Nuit sombre

2.7K 202 27
                                    


-21 septembre 1645-
Nuit.

Je tente de garder mon calme et me remémore mon précédent accouchement. Mon cœur bat la chamade. Je ne me suis jamais sentie aussi vulnérable qu'à présent.
J'aimerais tant pouvoir me rendormir et laisser cet instant de ma vie de côté... Je réprime un cri de souffrance. La dernière fois fût insoutenable, terriblement atroce et douloureuse. Je me lève de mon lit et me dirige vers la porte en soutenant mon ventre d'une main et en m'appuyant contre le mur d'une autre. J'ouvre la porte, tremblante, et fais signe à un garde d'approcher, n'ayant pas le courage de parler d'une voix forte. Il s'arrête devant moi et plante son regard dans le mien, tentant de faire abstraction de ma robe de nuit trempée au niveau de mon bassin.

- Avez-vous besoin de quelque chose, votre majesté ? demande-t-il, gêné.

Je m'approche de lui et murmure d'une voix chevrotante à son oreille :

- J'aimerais que vous préveniez le médecin Vegard et quelques servantes, je crois que... que j'accouche.

Il acquiesce rapidement, les yeux écarquillés, avant de se diriger vers les escaliers. Je retourne dans ma chambre en gémissant maladroitement. Je retiens mes larmes en me répétant que tout va bien se passer. Mais la panique prend le dessus sur moi et je pleure lourdement en essuyant les larmes qui coulent le long de mes joues inutilement.
A peine une minute plus tard, Vegard est déjà présent, entouré d'autres médecins et de servantes. Je me rallonge douloureusement sur mon lit. Je les laisse s'occuper de moi tandis que je me sens m'enfoncer dans le matelas. Mon regard se fait vide et toute pensée quitte mon esprit. La douleur se fait de plus en plus fulgurante.
Une servante s'approche de moi discrètement et commence à me masser, pendant plusieurs heures.

Seuls mes cris brisent le silence de la pièce baignée dans une étrange chaleur maternelle. Des gouttes de sueur perlent le long de mon front pendant que je m'efforce de pousser. Ma robe de nuit luit et colle à mon corps secoué de soubresauts à cause de ma transpiration. Je lâche une fois de plus un hurlement guttural en sentant mes forces s'amenuiser. Je pousse encore et encore, m'essoufflant à vue d'œil. Je me passe une main sur le front et émets un faible gémissement mué en une plainte. La douleur est lancinante. Une autre servante s'approche de moi et me murmure à l'oreille :

- Requérez-vous quelque chose en particulier qui pourrait vous soulager, votre majesté ?

Je fais non de la tête en fermant péniblement les yeux et en enfonçant un peu plus ma tête dans l'oreiller pour me calmer mais rien n'y fait. Je pousse une nouvelle fois en contractant tout mon corps. Puis je réfléchis quelques secondes entre deux hurlements et me tourne désespérément vers la servante.

- Finalement, je... j'aimerais que vous fassiez venir mon... mon époux, je murmure avec peine.

- Mais, sa majesté dort, fait-elle, confuse.

- Je vous en prie..., dis-je, lassée.

Elle semble hésiter puis finit par sortir de ma chambre furtivement. J'aperçois le bout de sa robe franchir la porte puis rive mes yeux sur mon ventre considérable. Mes mains tenant fermement les draps du lit tremblent sous mes efforts. Je jette un coup d'œil à la fenêtre, la lune brille dans le ciel sombre parsemé de nuages bruns.
Les médecins semblent s'agiter autour de moi mais je les laisse parlementer et fixe la porte de mon regard inexpressif. Quand elle s'ouvre enfin, je sens une vague de soulagement s'emparer de moi. Mais elle est prend rapidement fin lorsque je constate que la servante revient, pas plus accompagnée qu'à l'aller. Elle s'approche de moi, penaude.

- Que s'est-il... passé ? je demande, avant de gémir douloureusement.

- Sa majesté m'a très clairement fait comprendre qu'il ne souhaitait pas participer ou assister à votre accouchement, je suis... on ne peut plus navrée, lâche-t-elle. Puis-je faire quoi que ce soit pour vous ?

Secrets RoyauxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant