CHAPITRE 2 - ALTAÏR

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Altaïr tremblait d'excitation, le regard happé par la scène, le souffle en suspens. Tout concordait à faire de ce moment l'apothéose qu'elle attendait depuis plusieurs révolutions.

La grandeur de l'auditorium, la fièvre partagée d'un millier de candidats et ce discours magistral transformaient sa poitrine en un tambour tonitruant prêt à faire éclater ses côtes.

Elle jeta un coup d'œil à Atlas, assis près d'elle. Il se tenait droit, immobile, un petit rictus au coin des lèvres, tout en pianotant sur sa tablette.

— Qu'est-ce qui te fait rire ? grinça-t-elle.

— Toi. Arrête de t'inquiéter, ça va bien se passer.

— Je ne m'inquiète pas, renifla-t-elle. Tu devrais ranger ça. Si on te prend à t'amuser sur ce jeu idiot pendant la cérémonie...

— Primo, ce n'est pas parce que tu es nulle que c'est idiot, répliqua-t-il. Et secundo, tout le monde s'en fiche, je termine cette partie.

Altaïr se pencha par-dessus son épaule pour observer l'écran. Sur un plateau quadrillé, Atlas déplaçait d'une main experte des symboles colorés d'une case à l'autre.

— Ce truc n'a aucun sens, soupira la jeune fille.

— C'est de la plus pure logique, s'esclaffa son ami. Dis plutôt que tu ne veux pas faire l'effort de comprendre les règles ! On pourrait jouer ensemble si tu t'y mettais...

— C'est ça. Pour que je subisse ton air suffisant chaque fois que tu gagnes ? Non merci.

Il pinça les lèvres pour réprimer un sourire de fausse modestie. Altaïr leva les yeux au ciel et se reconcentra sur la cérémonie.

Au bout d'une minute d'immobilité forcée, elle perdit à nouveau patience et se remit à trépigner sur place. Elle se tortilla d'abord de gauche à droite pour mieux voir, puis se pencha en avant pour scruter la foule d'un regard méfiant.

— À ton avis, où sont les caméras ?

— Quelles caméras ? soupira Atlas.

— Si tu t'intéressais un peu à ce qu'il se passe au lieu d'être scotché à ton jeu...

Son ami détacha son regard de l'écran et étudia le visage du président projeté sur les panneaux géants. Il se tourna et plissa les paupières en examinant les hauteurs de l'auditorium.

— Là-haut.

La jeune fille suivit des yeux la direction qu'il indiquait. Elle n'aperçut que le mur miroitant qui bordait les derniers rangs des gradins.

— Je ne vois pas...

— Des vitres sans tain, expliqua Atlas avec un haussement d'épaules. Je te parie ma future blouse de scientifique qu'il y a tout un poste de vidéo projection derrière.

Altaïr referma la bouche tandis que le jeune homme se reconcentrait sur sa partie. Comme souvent lorsqu'il lui donnait la solution d'un problème, elle se sentit un peu bête.

Le discours de Charon prit fin avec l'annonce des quotas. Altaïr contempla avec avidité les chiffres qui conditionneraient leur avenir.

— Cent vingt-trois places pour la division scientifique, jubila-t-elle. C'est plus que pour la précédente cérémonie, non ?

Atlas acquiesça, délaissant un instant sa tablette pour applaudir avec le reste des candidats l'entrée sur scène d'un petit homme engoncé dans un sévère costume noir de cadre supérieur. Ce dernier s'installa au pupitre que Charon n'avait pas daigné utiliser, et positionna une tablette numérique sur le support.

Les Exilés de Mars [Édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant