Chapitre 3 - #18

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Seth et le garde se fixaient, sans bouger, sans bruit. Une tension commença à s'instaurer, la sentinelle demeurait impassible et semblait attendre le moindre mouvement suspect du jeune homme pour s'élancer vers lui. De son côté, Amélia se releva doucement, l'air abattue, restant derrière l'agent prêt à la secourir. Pas à pas, elle longea le mur sans bruit et approcha sa main du panneau de contrôle de la porte du vestiaire. La voyant faire, Seth fit mine de s'élancer pour empoigner férocement son opposant. 

Au même instant, Amélia ouvrit l'accès à la pièce et prit le garde en traître, plaçant ses bras sous ses aisselles et joignant ses mains derrière sa nuque pour l'immobiliser. Le jeune homme plaqua avec force sa main gauche sur la bouche de la sentinelle pour éviter tout hurlement et gratifia cette dernière d'un coup de poing dans le ventre. Bien qu'étonnamment résistant, le garde sembla vaincu et se laissa traîner à l'intérieur.

Seth lui subtilisa assez aisément la matraque qu'il était parvenu à conserver et après quelques échanges musclés, les prises de combat que les deux adolescents avaient appris durant leur formation vinrent définitivement à bout de leur victime qui perdit connaissance. Ceci fait, Amélia verrouilla la pièce de l'intérieur et son camarade inspecta les lieux. Le fond ouest de la salle avait été brûlé, léché par les flammes. De nombreux casiers étaient en très mauvais état et la présence massive de suie sur le plafond ainsi que les murs trahissait la violence de ce qu'il s'était passé ici.

Cherchant le point de départ du feu, il inspecta les débris et fut surpris de constater que le vestiaire n'avait été que sommairement nettoyé. La pièce avait été, pratiquement, laissée telle qu'on l'aurait imaginée une fois les flammes éteintes. Ainsi, il trouva sans mal des restes de vêtements, de papiers et d'autres objets moins identifiables. Cette attitude du Centre l'étonnait, l'incendie remontait à plus de quelques heures et on aurait logiquement pu attendre d'un tel endroit un nettoyage complet suivi d'un début de reconstruction. Ici, non. Seth commençait à croire qu'on avait sciemment laissé traîner des indices.

De son côté, Amélia passa en revue l'ensemble des casiers qui n'avaient pas été vidés. Elle fut surprise d'y trouver un certain désordre, comme si quelqu'un avait retourné ces derniers avec rapidité en y cherchant quelque chose. La jeune femme fut interloquée qu'aucun soldat ne soit revenu remettre ses affaires en ordre, plus encore, l'état général des cases ainsi que de la pièce laissaient penser que l'incendie n'était pas d'origine accidentelle. Elle rejoignit Seth au fond de la salle, il était agenouillé, en train de regarder ce qui ressemblait à l'endroit où le bûcher s'était déclaré.

- Tu as trouvé quelque chose ? Demanda-t-elle, jetant un œil à leur prisonnier toujours inconscient.

- Je crois que c'est ici que ça a commencé... c'est même presque certain. Mais pourquoi n'ont-ils pas encore nettoyé ? On dirait qu'ils ont laissé des traces pour qu'elles soient trouvé. Nous serions quelques heures après l'incident, soit. Dans ce cas précis, cependant, je ne comprends pas. Et toi ?

- Les casiers n'ont pas été réordonnés et les affaires n'ont pas été rendus à leurs possesseurs. Au-delà du fait que tout se ressemble, j'ai la sensation que quelqu'un a cherché quelque chose en toute hâte ici. Il y a peut-être un lien. Elle haussa les épaules, tentant d'établir le lien.

- Si l'incendie est d'origine criminel, on peut logiquement se dire que le pyromane a fait l'inventaire de ses moyens avant de choisir son combustible. Ajoutons à ça que les patrouilles sont fréquentes, avec le manque de temps, il a dû aller vite. Encore une fois, tu soulèves le problème de l'absence de nettoyage.

Seth pinça son menton, perplexe. Les indices étaient trop gros et l'enchaînement des événements bien trop logiques. Il ne pouvait pas croire à la chance, ni à l'amoncellement de détails l'amenant à tirer une conclusion le poussant à la rébellion. C'était trop simple et si il était arrivé à le faire, Dante l'aurait fait aussi. Il fixa Amélia.

- Et si c'était Dante et Sélène qui avaient fait ça ? Ou qui y avait participé ? Suggéra-t-il, arrachant un rictus à sa partenaire.

- Pourquoi auraient-ils fait ça ? C'est stupide, non ? Tu les vois sincèrement remettre en place tout l'ordre établi ?

- Bien sûr. Dante le ferait sans hésitation dès l'instant où quelque chose lui paraîtrait louche. Je suis certain que lui, Sélène ainsi que le reste de ceux qui ont disparu avaient mis le doigt sur quelque chose. Peut-être ont-ils eu le même pressentiment que nous et qu'ils ont vu juste.

- On les a peut-être mis à l'écart à cause de ça. Si on part de ce principe, ça irait de paire avec l'analyse de Jaëger qui déclarait que notre nombre ne diminuait pas. Peut-être sont-ils enfermés dans un niveau verrouillé du Centre ? Poursuivit Amélia, de plus en plus inquiète.

- C'est probable. Je parie même dessus, je suis prêt à faire un quitte ou double. Conclut Seth, indiquant la sentinelle inconsciente d'un mouvement de la tête.

- Tu es sérieux ? Tu veux qu'on le prenne en otage et qu'on le force à nous emmener au niveau des prisonniers ? Es-tu seulement conscient du risque qu'on prend ?

- Pleinement. Mais si nos camarades sont enfermés pour avoir mis à jour une irrégularité quelconque ou pour avoir découvert une chose qui ne fallait pas, je refuse de les abandonner à leur sort en attendant d'y être confronté. Nous n'avons plus rien à perdre, de toute façon. N'est-ce pas ?

Amélia hocha la tête et se laissa rapidement convaincre, elle ne voyait pas d'autres solutions à opposer à la sienne. Elle n'avait jamais enfreint la loi à ce degré-ci et s'y risquer lui procurait d'étranges frissons. Durant quelques instants, elle se surprit à retourner dans la cuisine de sa petite maison pavillonnaire. Là où elle regardait IMN en compagnie de Tron et là où, du haut de sa situation sociale aisée, elle avait autrefois crachée sur ceux qui se révoltaient. Elle avait assisté au massacre des révolutionnaires anti-empire.

Si elle ne se considérait pas, aujourd'hui, comme une rebelle aussi désespérée qu'eux, elle commençait à relativiser ce qu'ils pouvaient ressentir. D'aussi loin qu'elle se souvenait, ce monde lui avait toujours appris à bien suivre le règlement. Pourquoi Seth, Dante et Sélène lui apparaissaient-ils si libres d'esprits ? Qu'est-ce qui les poussaient à toujours se remettre en question, à oser défier même les dogmes les plus évidents ? Pourquoi était-ce elle, la scientifique en devenir, qui n'était jamais parvenue à un tel niveau de conscience ?

Elle fut tirée de ses songes par une tape sur l'épaule de son camarade qui, déjà, marchait en direction du garde en train de s'éveiller.


Hellions : partie 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant