur Gargaoro, et le jeune homme sentait la fatigue l'emporter peu à peu. Bien que, de sa position, il ne pût se fier qu'au cycle de consumation des innombrables torches de la ville pour estimer l'heure qu'il était, il aurait pu jurer que l'ambiance de Brakmore paraissait plus rougeâtre qu'en pleine journée, comme si la cité était directement éclairée par les lueurs flamboyantes du crépuscule. Le temps d'un instant, cette atmosphère chaude et apaisante lui rappela Floshrun, son propre monde.

D'ailleurs, qu'en était-il de sa planète ? Et de ses habitants ? Avaient-ils pu se mettre à l'abri ? Avaient-ils pu préparer leurs défenses, si faibles soient-elles, pour faire face à la guerre ? Ou avaient-ils vécu les mêmes horreurs que celles qu'il avait dû traverser depuis son départ ? Il l'ignorait. Il n'avait pas eu de nouvelles depuis le massacre découvert à Alapos.

Et, après tout, il ne s'en souciait guère à présent : tout ce qu'il avait connu et qui l'attachait à cette planète avait été détruit, exterminé par une rage meurtrière et inexplicable. Ses souvenirs d'enfance commençaient à s'amoindrir, à s'étioler, à s'assombrir à mesure que le temps passait. Et cela lui semblait faire une éternité depuis qu'il avait définitivement quitté son rocher natal.

Quelqu'un toqua à la porte de son appartement. Firo se redressa d'un bond et traversa le trois-pièces, similaire aux autres logements royaux que Galistène avait aimablement prêté à chacun des Maîtres Dragonniers après leur retour de Glamchtugna, dix jours plus tôt. Même si ce n'était pas d'un luxe grandiose, il y avait tout le nécessaire pour vivre, et Firo aurait très bien pu se priver de se rendre aux banquets tenus chaque soir dans l'enceinte du palais au vu de toutes les provisions que contenaient ses placards. La décoration intérieure était assez sobre et impersonnelle, les murs jaunes apportant tout de même de la chaleur à l'habitation. Enfin, son emplacement au creux de la colonne centrale de Brakmore offrait une vue imprenable sur le reste de la cité.

Firo déverrouilla la porte et l'entrouvrit. Il tomba alors nez-à-nez sur une jeune servante en tenue protocolaire et poussant un lourd chariot blanc. Celle-ci lui proposa des boissons chaudes et lui demanda s'il ne manquait de rien pour s'endormir, et le jeune homme déclina chacune de ses offres aussi poliment que maladroitement. Même si cette routine persistait depuis une dizaine de jours, Firo était encore très mal à l'aise avec toute cette hospitalité exagérément solennelle.

La jeune servante se ravisa donc, le salua d'une révérence et s'approcha de la porte voisine. L'invitée suivante saurait probablement mieux l'accueillir que ne l'avait fait le jeune dragonnier, puisqu'il s'agissait de la princesse Ayga.

Ayga... Firo considérait désormais la princesse comme une véritable amie. Elle était l'une des rares personnes, avec son frère, à lui procurer de la joie en toutes circonstances, uniquement par sa présence et peu importe la gravité de la situation dans laquelle il pouvait se trouver. Et Ayga l'avait soutenu et était restée à son chevet pendant toute la durée de sa convalescence, ce dont il lui serait toujours reconnaissant.

Et, d'un autre côté, la princesse semblait s'être elle aussi rapprochée de son protégé. Il arrivait parfois, lors de moments durant lesquels les deux amis se retrouvaient seuls, qu'Ayga fasse des confidences à Firo. Ni l'un ni l'autre ne savait réellement pourquoi, mais la princesse avait désormais une confiance totale, et elle savait qu'elle pouvait lui dire tout ce qu'elle avait sur le cœur.

Elle lui parlait par exemple de ses inquiétudes et de ses peurs pour la suite des événements de la guerre ; entre autres, elle évoquait souvent ses craintes par rapport au fait qu'ils étaient à présent sans nouvelles de Glamchtugna et qu'un blocus avait été organisé par les Darklidians autour d'Algomote. Firo, probablement plus que quiconque, pouvait très bien comprendre cette frustration de ne plus pouvoir retourner sur sa planète natale, et cette angoisse qu'un drame puisse y avoir lieu. Car, si aucune autre grande bataille comme celle de l'Arbre Roi ne s'était déclenchée depuis dix jours, la pression qu'exerçaient les forces ennemies sur le moral des Alliés était à présent palpable et ne faisait qu'empirer.

13 Dragon Riders (1.08) : TrahisonsWhere stories live. Discover now