XVIII

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    La fin de l'après midi passe à une vitesse fulgurante. On s'est réchauffés au coin de feu, on a bu des chocolats chauds en regardant les fameux films de Noël clichés et quand il a neigé on est allé dehors faire le concours de celui qui mangeait le plus de flocons de neige. Je dois bien l'avouer, on avait l'air particulièrement stupide. Il faut imaginer la scène. Deux adolescents dehors en chaussette, la langue sorti. C'est pas le genre de chose qu'on voit tout les jours.

Une fois le soleil à son crépuscule, je profite que Tom fasses une petite sieste pour découvrir le reste du chalet. J'aimerai au moins repérer un peu l'endroit où je me trouve, qui sait peut être pour prévoir ma future évasion.

    J'emprunte l'escaliers près de l'entrée et monte, une fois en haut j'ouvre la première porte sur ma droite et tombe sur la salle de bains. Une baignoire immense trône au fond de la pièce, sur la gauche un meuble lavabo avec un grand miroir. Les murs en rondins d'arbres donnent une ambiance rustique et en même temps moderne et confortable. Je prends cette fois ci la porte à gauche et découvre une magnifique chambre à coucher. Spacieuse, des murs gris, le lit juste à côté d'une autre grande fenêtre avec une vue sur les montagnes enneigées.

Plus j'explore la maison, plus je trouve les pièces de plus en plus belles. Je décide tout de même de redescendre.

    Sur le canapé Tom dort toujours à poings fermés, il est allongé sur le côté, un bras sous sa tête l'autre pendant du canapé. Le plaid est remonté jusqu'en dessous de ses bras laisse entrevoir ses pieds, c'est ça d'être trop grand. Ses mèches de cheveux noirs corbeaux retombent doucement devant ses yeux fermés, la seule berceuse que l'on entend est celle de sa respirations calme et régulière. Je m'assoie près de lui sur le canapé et remets du mieux que je peux le plaid sur lui. Une fois finie j'attrape la mèche qui lui tombe devant les yeux et la mets sur le côté.

Je suis étonnée par la douceur de ses cheveux. Ils sont soyeux et épais, ça me donne envie de plonger ma main dedans.

Au lieu de ça je pose ma main sur sa tête et caresse doucement son crâne dans le sens de ses cheveux. Il est mignon comme tout quand il dort, c'est indéniable. Il est tellement moins imposant, moins terrifiant, moins intimidant. Ses cils longs vont très bien avec ses sourcils noirs, le nez droit, et une grande bouche fine qui paraît maintenant moins crispée que d'habitude. Il a une mâchoire bien carrée, bien masculine, mais quelques grains de beautés a peine visibles ornent son cou. Je pose ma main sur sa joue et la frotte doucement du pouce.

    D'un coup je reviens à moi-même et réalise ce que je suis en train de faire. Je retire vite ma main, comme si je m'étais brulée. Mais qu'est-ce que tu fais Nina bon sang?!

À moitié endormi Tom grogne, je me lève plus brutalement que je ne l'aurais voulu et m'échappe en vitesse. J'ouvre une porte vitrée et sors sur la terrasse, sans chaussures, les chaussettes à même la neige. Quelques larmes embuent mes yeux mais je parvient à les chasser à temps.

Je ne comprends pas ce qui m'arrive, j'ai l'impression de devenir folle. Ce type m'a enlevée, je devrais m'enfuir, et moi je caressais tendrement ses cheveux comme si c'était un ami. Je regarde ma main un instant, partagé entre bonheur et dégout.


    La neige tombe encore, partout autour de moi. Le soleil commence à se cacher derrière les montagnes à l'horizon, arrosant la neige de ses reflets orangés. Je n'ai pas froid, pas le moins du monde, je suis bien. Des flocons tombent sur mes joues, dans mes cheveux et sur mes lunettes mais je ne relève pas, ne bronche pas, ne bouge pas d'un poil. La couverture tombe dans la neige, je suppose que je l'ai lâchée. Au loin je vois certains animaux partirent se cacher pour la nuit. Les derniers rayons de soleil se reflètent sur la glace du lac gelé avant de définitivement disparaître et me voici à nouveau dans le noir complet. Mais je n'ai pas peur, pas un instant. Les seuls ténèbres qui me terrifient sont à l'intérieur de moi.

Le temps semble passer au ralenti. Je vois Tom apparaître dans mon champ de vision, je relève légèrement les yeux pour le regarder. Je ne parviens pas exactement à définir quelle émotion est en train de déformer son visage, mais je suis certaine qu'elle ne me plait pas. Il semble crier, me hurler dessus, partagé entre une sorte de colère furieuse et un affolement oppressant. Je souris, je suis contente qu'il soit dehors avec moi, même si lui n'a pas l'air d'avoir envie de sourire du tout.

Des petits flocons de neige tombent dans ses cheveux, contrastant avec leur couleur noir profonde, ils ont l'air encore plus doux de cette manière. Ses habits flottent dans le vent, et il a lui aussi les pieds dans la neige maintenant. Je mets ma main juste entre nous et regarde les flocons tomber sur ma paume, c'est tellement beau. Crées dans le ciel, ils tombent doucement, en volant au gré du vent, façonné dans des belles formes qui leurs sont uniques et ils viennent s'écraser sur ma main, pour au final fondre doucement.

    Tom m'attrape et me soulève dans une lenteur qui ne me paraît pas être normale et il me ramène à l'intérieur. Il me pose délicatement près du feu et part je ne sais où, à vrai dire je ne regarde pas où il va, je me sentais bien dehors j'aurais voulu y rester. Il réapparait après ce qui m'a semblée être des heures avec plusieurs couverture qu'il met autour de moi, il m'enlève mes chaussettes mouillées et s'assoit derrière moi. Avec ses jambes il entoure les miennes et nous rapproche autour du feu. Ses bras viennent se lacer autour des couvertures qui m'enveloppent et il pose sa tête dans mon dos. Normalement, la moi habituelle aurait tout de suite déguerpi, évitant le plus que possible tout contact, mais j'étais bien là où j'étais alors je n'ai pas bougé, pas d'un poil. Je regardais maintenant le feu crépiter avec passion devant moi, ses grandes flammes embrassant chaque bout de bois avec rage, mais extériorisant une chaleur agréable à ressentir.

Tom se levait de temps à autre pour remettre une bûche, mais il revenait toujours au même endroit dans la même position. Et moi, assise en tailleur je regardais ce feu brûler. Dehors la neige tombait, douce, calme, froide mais silencieuse, sans un bruit, tandis qu'à l'intérieur un feu ardent brûlait, un feu plein de rage, d'amour, d'envies comme pris d'une fièvre qui lui était insupportable. Devant moi, deux exemples de deux parfait opposés qui témoignaient d'une seule et même sensibilité de deux manières différentes avec la même beauté et la même grâce.

   - Nina, ça va ?

Après probablement plusieurs dizaines de minutes Tom dit enfin quelque chose qui m'est audible. Mais je ne sais pas vraiment ce que je dois répondre. Y a-t-il seulement une réponse à cette question qui ait du sens à mes yeux ? Je finis tout de même par dire:

   - Je ne sais pas trop.

Ce sont les premiers mots que je disais depuis des heures, et ça me dérangeait car c'était devenu habituel pour moi de parler depuis que je suis dans une « cohabitation forcée » avec Tom. J'ai cependant l'impression qu'aucun de ces mots n'a de sens, j'ajoute tout de même :

   - Et toi ?

   - Je ne sais pas non plus.

Des paroles, qui a première allure semblaient bien simples, mais qui cachaient beaucoup de secrets que nous ne connaissions pas.

Ces quelques mots stupides s'envolaient loin de nous, maintenant qu'ils étaient dits ils ne nous appartenaient plus. Alors ils se sont évaporés dans l'air, et ils ne pèsent désormais plus sur nos cœurs.



Calypso

02:02Where stories live. Discover now