PROLOGUE

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Un silence feutré tapissait les interminables couloirs de la strate scientifique. L'éclairage nocturne nimbait les lieux d'un bleu mystérieux. Dans un terrarium, des filtroplantes aux longues feuilles moirées frissonnaient sous l'action d'un ventilateur. Tout paraissait plus sombre, plus discret, comme prisonnier d'une atmosphère suspendue. Telles des sentinelles vigilantes au sein de cette quiétude, les caméras fixées au plafond exhibaient leurs diodes rougeoyantes.

Soudain, un des voyants s'évanouit comme une flamme soufflée par un courant d'air. Puis un autre. Un troisième... En quelques secondes, les dispositifs de surveillance moururent docilement. Il n'y eut pas d'alarme, pas un cri, seulement le râle artificiel d'une machine que l'on débranche. Le couloir demeurait paisible, comme si rien n'avait vraiment changé. Pourtant, la rumeur de pas précipités vint troubler ce calme apparent.

Deux silhouettes se découpèrent, leurs ombres étirées de manière grotesque dans le corridor.

— Dépêche-toi, souffla l'une d'elle.

— Je veux dormir... gémit l'autre.

— Je sais, je sais. Bientôt, je te promets. Il faut d'abord qu'on fasse quelque chose, c'est important.

— Faire quoi ? insista la minuscule silhouette.

— Un jeu.

— Je n'ai pas le droit de sortir jouer.

L'autre ne répondit pas. Les lumières du couloir folâtraient sur son visage et des ombres s'accrochaient à ses traits tirés. Une lueur de peur animait ses yeux fatigués.

— Tu ne crains rien avec moi, murmura-t-il.

L'enfant se tut, pas tout à fait convaincu.

L'homme s'arrêta devant une porte et sortit un tournevis de sa poche. D'un geste précis, il enfonça l'outil dans une rainure presque invisible et exerça un mouvement de levier.

Un petit panneau de métal sauta dans un claquement sec.

— Qu'est-ce que tu fais ?

Occupé à trifouiller dans les câbles qu'il venait d'exposer, il sortit de sa blouse immaculée une tablette numérique qu'il connecta à l'un d'entre eux.

— Je dois juste régler ça.

Il pianota sur l'écran, le front plissé par la concentration.

Dans un souffle, une porte coulissa révélant un laboratoire comme on en trouvait des centaines à cet étage. L'homme laissa échapper une exclamation soulagée et se tourna vers l'enfant.

Celui-ci recula d'un pas, méfiant.

— Je n'aime pas trop ce jeu.

— Viens. Ne t'inquiète pas.

— Je veux rentrer.

L'homme poussa un soupir d'impatience, la bouche saisie d'un spasme nerveux.

— Je te promets que c'est pour ton bien, murmura-t-il d'une voix cajoleuse.

L'enfant se dandina d'un pied sur l'autre, indécis. Du bout des doigts, il lissa son pyjama blanc et son attention oscilla du laboratoire à l'adulte qui se tenait à l'entrée.

Ce dernier s'accroupit devant lui.

— Est-ce que je t'ai déjà menti ?

La petite silhouette secoua la tête.

— Tu sais que tu peux me faire confiance, n'est-ce pas ?

Il plongea son regard mordoré dans celui de l'enfant. Une fine pellicule de sueur brillait sur son front, signe de son anxiété croissante.

Le petit opina, la mine sérieuse.

— D'accord, souffla-t-il de sa voix fluette. Et après on retourne se coucher ?

L'homme tressaillit et resta un instant silencieux, comme s'il faisait face à un dilemme.

— Oui, bien sûr...

— Promis ? insista l'enfant.

Un dernier coup d'œil en direction des caméras acheva de le décider :

— Promis.

Les Exilés de Mars [Édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant