Chapitre 4 - #6

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Pour convaincre Meta et s'assurer que ses petites frasques ne compromettrait par son accession au statut d'hellion, Sélène n'eut d'autre choix que de se livrer. Acculée, elle songea au passé et entama son récit. Tout lui paraissait clair aujourd'hui mais que raconter ? Un souvenir la traversa et elle sut.

* * *

Moins d'une décennie avant la destruction de Shion, la jeune Sélène alors âgé de quatorze ans se laissait gambader à travers sa cité natale. En dehors de ses heures de cours, elle appréciait tout particulièrement sillonner les rues constamment animées. L'agitation ambiante n'empêchait pas un léger silence de s'installer, les véhicules anti-gravités avaient réduit les bruits incessants des bolides d'antan. L'instauration de voies de passages spéciales pour voitures dans les hauteurs avait contribué à pacifier les parties basses de la ville. Ainsi protégée, l'adolescente marchait à travers l'une des nombreuses rues passantes en faisant du lèche-vitrine.

Ici, un magasin où améliorer son smartphone et là, une échoppe proposant quelques gourmandises à bases de pâte de fruit. Chaque quartier, citadin ou périphérique, de Shion fonctionnait comme un petit écosystème à part entière. Aucun commerce ne pouvait exercer une activité à celle d'un voisin du même district afin d'empêcher une concurrence et réduire les tensions sociales au sein d'un même voisinage. Si ces dispositions avaient, au départ, handicapé les citoyens ceux-ci y avaient trouvé une paix. Une véritable dynamique semblable à celles des villages ruraux des temps anciens avait fini par animer chaque sous-partie de Shion.

Une ambiance bienveillante et altruiste régnait au sein de la cité. La jeune fille y était sensible et c'est la bouche en cœur qu'elle se permettait de traverser chacun des différents coins de la ville. Jamais personne ne s'était mal comporté à son égard et elle n'avait eu à souffrir d'aucune discrimination malgré son statut social élevé lié à ses parents. Fille unique d'un père gradé dans le corps d'armée de la ville et d'une mère technicienne au centre de recherche nucléaire, elle possédait le luxe d'habiter dans les très beaux quartiers. Pourtant, elle n'avait jamais senti la moindre jalousie ou la moindre hostilité à son encontre. "Mademoiselle Haagsen" qu'ils l'appelaient et ça lui plaisait. 

Ses petits disques audio dans les oreilles, elle se dirigeait vers le centre de la cité en cette belle journée d'été. Les rayons du soleil se reflétaient sur sa peau blanche et la réchauffait avec douceur. Ses longs cheveux noirs, hérités de son enfance, trônait fièrement à sa suite. Elle en prenait grand soin. Les mains fourrées dans les poches de son pantalon, l'adolescente se laissait déambuler pour finalement s'arrêter devant une petite boutique sur sa droite. Les produits en vitrine étaient étrangement peu nombreux, un drap placé derrière eux empêchant de voir l'intérieur.

Il semblait s'agir d'un magasin d'art, en témoignaient les différentes créations graphiques métalliques exposées derrière la vitre. Statuettes, bijoux et objets d'apparats se disputaient l'attention de l'adolescente qui repéra dans le lot un collier au symbole étrange. Elle n'aurait su le décrire. Pénétrant dans l'échoppe, elle fut surprise de l'atmosphère qui régnait de prime abord. En dehors de colonnes de verres placées ici et là pour présenter les objets, il n'y avait rien. La lumière y était tamisée et un vieil homme, peut-être âgé d'au moins soixante-dix ans, était tassé derrière un comptoir noir peu harmonieux. Lorsqu'il la vit entrer, il leva ses yeux fatigués de sa tablette pour la saluer.

Lui répondant rapidement, elle tenta de retrouver le curieux collier qui avait retenu son attention. Elle sillonna la galerie et parvint à le trouver derrière l'une des vitrines. Elle fit signe au vendeur qui, lentement, vint à son niveau pour ouvrir la colonne métallique. Il extirpa le collier et le tendit dans un linge à Sélène. Elle s'en saisit et l'admira. D'une voix fluette dû à une timidité à peine refoulée, elle posa alors la question qui la démangeait tant.

- Qu'est-ce que c'est que ce symbole ? Je ne l'ai jamais vu. Dit-elle, intrigué.

- Il est peu connu de nos jours à part de ceux qui font de la recherche historique. Répondit-il en souriant avant de poursuivre.

- On appelle cela une Ankh, il s'agit d'un glyphe qui était utilisé il y a des éons par l'une des premières civilisations terrestre. Vois-tu, il représente la vie et pour certain il est symbole d'immortalité. L'homme avait l'air nostalgique et Sélène le sentit, elle lui adressa un sourire.

- C'était important, l'immortalité, à cette époque. C'est ça ? Poursuivit-elle alors, naïvement.

- En un sens. Nous parlons d'un âge durant lequel les hommes et les femmes ne vivaient pas longtemps. Un vieillard comme moi serait passé pour un surhomme. Le symbolisme était fort et la promesse de la vie éternelle faisait rêver. De nos jours, avec la science, on prolonge facilement notre existence si on peut se l'offrir.

- Oui sûrement... je vous le prends ! Conclut-elle.

Quelques instants plus tard, elle ressortait du magasin, le collier autour du cou et un air ravi sur le visage. Le fait d'arborer un symbole ancien et, potentiellement, porteur de bénédiction l'avait touché. Le vendeur âgé, lui aussi, avait laissé une trace au fond de son esprit encore insouciant. Elle ne lui avait parlé que brièvement et pourtant elle avait été presque hypnotisé par l'impression de n'être rien devant la sagesse et le savoir d'un homme de son niveau. Avec un respect tout particulier, elle se promit de s'appliquer à ne jamais perdre son nouveau bien. Elle avait eu une sorte de coup de foudre pour cet objet.

Elle passa le reste de sa promenade à pianoter sur son smartphone à la recherche d'informations sur les ankhs, l'Égypte ancienne et les "proto-humanités" comme ils les appelaient. Le passé avait, subitement, pris une importance toute particulière pour elle. Sans doute sa fougue adolescente qui s'exprimait mais elle n'avait pas vu le temps passer et s'était retrouvé, bien plus vite qu'elle ne l'aurait voulu, devant le centre de recherche nucléaire de Shion.

De l'extérieur, on remarquait assez aisément ce complexe de part sa forme triangulaire singulière. La tour s'élevait sur près de vingt étages et en comportait au moins autant sous terre. Lorsque les automates en charge de la sécurité la virent arriver, elle n'eut qu'à présenter son badge d'identité pour être immédiatement autorisé à entrer dans le hall pour attendre l'un de ses parents. Aucun autre accès ne lui était permis malgré ses nombreuses tentatives pour s'infiltrer dans le reste du complexe.

Sage et disciplinée, elle trouva un siège confortable près d'une fenêtre dans le hall et attendit, jetant un regard à travers la fenêtre en profitant du soleil. A cet instant, comment aurait-elle pu deviner ce qui l'attendait ? Rien ne le laissait présager.

Hellions : partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant