Chapitre 15. Mother

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"Hush now baby, baby, don't you cry.
Mama's gonna make all your nightmares come true.
Mama's gonna put all her fears into you.
Mama's gonna keep you right here under her wing.
She won't let you fly, but she might let you sing.
Mama's gonna keep baby cozy and warm.
Ooh baby, ooh baby, ooh baby,
Of course mama's gonna help build the wall."

Nous sommes dans le jardin de la clinique, il commence vraiment à faire chaud à Paris au début du mois de juin.

Sneazz, ma mère et moi. Il conduit son fauteuil roulant en faisant la conversation. Je n'ose pas ouvrir la bouche. Quand cela fait presque quatre ans qu'on ne parle pas à sa mère, il paraît assez compliqué de savoir par quoi commencer.

Elle me jette de temps à autre des regards inquiets, comme si je l'intimidais. Peut-être que c'est un peu le cas maintenant. Après tout ce que j'ai pu lui envoyer dans la figure, elle doit avoir peur d'une crise de colère ou bien que je m'enfuie soudainement.

Cette semaine j'ai réfléchi, tenté d'appréhender la façon dont j'allais pouvoir parler à ma mère. J'en ai même discuté avec Berthier. Il m'a dit qu'il suffisait simplement d'un mot pour commencer une conversation.

Facile à dire, Dumbledore, facile à dire.

Hier soir, Naël a annoncé à tout le monde qu'il était admis à l'ENS, il était tellement fier. Je crois que je suis fière de lui aussi. Entre nous c'est un peu bizarre. Quand il m'a dit qu'il m'aimait, le week-end dernier, on s'est embrassés, encore. Puis je lui ai dit que j'avais besoin de temps, il m'a répondu que lui aussi.

Alors on ne s'est pas vu cette semaine, mais on sait que l'autre est là. Hier soir j'ai préféré éviter de me retrouver seule avec lui, on a échangé quelques regards appuyés, il m'a embrassée sur le front en partant, ça m'a suffi, je crois que lui aussi.

À peine arrivée chez nous, je me suis enfermée dans ma chambre pendant presque une heure, puis j'en suis ressortie décidée. Mes parents regardaient un film blottis l'un contre l'autre dans le canapé. Ils m'ont regardée sans comprendre, j'ai fixé ma mère dans les yeux pendant de longues secondes avant de lâcher un « On peut aller voir Moh ensemble demain ? ». Elle a regardé mon père comme pour s'assurer que lui aussi avait bien entendu ce qu'elle venait d'entendre. J'ai attendu qu'elle hoche la tête et j'ai dit : « 15h ».

Et nous y voilà, depuis plus d'une demi-heure, pourtant je n'ai toujours pas réussi à dire le fameux « mot » pour commencer cette conversation. Moh me lance fréquemment des regards encourageants, mais je sens qu'il ne veut pas trop me presser non plus.

Il a encore eu quelques absences cette semaine. Le médecin pense que ça peut aller en s'intensifiant pendant quelques temps, puis peut-être repartir comme c'est venu. Il dit qu'il n'y a pas d'autre secret qu'un travail acharné, beaucoup d'exercices de mémoire, pour que la situation s'améliore. Mais ça m'inquiète. Jeudi quand je suis arrivée, il m'a dit « Encore toi ? » alors qu'il ne m'avait pas vu depuis deux jours.

Il sait toujours très bien qui sont les gens, comment il s'appelle, quand il est né, mais il oublie des petits évènements de la journée, ou même qui se sont passés récemment. Ce qui le rend parfois un peu désorienté. Clémence m'a dit qu'hier qu'il lui avait dit quatre fois qu'il aimait bien la façon dont elle était maquillée.

« C'est toujours agréable de l'entendre plusieurs fois, mais j'ai un peu peur du jour où il trouvera que j'ai mauvaise mine et qu'il me le rappellera toute la journée. » a-t-elle plaisanté.

— Iris, dis-moi t'es prête pour le bac ? me demande soudainement Moh pour me ramener sur terre.

Eh oui, dans cinq jour, bac de philo.

Ce qu'on laisse à nos mômesWhere stories live. Discover now