20. Le départ

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Quelques semaines s'étaient écoulées depuis cette nuit bien agitée. Le givre qui avait recouvert durablement la cour avait fini par fondre, emportant avec lui les dernières traces des rigueurs de l'hiver.

La nature semblait revivre. Les sapins redressaient leurs branches malmenées par le poids de la neige. Les prés se recouvraient de fleurs. Les paysans s'affairaient sur leurs champs, préparant la terre aux futures semences.

Le château d'Aspignan n'avait jamais été aussi plein. Il ne se passait pas un jour sans qu'un nouveau voyageur se présente à la porte des murailles, proposant des services, des marchandises ou de simples nouvelles.

Ce matin-là, l'agitation avait atteint son apogée. Les serviteurs du château courraient dans tous les sens, transportant de lourdes malles ou des paniers débordant de provisions.

Robert, en habits de voyage, supervisait l'empaquetage de son armure.

— N'oubliez surtout pas mon écu, recommanda-t-il avec méfiance.

Arthur se tenait un peu plus loin, observant avec une certaine nostalgie les bâtiments dans lesquels il avait habité pendant plusieurs mois. A présent qu'il s'apprêtait à la quitter, le jeune homme se rendait compte qu'il avait considéré cette forteresse comme sa maison. La perspective de se mettre enfin en route le remplissait cependant d’allégresse. La capitale du royaume de Galva se trouvait au sud ouest d'Aspignan, dans une ville nommée Tolone. Il fallait une bonne trentaine de jours de voyage pour s'y rendre. Arthur se réjouissait par avance de toutes les découvertes qu'il allait faire. Un lieu l'attirait particulièrement. Leur chemin passerait à proximité de l'Académie des mages et Robert lui avait promis qu'ils y feraient une halte pour rendre visite à son frère Pierre.

Des cris se firent soudain entendre depuis le donjon.

— ET POURQUOI NE POURRAIS-JE PAS VENIR AVEC VOUS ? s’époumona Blanche d'une voix si forte qu'elle était parfaitement audible depuis la cour.

Une nuée d'oiseaux s'envola des arbres voisins en piaillant d'effroi.

Arthur n'aurait jamais cru la petite fille capable d'une telle performance vocale.

— Nous en avons déjà parlé, protesta Charles d'un ton qui se voulait raisonnable. Tu es encore bien jeune pour entreprendre un aussi long voyage.

— LOUIS AVAIT NEUF ANS LA PREMIERE FOIS QU'IL EST ALLE A LA COUR. ET ROBERT SIX !

— Ce sont des garçons.

— ET ALORS ?! MOI AUSSI JE SAIS MONTER A CHEVAL ! ET MEME TRES CERTAINEMENT MIEUX QU'EUX !

— Blanche, intervint Jeanne de sa voix douce, tu auras d'autres occasions de voyager. Lorsque tu partiras te marier, par exemple.

— MAIS JE NE VEUX PAS ME MARIER!!

Les serviteurs continuaient à s'affairer, feignant de ne rien entendre. Robert rejoignit Arthur.

— Mieux vaut éviter d'aller dans la grande salle en ce moment, conseilla-t-il d'un ton léger. La tempête risque de durer un certain temps.

Ce n'est en effet qu'une bonne demie heure plus tard que Charles d'Aspignan finit par sortir du donjon et se posta à côté de deux jeunes gens.

— Parfois, soupira-t-il, je trouve que Blanche a un caractère assez proche de celui de ma tante Isabeau...

Ni Arthur ni Robert ne se risquèrent à faire un commentaire.

Le reste de la famille les rejoignit bientôt. Blanche avait cessé de hurler mais continuait à fulminer, les sourcils résolument froncés.

Amnesia. La geste d'Arthur Montnoir, livre 1 [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant