Chapitre 10. Back to black

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Ce chapitre peut être quelques peu choquant ou éprouvant moralement, n'hésitez pas à me dire si vous n'avez pas réussi à lire, je vous donnerai les informations nécessaires à la poursuite de l'histoire. Bonne lecture ❤️ (il est plus court que les autres mais c'est normal).

"We only said goodbye with words
I died a hundred times
You go back to her
And I go back to
Black"

Deux ans et demi plus tôt,

Je venais de rentrer du lycée, l'appartement était vide. Évidemment, mon père allait encore passer le week-end au chevet de ma mère malade. Trois semaines qu'elle était à l'hôpital, il n'en sortait plus non plus.

"Tu dois avorter, Iris"

"Ta mère a failli y passer, tu te rends bien compte que c'est impossible de tout gérer en même temps."

"On ne va pas lui en parler, elle n'a pas besoin de ça en plus."

Je revoyais encore le rendez-vous chez le gynécologue où de toute mon âme, de tout mon coeur, j'avais voulu crier que je n'étais pas prête, que j'avais besoin d'y réfléchir, mais j'avais si peur de le décevoir. Mon père.

Il m'avait presque regardé avec dégoût lorsqu'il avait appris que j'étais enceinte. Seize ans, c'était trop jeune, le père était un "pervers malade mental" pour reprendre ses mots. Et puis comment osais-je lui faire ça au moment où ma mère était au bord de la mort ?

Moi, je croyais qu'il me soutiendrait, parce que c'était ce qu'il avait toujours fait, même si je savais que je passerais toujours après elle, je pensais qu'il essaierait de comprendre.

Mais la seule chose qu'il avait à l'esprit, c'était la presque mort de ma mère.

Alors si moi je mourrais ? Il serait soulagé non ?

Il n'aurait plus à s'occuper que d'elle. Plus d'Iris avec ses problèmes, plus de bêtises, plus de bébé, plus d'avortement.

Et Moh n'aurait plus besoin de passer des heures à s'occuper de moi, à m'écouter parler de cet événement qui m'avait traumatisée.

« Il ne voulait pas te faire de mal, Iris, il pensait juste que c'était le mieux pour toi. Parce qu'il t'aime. »

Il pensait simplement que c'était le mieux pour elle.

Un secret bien gardé. Lui, moi, Moh, Naël.

Personne ne saurait jamais que la fille de Nekfeu était tombée enceinte après avoir été détournée par un photographe ultra connu dans la presse rap.

Mais tout le monde saurait sûrement pour sa mort.

Dieu merci il l'endurerait beaucoup mieux que si c'était ma mère.

Il n'y avait vraiment plus rien de bon pour moi. J'avais cette culpabilité qui me lacérait le cœur, parce que je ne m'étais pas battue pour garder mon bébé. Bien sûr Naël disait qu'on ne pouvait pas parler d'un bébé, que je n'étais pas une meurtrière, que je devais me pardonner et pardonner à mon père. Mais c'était plus fort que moi.

Depuis ma tendre enfance, j'avais passé des nuits agitées par des cauchemars épouvantables. Je rêvais que ma mère me dévorait, que mon père la félicitait. Je rêvais qu'il m'abandonnait seule au milieu d'une forêt pleine de loups. Et maintenant, je n'étais plus la victime lors de mes cauchemars, j'étais criminelle, j'étais monstrueuse. Et comme depuis toujours, il y avait du sang. Tellement de sang.

J'avais depuis développé une vraie fascination pour ce fluide et il m'arrivait souvent de le regarder s'échapper des longues coupures que je dessinais à la lame de rasoir, à l'intérieur de mes cuisses et sur le bas de mon ventre.

Quel mal d'abîmer ce corps, il était déjà tellement sale, je n'avais pour lui que du dégoût.

« Comment peux-tu dire ça Iris, tant d'adolescentes tueraient pour avoir un corps et un visage comme le tien. »

Finalement, je le trouvais presque plus beau ainsi. Au moins il était plus représentatif de l'âme pourrie qui m'habitait.

Mais bientôt il ne serait plus la prison de chair qui me retenait dans ce monde.

Mon cœur cesserait de battre pour un homme que je n'avais pas le droit d'aimer, mes yeux se fermeraient enfin pour ne plus jamais contempler dans le miroir cette personne que je haïssais de tout mon cœur.

S'endormir dans un bain chaud, le voir rougir, sentir mes sens s'éteindre, en douceur, sans douleur. Tout était prêt.
Je n'avais plus qu'à attendre la mort, j'étais prête à la rencontrer.

Mais au moment où elle s'apprêtait à me rendre visite, la porte de l'appartement claqua, l'empêchant d'arriver jusqu'à moi.

— Iris ! T'es où ?

Non, il ne fallait pas que ce soit Naël qui me trouve, pas lui.

— Iris ! Je sais que t'es là, il y a ta clé sur la table.

J'entendais ses pas aller et venir dans toutes les pièces. Mon cœur ralentissait. Il fallait que je meures avant qu'il ne me trouve, je ne supporterais pas de voir son cœur se briser dans le reflet de ses prunelles.

— Iris, oh non ! Non, t'as pas le droit !

Il était là. Je gardais les yeux clos.

— T'as pas le droit ! T'as pas le droit !

Je sentis ses mains passer sous mes aisselles, en quelques secondes j'étais hors de la baignoire. J'entendis un bruit de tissu que l'on déchire et les sanglots de Naël.

— T'as pas le droit, t'as pas le droit de me faire ça ! Putain tu vois pas que je t'aime !

Oh Naël...

Il répétait inlassablement les mêmes mots alors que brusquement, mes bras se trouvaient emprisonnés chacun par un bandage tellement serré que c'était douloureux.

— Laisse moi... murmurai-je, Personne saura...

— Jamais. Moh arrive, tu peux pas nous faire ça ! J'arrive pas à y croire ! Iris tu peux pas, moi j'aurais tout fait pour toi, je suis fou de toi, je suis amoureux de toi depuis des années, t'as jamais rien vu. T'es tellement bête... Tu vois rien ! Bouge pas, j'ai fait des garrots, il faut faire vite, Moh arrive.

Il pleurait, ses mains se baladaient sur mon visage,je gardais les yeux clos.

— T'as pas le droit.

Nouveau claquement de porte et Naël poussa un hurlement tellement éraillé que je sentis mon cœur épuisé se soulever.

— Moh !!! On est là ! Je t'en supplie je sais pas quoi faire !

Une salve de jurons en arabe prononcés par la personne que j'aimais le plus au monde, me firent entrouvrir les yeux.

La dernière image qu'il me resta en tête, Naël en larmes, couvert de sang, et le visage aussi paniqué que bouleversé de Mohammed et la sensation que jamais de ma vie, je n'avais eu aussi mal d'aimer.

Ce qu'on laisse à nos mômesWhere stories live. Discover now