Chapitre 9 : P H O N E C A L L

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« C'est qui ? »

Il étouffe un bâillement.

« C'est moi. » Répondis-je parce que je suis incapable d'aligner deux pensées cohérentes.

« Éos ? » Demande-t-il incertain.

Et je suis sidéré qu'il me reconnaisse avec seulement deux mots. Je n'ajoute rien, incapable de le faire. Le silence dure quelques minutes, ou une heure j'en sais trop rien, toujours perdu sous les effets de tout ce que j'ai pu ingérer pendant la soirée. Tout ce qui parvient à me faire garder les pieds sur terre et ne pas me laisser emporter par le courant dans le méandre bordelique qu'est ma tête en ce moment c'est la respiration d'Andrea à l'autre bout du fil.

« Éos, c'est toi ? »

Sa voix est hésitante et inquiète, je crois qu'il commence à douter que ce soit moi, peut-être même paniquer à l'idée qu'un inconnu lui téléphone en pleine nuit.

« Ouais, ouais, c'est moi. » Soufflé-je parce que j'entends son souffle s'emballer et que je ne veux pas cela, je veux que sa respiration reste calme pour m'apaiser.

« Tu... »

Il s'arrête. Surement se demande-t-il pourquoi je l'appelle à une heure pareille, mais il n'arrive pas à trouver les bons mots pour formuler son idée.

« Je... -Ouais- je sais pas trop pourquoi je t'ai appelé, désolé. » Lâché-je soudain, confus.

« Attends ! » S'empresse-t-il de dire, sentant que je vais raccrocher.

« Hum ? »

« Tu vas bien, j'veux dire ta voix est bizarre et ... »

« C'est... »

« Pas mes affaires, ouais, ouais, je sais, mais juste dit-moi si ça va pas. » Me coupe-t-il avec une sincérité déconcertante.

Je n'ajoute rien. Parce que pour dire vrai, je ne sais pas ce que c'est que d'aller bien. Le silence s'installe et devient pesant, alors pour la briser, Andrea ajoute :

« Au moins comme ça j'ai ton numéro, j'ai plus qu'à l'enregistrer. »

Malgré moi, cette pensée m'arrache un sourire alors qu'elle aurait plutôt dû m'énerver.

« P'tit con va. »

Et il rit. Tout simplement. Comme si tout était facile. Et c'était bien. Juste bien.

« Où est-ce que tu es ? » Interroge-t-il, sur un ton détaché de conversation.

« Quelque part que tu ne connais pas, c'est trop mal famé pour quelqu'un de pur comme toi. »

Je ne sais pas trop ce que je raconte, ni même pourquoi je réponds à ses questions idiotes -sans doute ce besoin de parler et de se sentir proche de quelqu'un qu'occasionne la drogue- mais tout ce que je sais, c'est que je suis paisible et serein, comme je ne l'ai pas été depuis bien longtemps, comme si mon cœur avait cessé de battre à cent à l'heure pour retrouver un rythme normal, un rythme qui me permette de vivre et qui me laisse même le temps d'éprouver certaines choses, pas des sentiments, mais au moins quelques émotions en vrac.

« Tu me trouves pur ? »

Il est incrédule.

« Evidemment, tout le monde te trouve pur, même cet enculé de Julienne t'a pas encore touché. Tu es arrivé depuis quoi, une semaine, et tu as déjà tout le monde qui t'aime, tu es le gars parfait, gentil avec tout le monde, qui n'as pas de préjugés... Ça te suffit ou je continue ? »

𝐶𝑜𝑚𝑚𝑒 𝑢𝑛 𝑝𝑎𝑝𝑖𝑙𝑙𝑜𝑛 𝑑𝑎𝑛𝑠 𝑢𝑛 𝑏𝑜𝑐𝑎𝑙Où les histoires vivent. Découvrez maintenant