Marry Me, Sweetie - Jeon Jungkook

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-Alors, ma chérie, le dîner te plaît? Demanda-t-il nerveusement en se grattant la nuque, quelque peu embarrassé par mon silence.

Relevant la tête de mon assiette, je lui jetai un coup d'œil furtif entre mes cils. 

Il me regardait, ses grands yeux ouverts et lumineux s'ancrant immédiatement dans les miens une fois qu'il croisa mon regard. Ses dents se firent plus apparentes lorsque son sourire s'agrandit, mon coeur battant soudain à mille à l'heure dans ma poitrine. Le voir ainsi, si doux, si innocent, si soucieux de me plaire me fit éprouver malgré moi une pointe de regret. Inquiète de ne rien montrer de mon dilemme sur mon visage, je me dépêchai de lui répondre, faisant de mon mieux pour garder un ton léger et agréable.

-Oui, mon coeur, c'est vraiment délicieux, comment as-tu deviné que le jus de pruneau sur cette viande était mon préféré?

Ses prunelles brunes étincelèrent, dénotant son excitation soudaine, et il se pencha, coudes sur la table, entièrement concentré sur moi.

-Tu me connais, je serai prêt à t'offrir la lune sur un plateau d'argent si ça signifiait que tu apprécies ma compagnie, s'exclama-t-il en riant franchement, posant sa joue droite et son menton dans le creux de sa paume en penchant la tête en un geste si adorablement enfantin. Et puis comment est-ce que je pourrais ne pas savoir ce que ma petite amie adore!

Il se saisit de son verre de vin et s'enfila une gorgée en clignant de l'œil dans ma direction, puis revint à son repas tout en commençant à me raconter sa journée au travail. 

Jungkook était en tout point l'homme idéal, gentil, attentionné, intelligent et très versé dans l'art de la conversation. Il était le fils d'un riche entrepreneur et l'héritier d'un conglomérat au chiffre d'affaire tout simplement ridicule. Autrement dit il était le gendre parfait pour ma mère opportuniste: il était riche comme Crésus et non seulement était-il beau et jeune, mais il ne fréquentait jamais de femmes, me garantissant ainsi un partenaire parfait en tout point ET fidèle. Autant dire que le jour où il avait montré de l'intérêt à mon égard fut le plus beau jour de la vie de mes parents. Travailler comme avocat pour les Jeon était un don du ciel pour mon père, mais être liés à eux était un véritable honneur, un passe partout dans la société sud-coréenne où les apparences et le pouvoir politique et économique sont les bases de la réussite. Grâce à Jungkook j'avais accès à un monde d'infinis possibilités, un monde où je serais traitée comme une reine et où tous se prosterneraient à genoux devant moi de peur de s'attirer les foudres de la puissante famille de chaebols. 

Le seul hic? Eh bien selon le reste du monde il n'y en avait pas, du moins si l'on ne comptait pas les tabloïds et leurs histoires à dormir debout sur les liens des Jeon à la mafia koréenne et aux Triades chinoises. Les Jeon étaient après tout des citoyens modèles, de bon employeurs, et des hommes d'affaires à la main de fer dans un gant de velours! De ridicules allégations venant de personnes jalouses, avait affirmé Jungkook. Il était un diplômé de Stanford et était adoré par la gente féminine pour son physique de flower boy et apprécié par la gente masculine pour son humilité et sa facilité à s'entendre avec et à contenter tout le monde. Ce n'était pas le genre d'homme à remuer la boue, pour la simple raison que son image plus qu'immaculée pourrait en être entachée...

Ceci était l'opinion du public, celle de ma mère, de mon père, et de mes collègues. Mais moi, j'avais vu mon petit ami dans l'intimité de son appartement au sommet de son bâtiment personnel. Je l'avais vu se lever le matin et changer de masque comme il changeait de cravate, se construisant chaque jour une nouvelle identité dans le but de séduire, de duper les gens bien trop crédules qui l'entouraient. Je doutais que sa mère sache quel genre d'homme se cachait vraiment sous ses airs angéliques et sereins. Son père devait être bien fier de lui, en revanche. Après tout, Jungkook ne cessait de se vanter d'être le fils préféré de son père. Pas étonnant. J'avais eu la malchance de rencontrer son frère aîné, Junghyun. Un personnage amer et acariâtre aux yeux cernés et troublés. J'avouai sans honte que je l'avais jugé au premier regard, décrétant que Jungkook était mille fois mieux que lui. Puis il m'avait parlé d'un ton empli de pitié et mépris, sirotant son vin comme s'il n'y avait pas de lendemain: "Tu es une petite idiote si tu penses que tu as tiré le gros lot. Mon frère est bien des choses, mais il est loin d'être le parangon de perfection que tout le monde s'imagine qu'il est." J'aurais du l'écouter, je le savais désormais, mais j'avais mis ses paroles sur le compte de l'alcool et de la jalousie. Après tout, malgré son droit d'aînesse, c'était son petit frère qui avait été choisi pour devenir le futur de l'entreprise. Je devais bien dire que j'éprouvais désormais de la honte quant au fait que je l'avais alors jugé si durement. Junghuyn avait voulu me prévenir, se disant sans doute que s'il ne pouvait se sauver lui-même, il pourrait au moins aider la pauvre gamine crédule que j'étais à s'enfuir avant qu'il ne soit trop tard. Or, ce que nous ignorions tous les deux c'est que ce fut ce moment décisif qui changea le cours de notre destin à tous deux. 

Le lendemain, Junghyun fut retrouvé mort dans son appartement. Overdose, selon le médecin légiste. La matriarche de la famille Jeon était effondrée à l'idée d'avoir perdu un fils à la drogue. Jungkook était quant à lui stoïc, les yeux fixés droit devant lui, les traits impassibles, la mâchoire agitée par un tic. Ce fut le regard furtif de son père et la trace d'un léger sourire amusé qui me mirent sur le bon chemin. Mais ce fut définitivement le coup de poing dans le ventre une fois rentrés chez nous qui me fit enfin réaliser et admettre ce qui s'était passé. 

Jungkook nous avait vu, la veille, et intrigué et jaloux, s'était approché sournoisement pour surprendre notre conversation. Dire que sa fureur était incommensurable était un euphémisme. Il avait tué son frère.

-Ma chérie? Je t'appelle depuis un moment mais tu sembles être ailleurs... Un problème?

Je sursautai, surprise, et laissai échapper sans m'en rendre compte:

-Oh, rien je pensais simplement à ton frère, Junghyun.

Je réalisai soudain mon erreur. Dire que j'étais paniquée après avoir proféré ces mots ne suffisait pas à expliquer ce sentiment de pure horreur qui me glaça le coeur. Le visage alors si beau et clair de mon petit ami se transforma soudain en masque grotesque couvrant à peine la laideur qui régnait dessous. Lèvres retroussées en un rictus, sourcils ombrageux et veines apparentes sur ses temps et ses avant-bras découverts par les manches de sa chemise amidonnée. Ses mains se crispèrent jusqu'à blanchir sur ses couverts, et je pus voir sa langue surgir vivement depuis le coin de sa bouche pour humecter ses lèvres en un geste non pas nerveux mais empli de folie contrôlée. 

-Tu... (Il s'humecta les lèvres à nouveau, un ricanement sans humour aucun, sec et maniaque raclant contre sa gorge comme du verre avant de se briser plus encore dans l'air alentour) Tu pensais à un autre homme pendant que je te parlais?! C'est ça, ma chérie?

Je me figeai et baissai la tête en essayant de calmer les battements assourdissants de mon coeur, espérant contre toute attente que le geste de soumission apaiserait sa colère éveillée.

-Pardon, mon coeur, me dépêchai-je de m'exclamer, front bas et lèvre inférieure tremblante sous le coup de l'angoisse et la menace d'une brusque montée de larmes. Je me disais tout simplement que la menace qu'il posait pour notre couple était heureusement annihilée.

Le silence se fit et se prolongea pendant plusieurs minutes, le seul son présent dans la pièce étant celui de ma respiration inégale. Perdant mon sang froid, j'osai lever la tête, seulement pour croiser le regard sombrement amusé de Jungkook.

-Tu deviens une meilleure menteuse de jour en jour, un jour tu seras un grand atout pour notre entreprise, ma chérie, commença-t-il presque tendrement. Mais ne me mens plus jamais, espèce de salope! Rugit-il soudain en se levant brutalement et envoyant valdinguer sa chaise. 

Il souffla comme un buffle pendant deux à trois secondes puis se calma soudain, m'effrayant encore plus; il s'avança vers moi avec élégance, comme un lion approche une antilope blessée et à terre, contournant la table pour venir embrasser le sommet de mon crâne et humer profondément l'odeur de mes cheveux, mains m'enserrant comme des étaux, posées sur mes épaules amaigries.

-Tu sais que je t'aime n'est-ce pas?

Je hochai la tête aussi vivement que possible, espérant le calmer suffisamment pour qu'il ne se défoule pas sur moi.

Je sentis plus que je ne vis son sourire contre mon cuir chevelu, et il retira soudain ses mains, l'action directement suivie par le son du tissu frottant contre quelque chose. Confuse, je tentai de me retourner pour croiser son regard, ce à quoi il répondit en me maintenant fermement la tête vers l'avant de sa main gauche.

Une boîte rouge apparut soudain devant moi, les doigts de sa main droite l'ouvrant habilement pour révéler un gros saphir entouré de baguettes de diamants sur un anneau en or blanc. 

-Jusqu'à ce que la mort nous sépare... Veux-tu m'épouser? Murmura-t-il au creux de mon oreille d'un ton si si doux. Dis-moi oui, ma chérie, ou je t'arrache le coeur.

Il se recula et contourna le dossier de ma chaise pour s'agenouiller à côté de moi et je laissai un sanglot hystérique m'échapper tant son doux sourire - aussi monstrueux soit-il - m'éblouit. 

J'en étais désormais sûre: je ne pourrais jamais lui échapper...

A Hint Of Darkness | BTS one-shots VFWhere stories live. Discover now