Hellions : partie 1

Chapitre 3 - #20

L'ascenseur s'immobilisa et la porte s'ouvrit. La sentinelle avança, suivi de près par les deux camarades. Ils avaient débouchés dans une petite pièce d'apparence circulaire aux murs noirs. En son centre, un bureau en arc de cercle légèrement surélevé derrière lequel les attendait un autre garde. Dans les coins supérieurs, on repérait assez facilement de petites caméras subtilement dissimulées. Enfin, au fond de la salle, une large porte blindée ornée de motifs rouges s'imposait tel un sceau divin empêchant de funestes forces obscurs de se répandre sur le monde.

L'homme en train de travailler releva la tête et sembla surpris de voir arriver l'un de ses collègues avec des recrues. Seth plaqua la pointe du couteau dans le dos de son prisonnier afin qu'il n'oublie pas la situation dans laquelle il se trouvait. Lorsque le trio fut à hauteur du bureau, l'autre engagea la conversation.

- Agent W-04, vous êtes loin de votre périmètre. Que faites-vous ici ?

- J'exécute une visite de routine pour ces deux jeunes cobayes qui m'ont demandé à vérifier nos procédures de rétention et de quarantaine en cas d'alerte de sécurité.

- Ce n'est pas une disposition prévue dans le protocole.

- Le protocole peut être détourné à des fins pédagogiques.

Tandis que les deux sentinelles discutaient, Seth et Amélia s'échangèrent un regard entendu. Ils n'arrivaient pas à comprendre à quoi rimait cette discussion. Elle paraissait presque inhumaine, désarticulée. Comme si deux ordinateurs communiquaient à propos d'une ligne de code qu'ils auraient du mal à interpréter. Voyant les arguments de son prisonnier s'évaporer à mesure que l'autre creusait le sujet, Seth prit les devants. Attrapant la nuque du captif, il frappa brusquement sa tête dans le bord du bureau. Amélia le suivit, s'élançant par dessus le mobilier pour se jeter sur l'autre garde,  dépourvu de tout repère.

Les deux sentinelles furent maîtrisées en quelques instants et une fois assuré qu'elles ne se réveilleraient pas avant un moment, Seth et Amélia entreprirent des fouilles minutieuses afin de trouver les fameuses passes d'accès aux cellules. Déléguant la recherche approfondie à sa camarade passée quelques instants, Seth s'intéressa à l'ordinateur sur lequel pianotait l'homme chargé du hall. Il découvrit un compte-rendu de l'état de la prison peu intéressant en pleine saisie et préféra le délaisser pour s'intéresser à la liste des prisonniers.

Celle-ci apparaissait sous la forme d'une carte de la prison avec, dans chaque cellule, le nom des résidents. Comme on le leur avait déjà signalé, la structure se présentait sous la forme d'un X. Le couloir derrière la porte blindée menait au centre de cette improbable architecture. Seth remarqua une hiérarchisation claire dans l'importance des confinements. Le bloc A en haut à gauche était réservé aux prisonniers jugées faibles ou peu turbulents. Le B en haut à droite étaient destinés aux gêneurs difficiles à contenir. Le C en bas à gauche, aux détenus ayant été emprisonné pour atteinte à la vie d'autrui. Et enfin, le bloc D en bas à droite était censé contenir des hellions criminels.

Si les quartiers B et C étaient vides, le A semblait abriter une bonne demi-douzaine de prisonniers. Par ailleurs, un signe vital indiquait qu'un hellion se trouvait dans le bloc D. Les noms des détenus n'étaient pas mentionnés et Seth dû se résigner à devoir ouvrir l'ensemble des cellules du couloir qui l'intéressait. Tentant de provoquer l'évasion à distance depuis la console centrale, il en fut empêché par une sorte de pare-feu demandant un mot de passe administratif. Le jeune homme en fut contrarié mais pas surpris.

De son côté, Amélia trouva enfin les fameux passes et fit signe à son compagnon qui lâcha prise sur l'écran afin de l'accompagner devant la porte. Plaçant sa carte devant la fente de lecture, la jeune femme eut un moment de doute et lança interrogateur à Seth.

- Est-ce que tu as vu des gardes sur l'ordinateur ?

- Non. Du moins, s'il y en, ils ne sont pas indiqués.

- Si nous parvenons à libérer Dante, Sélène et les autres. Que fait-on ? Je suis certaine que nous allons y arriver mais je ne sais pas quoi faire quand nous y serons parvenus.

- Nous remontons vers le hall, nous forçons le passage et nous tentons de trouver un moyen de sortir.

- Tu veux quitter le Centre ?

- Dans le cas où ta théorie s'avère exacte et où on nous laisse vraiment creuser cette piste alors nous serons arrêtés avant d'y parvenir.

Peu rassurée, Amélia hocha la tête et inséra la carte. Après un petit bip, celle-ci lui fut rendue et les deux compagnons entrèrent dans le sombre tunnel éclairé par quelques fugaces diodes et autres néons rouge sombre. Seth, qui avait rangé son couteau au profit de la matraque de la seconde sentinelle vaincue, marchait en tête. Ils ne croisèrent pas un seul garde et furent rapidement arrivés à destination. Ouvrant la porte d'accès au Bloc A, ils furent surpris de l'étendu colossale du tunnel. Si cet endroit n'avait pas été une prison, on aurait juré qu'il puisse s'agir d'un bunker de secours.

Se fiant à la mémoire de Seth, les deux amis entreprirent d'ouvrir les différentes cellules à l'aide du passe-partout d'Amélia. Après trois essais infructueux, ils trouvèrent Dante allongé au fond d'une cellule rudimentaire sur une sorte de lit de camp peu confortable. Seth se précipita auprès de lui et entreprit de le secouer sans le ménager. Ils n'avaient jamais été très tendres l'un envers l'autre et son frère d'armes lui pardonnerait sûrement. Enfin, le blond ouvrit les yeux et posa sa main sur sa tête.

- Seth ? Dit-il, faiblement, balbutiant.

- Je suis venu te sortir de ton trou, qu'est-ce que tu crois ? Répondit l'autre, tapant son épaule d'un coup sec.

- Me sortir de... mais de quoi parles-tu ? Tu n'étais pas à l'infirmerie ? Rétorqua son compagnon, visiblement déboussolé.

- Je suis sorti il n'y a pas si longtemps, ça fait deux jours que tu as disparu avec Sélène. Quel est ton dernier souvenir ? La dernière chose dont tu te rappelles avant d'arriver ici ?

- Ici ? Où suis-je ? J'essaye de me rappeler... je crois que j'ai suivi Sélène. Oui, c'est ça. J'ai mis le feu au vestiaire pour faire diversion, on a infiltré le poste de contrôle dans le hall. Il y a eu ces vidéos et ces données qu'on a consulté. Je crois. Puis c'est le trou noir. 

Entendant ça, Amélia laissa les deux amis entre eux et se précipita dehors. Elle libéra un détenu supplémentaire et parvint dans la cellule de Sélène qui se trouvait visiblement dans le même état que Dante. Une alarme se déclencha subitement, laissant à peine le temps à Amélia de réveiller sa partenaire. Les choses allaient s'accélérer. 

L'adolescente fut prise de sueurs froides, et si tout cela n'était pas une initiation mais un piège sagement orchestré pour punir les rebelles éventuels ?