Chapitre 26

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Je ne bouge pas d'un millimètre quand Sigfrid parle à Aurora. Cette dernière ne dit rien et écoute attentivement sa maîtresse. Sa posture est humble et dévouée. Alors que Sigfrid la toise avec mépris. Je ne comprends pas ce qu'elles se disent mais Aurora semble à un moment horrifiée mais elle se reprend rapidement pour ne pas contrarier sa maîtresse.

_ Bien Madame, l'entendis-je lui répondre en baissant la tête.

Sigfrid sort de ses appartements la tête haute sans un regard pour les personnes à son service dans la pièce. Pourquoi tant de froideur ? De mépris ? Les femmes de ce clan n'ont rien à voir avec celles qui vivaient dans mon village. Inga, la femme de notre jarl, avait toujours était douce et bonne avec nous, comme avec tout le monde. Tout le contraire de Vidrün ou Sigfrid.

Une fois sortie de la pièce, l'atmosphère semble se détendre instantanément. C'est comme si cette femme était capable d'aspirer l'air et de diffuser le mal-être autour d'elle. La femme de chambre continue de s'activer pour tout remettre en ordre. Ranger les robes non choisie!s lors de l'essayage et les accessoires ayant servi à la mise en beauté. Aurora s'approche de la jeune fille et lui murmure quelque chose. Cette dernière lui saute au cou de joie et quitte la pièce comme si elle avait le diable aux trousses non sans me jeter un regard navré.

Je ne comprends rien à ce qui se passe, encore sous le choc de ma rencontre avec la mère de Thorsten et de ses propos à mon égard.

Aurora s'approche de moi. Elle a des cheveux bruns noués en chignons à la base de son cou et de grands yeux noirs. À la couleur miel ambré de sa peau, je devine qu'elle doit venir des contrées éloignées d'Orient.

_ Excusez-moi, finis-je par balbutier me rendant compte que je la dévisager sans aucune retenue.

Elle me sourit et avance jusqu'à se placer devant moi. Son sourire et son attitude sont chaleureuses ce qui contraste avec Sigfrid.

_ Je m'appelle Aurora, commence-t-elle doucement. Je suis l'esclave de Sigfrid depuis mes dix ans. C'est moi qui vais te dire quoi faire pour le moment. Elle marque une pause avant de reprendre à voix basse comme un murmure. Tu es à son service maintenant, alors je préfère te mettre en garde tout de suite. Sigfrid peut être d'une cruauté sans pareil. Alors quoiqu'elle te demande ou exige, fais-le. Sinon voilà ce qu'il t'arrivera, me dit-elle en remontant ses manches sur ses bras fins dévoilant de terribles cicatrices de brûlures.

Mes yeux s'arrondissent à la vue de ses cicatrices. Ma main couvre ma bouche pour étouffer un cri d'effroi. Comment pouvait-on se montrer aussi cruel ? Je la regarde désolée et compatissante.

_ Ne t'inquiètes pas cela n'est plus douloureux depuis longtemps, me murmure-t-elle toujours dans la crainte d'être surprise.

Elle lâche mes mains et s'éloigne de quelques pas. Je ne bouge toujours pas. Aurora remet en place les peaux qu'avaient déplacées la femme de chambre. Elle se retourne vers moi et hausse les épaules en souriant.

_ Sigfrid est très maniaque. Tu t'en rendras vite compte, termine-t-elle avec simplicité.

Puis elle se place de nouveau devant comprenant que je ne bougerai pas de moi-même.

_ Eivor, c'est cela ?

J'acquiesce avec un sourire timide, là encore mon mensonge pour sauver ma jeune maîtresse me poursuit. J'ai l'impression que plus personne ne prononcera jamais mon vrai prénom Aslaug . . . Même Thorsten ne le connaît pas. À l'évocation de ce dernier, un voile de tristesse me serre le cœur.

_ Bien, reprend-t-elle, Sigfrid veut que ses esclaves soient . . . comment dire . . . préparées selon ses désirs, termine-t-elle avec un air désolé que je ne sais pas comment interpréter.

_ Suis-moi, reprend-t-elle, je vais te montrer notre chambre. Je t'avoue que je suis heureuse de ne plus être seule, termine-t-elle avec un sourire franc.

Je déambule dans les couloirs de ce château pour la deuxième fois depuis que je suis arrivée. Nous nous retrouvons à nouveau dans les couloirs froids et humides. Elle s'arrête devant une porte et entre en m'entraînant à sa suite.

Par tous les dieux, me dis-je à moi-même, alors qu'Aurora m'explique quelles seront mes tâches et me montre le coin qui m'est réservé. J'observe la minuscule pièce sombre, froide et humide qui sera désormais mon chez moi. Comme je regrette l'îlot rocheux et ma vie après notre naufrage. Je paie au centuple les sentiments que j'éprouve pour un homme qui n'est pas de ma condition. Lisant l'inquiétude sur mon visage, Aurora reprend.

_ Je sais que cela doit te sembler être des conditions de vie atroce mais crois-moi, cela pourrait être bien pire, finit-elle par lâcher dans un murmure.

_ Comment cela pourrait être pire ? M'entendis-je murmurer comme hors de mon corps.

_ Eivor, fais tout ce qu'elle te demande. Crois-moi tu ne veux pas savoir de quoi elle peut être capable, termine-t-elle les yeux voilés de larmes.

Comment Thorsten pouvait-il aimer une telle femme ? Si cruelle et horrible. C'est cet instant que choisit ma mémoire pour me rappeler comment il avait mis à sac mon village, donner l'ordre de tuer Inga et Haagon d'un simple geste. Comment avais-je pu oublier tout cela et me laisser aller dans ses bras. Tout ce que nous avions partagé n'était probablement qu'une illusion, un passe temps pour lui. Comment avais-je pu être aussi idiote ? Mais je n'ai pas le temps de me lamenter davantage qu'Aurora reprend la parole tout en prenant une tenue complète dans une vieille malle.

_ Nous faisons à peu près la même taille. Je te la prête en attendant que Sigfrid te trouve suffisamment à la hauteur pour te permettre d'avoir une tenue à toi, me dit-elle avec un sourire.

Elle referme tout et nous sortons de notre chambre.

_ Bien, me dit-elle en sortant de la cour du château, j'espère que tu n'es pas frileuse ?

_ Pourquoi ? Où m'emmènes-tu ? Lui demandais-je un peu inquiète alors que nous nous dirigeons vers la forêt.

_ Nous n'avons pas accès à la maison des bains et Sigfrid ne supporte pas que nous soyons négligées donc nous allons nous laver à la rivière . . . et puis j'ai réussi à obtenir un morceau de savon en faisant un peu de troc au village. Je le cache dans le tronc d'un arbre, termine-t-elle avec un clin d'œil.

Devant tant de bonne humeur, je ne peux que sourire. Aurora est d'une joie de vivre à toute épreuve. Sa proximité m'aidera, j'en suis sûre. Arrivée sur place, elle me montre comment enfiler ma tenue et dépose le savon dans mes mains, avant de s'asseoir sur une souche dos à la rivière de façon à me laisser un peu d'intimité.

Je me déshabille rapidement et entre dans l'eau le plus vite possible pour cacher ma nudité. Je retiens un cri de stupeur quand je sens la morsure de l'eau glacée sur ma peau. Mes dents s'entrechoquent alors que je me frictionne vigoureusement avec le pain de savon espérant ainsi me réchauffer. Une fois rincer sommairement, je sors afin de revêtir mes nouveaux habits d'esclaves.

J'avance et me place à côté d'Aurora en démêlant mes cheveux avec mes doigts. Je la sens mal à l'aise. Et pour la première fois depuis le début, elle n'ose pas me regarder dans les yeux.

_ Qui y a-t-il ? Finis-je par lui demander.

_ Tu . . . tu es une . . . nouvelle esclave, . . . de plus tu . . . es très belle, alors . . ., dit-elle avant de s'arrêter les mains tremblantes sur un objet enroulé dans un morceau de tissu.

J'avale péniblement ma salive. J'avais déjà entendu cette coutume aussi stupide et barbare soit-elle. Je ne peux pas lui imposer de le faire. J'inspire un bon coup et la regarde dans les yeux.

_ Donne les moi, je vais le faire, dis-je en lui tendant la main.

_ Non, . . . je dois le faire, Sigfrid me l'a ordonné, murmure-t-elle en pleurant doucement.

_ Ce sera notre secret, dis-je, tu rectifieras si je me rate essayais-je de plaisanter en souriant. Donne-moi les ciseaux Aurora, terminais-je en les lui prenant délicatement des mains.

Je rassemble sur le côté mes longs cheveux auburn et les caresse une dernière fois avant de donner le premier coup de ciseaux. Je regarde mes boucles se rependre sur le sol autour de moi. Je les regarde être emportées, balayées par le vent comme mon passé. Passé dont je devais faire table rase, si je voulais avancer dans cette nouvelle vie . . .

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