3. La première, le premier tout

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Une catastrophe ! Une catastrophe, mais alors, une grosse catastrophe. Doublée d'une tasse de honte et d'une poignée d'embarras.
Cléo se maudissait intérieurement, encore et encore. Il avait été si peu naturel ! Si peu lui même ! Il s'était tant forcer à faire la conversation que c'en était devenu ridicule. Il était certain qu'Angel l'avait trouvé lourd. Si seulement il n'avait pas suivit les conseils de Newton...

"Surtout, fais tout pour qu'il n'y ait pas de blancs ! Parle plus que lui, car il sera sûrement un peu intimidé vu qu'il est nouveau."

Meilleur ami à la con.

Ce dernier savait en plus très bien que Cléo n'était pas un grand bavard. Ce n'était pas vraiment de la timidité ; il ne trouvait juste jamais grand chose à dire à des personnes inconnues.
Il soupira en jetant un coup d'oeil distrait à sa droite : quelques tables plus loin, au fond du réfectoire, se tenaient sa cible et celle d'Azaël. Il observa Angel, si charismatique dans tout ce qu'il faisait. Comment pouvait-on manger avec nonchalance mais classe en même temps ? Il semblait déjà bien intégré dans un groupe de cinq personnes, dont une fille qui semblait un peu trop fascinée par le nouveau. Cléo fronça les sourcils. Cependant, le jeune homme ne semblait pas vraiment intéressé, un air quelque peu désobligé sur le visage. Quelque part, il ressemblait un peu à Azaël.

"C'est bien qu'ils soient potes, Angel et Maël, fit d'ailleurs remarquer celui-ci.

Newton aquiesca :

- Ouais, comme ça, si un de vous arrive à se rapprocher de leur groupe, ce sera plus facile pour l'autre.

- Moi, avec Angel, c'est mort... Déclara Cléo.

- Attend, tu lui a déjà parlé ?

- Un peu trop même...

- Bah attend, raconte ! S'exclama Abraham.

- Je lui ai fait visiter le lycée, et sur les merveilleux conseils de notre petit génie, je me suis forcé à faire la conversation. Et devinez quoi ? Je suis pas doué pour ça.

Azaël ricane et marmona un "sans blague..."

- Je te remercierai de ne pas mettre la faute sur moi, s'indigna Newton. J'y peux rien si t'es pas sociable !

Cléo s'apprêtait à répondre, lorsque Abraham lui donna léger un coup d'épaule.

- Eh ! Protesta le blond.

- Ta gueule et regarde qui arrive...

Le concerné s'exécuta.
Il maudit alors littéralement sa vie en voyant sa magnifique ex-copine traverser le réfectoire en sa direction.
Maya semblait plus que déterminée. Cléo soutînt son regard perçant, bien qu'il se sente clairement à la place de la proie.
Elle arriva à leur table en abordant un air serein, ses yeux toujours ancrés dans ceux du blond.

Il dégluti ; elle replaça correctement une mèche de cheveux.

Une tension curieuse s'était formé entre l'ancien couple, chacun essayant de deviner les pensés de l'autre, d'imaginer ses intentions. Autour d'eux, bien que le self ait conservé son brouhaha ambiant, elle était bien plus calme que d'ordinaire ; car évidemment, de nombreuses personnes observaient sans discrétion la scène.

"Cléo tu... enfin, j'aimerais te parler, j'aimerais qu'on parle, annonça enfin Maya.

Étrangement, cela ne le surpris pas. Mais il ne savait.. rien. Il avait toujours des sentiments pour elle, c'était indéniable. Cependant, il sentait que cela commençait enfin à s'estomper, peu à peu. Comme si il était empli d'une eau amère, qui s'évaporait lentement.
Alors, dans l'immédiat , ce dernier se contenta de continuer à l'observer.

Elle était debout face à lui et elle était belle.

Il caressa des yeux ses cheveux de jais si soyeux et si lisses, descendit au creux de son œil gauche, sublimé par de longs cils et où du crayon noir se logeait, puis enfin, il effleura ses lèvres... parfaites. Il aimait tant y joindre les siennes autrefois.
Il repensa à la première fois qu'il l'avait embrassée. Ce n'était pas son premier baiser, pourtant il l'avait vécu comme tel. Ça avait été fougueux et impatient, comme une jeunesse de tous les âges. Il l'avait sentie, cette chaleur au fond de ses entrailles.

C'était purement de l'amour, sous sa forme la plus pure et la plus naïve.

Le première. Le premier tout. Les premiers papillons dans le ventre. Les premiers jeux de regard. La première contemplation sans limite. Le premier, le vrai baiser. La première sensation incroyable de se sentir unique. La première St Valentin en couple, le premier cinéma la main sur sa cuisse, la première patinoire le bras enroulé autour de sa taille. C'était si niais mais si beau.
Il y avait eu les premières disputes aussi, mais alors le premières réconciliations avaient suivi.

Et puis, la première fois.
Le rouge au joues ; des petits rires gênés ; des "Je t'aime" ; un peu de galère ; une volonté de bien faire ; de l'amour, beaucoup d'amour ; un moment unique et inoubliable ; un peu de déception, peut être, mais c'est comme ça et il y aura d'autres fois.

Presque deux ans dans le fou tourbillon de l'amour. Mais c'était jeune et insatiable. Trop casse gueule. Avec un peu d'alcool dans le sang, on est parfois prêts à faire des trucs qui paraissent si bien, des trucs tellement tentants, surtout lorsqu'on a jamais essayé, surtout lorsque c'est interdit.

Maya avait tout simplement trompé Cléo, au beau milieu du mois de juillet. Puis elle l'avait quitté. Pour elle, c'était logique. Si elle l'avait trompé, c'est qu'elle ne l'aimait plus. Si elle ne l'aimait plus, rien ne servait à rester avec lui. Et tout ça était probablement vrai.
Alors, pourquoi avait eu-t-elle l'impression de n'être tout simplement rien, après avoir envoyé le message fatal. Avait-elle compris qu'à ce comment même, Cléo n'était plus rien non plus ?
Encore une fois, probablement. Maya était une fille intelligente.

Mais comme si rien n'était irréparable, le temps était passé. Inévitablement.
Et ils avaient recommencé à sortir, à boire, à draguer, indépendamment l'un de l'autre. Le premier se rangeait sagement, pièce par pièce, dans le coin le plus agréable de la maison des souvenirs.

Un larme insolente s'échappa de l'œil doré de Cléo. Il laissa faire.
Il contempla le petit air hautain naturel de la jeune fille en face de lui, qui contrastait avec ses yeux salés. Elle aussi voulait pleurer. Il se demanda si comme lui, elle avait repensé à tout ça. Si elle avait revécu comme la première l'espace d'un instant.
C'était... c'était possible. Voir même, très très probable.

Il ne souriait pas, mais ses yeux criaient de douceur lorsqu'il répondit simplement :

- Non Maya, non."

Un garçon [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant