Chapitre 15

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Quand j'entre dans la chambre avec ce qu'il faut pour le soigner, je suis surprise de le voir avec sa chemise encore sur le dos. Ulrik a toujours fait parti de ses hommes qui savent que leur corps est un avantage et qui s'en serve. Je ne compte plus le nombre de fois où je l'ai vu s'entraîner ou aller à la maison des bains torse nu. Cela avait pour effet d'affoler pour nombre de filles et femmes du village.

Au lieu de cela, il est dans un coin de la pièce perdu dans de sombres pensées à la ride qui barre son front. Il est si loin que je peux l'observer à loisir sans qu'il ne s'en rende vraiment compte. Son regard gris semble si triste et perdu en cet instant. À quoi pouvait-il bien penser ?

_ Ulrik, dis-je doucement en m'approchant lentement de lui. Ainsi il ressemble à un animal blessé, meurtri.

Il ne me répond pas mais ferme les yeux. Je m'approche encore un peu plus de lui et lui prends délicatement la main avant de reprendre.

_ Ulrik, pour pouvoir te soigner, . . . je dois voir tes blessures, murmurais-je presque mal à l'aise.

Il ne me dit toujours rien et serre doucement ma main dans la sienne l'irradiant de sa chaleur. Puis il la porte à ses lèvres et y dépose un léger baiser comme celui d'un papillon.

Mes yeux restent rivés sur son visage. J'avais tant de fois pensé à lui, rêvé de lui. Ses yeux gris, ses longs cheveux bruns, sa barbe. Ma main libre semble hors de contrôle . Elle avance doucement vers la cicatrice qui barre sa joue.

Elle avance . . ., elle avance . . ., je peux sentir la chaleur que dégage sa joue, mais à quelques millimètres de sa blessures, sans même ouvrir les yeux, il arrête ma main de sa main libre. Puis il m'oblige à m'éloigner de lui, comme si ma présence lui était subitement devenue pénible.

_ Contente-toi de soigner celle qui fait de moi un vrai Viking, lâche-t-il en revenant vers moi d'un pas décidé cette fois.

Ils est vrai que pour certains hommes du clan comme son père, se sortir vivant d'un affrontement avec une cicatrice sur le visage prouvait la valeur d'un vrai viking à ses yeux.

_ Bien, assieds toi sur le lit, cela sera plus facile pour moi, lui expliquais-je le plus gentiment possible.

Sans un mot de plus, il vient s'asseoir devant moi. Mais Ulrik est grand, alors même assis sur la paillasse et moi sur un petit tabouret en face de lui, nos visages ne sont qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Je me concentre sur ma respiration afin d'être pleinement à ce que je dois faire.

Je prends la bougie et l'approche de son visage pour examiner la balafre qui traverse sa joue. Avec les jeux d'ombres et de lumières, son visage paraît à la fois beau et inquiétant voir terrifiant. Ayant tout le loisir de le détailler, je me rends compte que ma mémoire m'avait joué des tours. Elle avait oublié bon nombre de détails qui le rendent unique.

C'est le raclement de gorge d'Ulrik qui reconnecte mon cerveau. Ma main commence alors l'examen de sa blessure. À chaque déplacement de mes doigts sur sa peau, il frémit sans jamais ouvrir les yeux. Je profite qu'il ne puisse pas me voir, pour laisser ma curiosité voguer à sa guise. Sous l'excuse de l'examen médical, mes doigts s'aventurent sur l'arête de son nez pour voir s'il n'est pas cassé, de même sur son menton pour finir leur course sur son autre joue rendue rugueuse par sa barbe.

Quand il ouvre les yeux et me scrute, je sursaute et fais un pas en arrière, gênée de l'audace que j'ai eu. Je me sens soudain idiote d'avoir agis de la sorte.

_ Tes doigts se seraient-ils égarés sur mon visage, petite Aslaug, murmure-t-il de sa voix grave qui me fait perdre mes moyens.

_ Non . . ., oui . . ., non, balbutiais-je, je comparais vos . . . et puis cessez de m'appeler ainsi si vous voulez rester en vie, terminais-je faussement fâchée.

Il m'attrape par la taille et me rapproche de lui comme si pesait le poids d'une plume. Déséquilibrée par son geste, je m'appuie sur ses épaules pour ne pas tomber assise sur ses genoux.

_ Et toi cesse de vouvoyer un simple fils de pêcheur, . . . princesse, murmure-t-il contre mon oreille.

Bien que son geste cause un trouble en moi, je me dégage de son étreinte parce qu'il le veut bien. Car s'il le voulait, Ulrik pourrait me maintenir prisonnière contre lui d'une seule main. Je récupère deux onguents que je mélange pour améliorer sa cicatrice. Une fois la préparation faite, je la lui tends.

_ Applique la pommade tous les soirs avant de dormir, lui dis-je avec calme et sérieux.

_ Bien, voilà qui est mieux, reprend-t-il en saisissant la main qui lui tend le pot.

Son geste vif me surprend une fois de plus et ma chute me dirige vers le sol dur et froid. Mais Ulrik a les gestes précis et rapides. Il me rattrape dans ma chute. Je finis assise sur ses genoux prisonnière de ses bras.

À une époque, j'aurais été heureuse de cette situation mais pas là, . . . pas en cet instant et . . . pas comme cela. Pourtant quand il tourne mon visage vers lui, mes yeux se perdent dans le gris des siens. Cette fois, son gris est rassurant, doux comme la caresse d'un nuage. Il laisse sa main sur ma joue et je ne bouge plus.

_ J'aurais fait n'importe quoi pour te retrouver, . . . ma belle Aslaug . . ., murmure-t-il tout bas pour que je sois la seule à l'entendre.

Je me laisserais presque aller oubliant où nous sommes, . . . ce que nous risquons, . . . Mais du bruit et des éclats de voix dans la pièce principale me ramène vite à une toute autre réalité . . . la notre.

J'essaie de me relever reconnaissant les voix Thorsten et de Gunnar, mais Ulrik me maintient fermement. Sa prise empêche tout mouvement de ma part. Et ses yeux si tendres il y a encore quelques instants deviennent froids, . . . durs, . . . brutaux.

_ As-tu peur de fâcher ce cher Thorsten, s'il te voit ainsi avec moi ? S'agace-t-il.

_ C'est cela qui vous inquiète ? Peu importe ce que lui ou vous pensez pour l'instant le plus important est de nous garder en vie, répondis-je aussi froide que lui tout en gigotant pour me libérer de son emprise.

Mais ce que je redoute arrive, la porte s'ouvre avec fracas, Dagny avait essayait de les retenir. Tout se fige quand Thorsten entre dans ma chambre et nous trouve Ulrik et moi dans une position des plus délicates à expliquer. Devant le regard noir de Thorsten, Ulrik me lâche me permettant de recouvrir un semblant de dignité.

Alors que Thorsten est au bord de l'implosion, Ulrik lui semble s'amuser de cette situation. Quand à moi, la honte me submerge mais elle est rattrapée par la colère. Colère contre Ulrik qui m'a mise dans cette situation et semble s'en amuser. Mais un sentiment glacial s'insinue sournoisement dans tout mon corps et parcourt mes veines : la peur. Comment Thorsten allait-il réagir et qu'allait-il faire de moi ? . . . de nous ?

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