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Je suis parti. Vraiment parti. Sans lui dire un mot. Sans même me retourner.

C'était nul, petit mais surtout lâche de ma part, je le sais. Cependant, qu'est-ce que je pouvais faire d'autre ? Me jeter sur lui comme un obsédé et le déshabiller au milieu de Bercy. Cela a beau m'avoir traversé l'esprit, m'avoir beaucoup plu et excité, je ne pouvais pas avoir de telles envies de lui. Je ne peux pas agir comme ça.

Pas parce que je suis prude ou une vierge effarouchée. Loin de là mais j'en ai vu beaucoup de mes coéquipiers agir ainsi. Sortir, coucher avec une fille un soir et ne plus jamais la revoir. Je les ai écoutés se vanter. J'ai entendu des détails de leurs nuits endiablées dont je me serais bien passé. J'ai supporté leur oubli du prénom de cette personne...

Je refuse de devenir l'un d'eux qui dans quelques années ne saura même plus combien de personnes sont passés dans son lit. Alors j'en conviens, dit comme ça, ça fait puceau coincé. Mais je m'en fous. J'assume mon choix comme tous les autres dans ma vie. Je ne serai pas ce cliché du célibataire endurci qui couche à droite et à gauche juste pour se vider.

Et maintenant que je suis dans ce bar, je ne vais pas mentir, je regrette un peu. J'assume mais je regrette. Quand j'y pense, ça paraît contradictoire et ça l'est peut-être mais il faut me comprendre. Je n'ai eu personne dans ma vie depuis Calvin, soit un an et demi. Ce mec était beau et sexy. Ce mec était un dieu. Ni plus ni moins.

Je pose mon menton dans ma paume et soupire alors que des images inventées de toute pièce viennent me narguer et me montrer ce que j'ai loupé.

- Louis ? Tu es avec nous ?

La voix de Lottie me ramène à la réalité. Le bar réapparait autour de moi et avec lui, la musique assourdissante, les bruits des conversations et la chaleur étouffante régnant dans la pièce à cause du nombre impressionnant de clients. Je hoche la tête pour simple réponse avant de boire un peu de mon soda. Mark m'a bien fait comprendre que l'alcool n'était pas recommandé pour ce soir, à cause des anti-douleurs qu'il m'a donnés.

- Alors dis-nous ! me presse-t-elle, en croisant les bras devant elle sur la table.

Je jette un coup d'œil à Tommy qui semble autant attendre ma réponse que ma sœur avant de détourner le regard vers la piste de danse improvisée où Félicité et Tasha se tortillent dans tous les sens en riant.

- Dire quoi ?

- Qu'est-ce que tu as ?

Un reniflement de mécontentement résonne entre nous et je n'ai même pas fait exprès de le faire. Je bois encore un peu de mon Coca et en reposant mon verre, je mens :

- Rien de grave.

- J'ai vu ta tête, Lou. Quand Mark a bougé ton bras, précise-t-elle en voyant mes sourcils se froncer. Ce n'est pas rien. Que tu ne veuilles pas en parler devant Félicité pour ne pas l'inquiéter, je le comprends...

Félicité a eu quelques soucis de santé cette année mais depuis quelques semaines, elle semble aller mieux et cela se voit dans le sourire qu'elle a abordé toute la soirée. Cependant, Lottie a raison, je ne veux pas l'inquiéter. Je veux qu'elle garde cette insouciance qu'elle semble avoir retrouvée.

- Mais je ne suis pas Félicité ! finit Lottie.

Je grogne ne voulant pas avoir cette conversation maintenant et encore moins avec ma petite sœur et son petit-ami. Je me passe une main sur le visage, abattu parce que je suis au pied du mur. Lottie est comme moi. Têtue. Elle ne lâchera rien tant qu'elle n'aura pas une réponse.

- Mark ne sait pas ce que j'ai. Je dois passer des examens pour en savoir plus. Contente ?

Elle secoue la tête pour me signifier que non, elle n'est pas contente.

- Tu vas faire quoi après ?

- Me soigner. Faire de la rééducation. M'entraîner. Revenir à mon niveau.

Mon épaule est en mauvaise posture en ce moment, c'est vrai mais j'essaie de ne pas perdre espoir, me répétant que je peux m'en sortir. Je n'ai que vingt-six ans. Malgré ma blessure, ma carrière n'est pas forcément terminée. Tout dépendra de la gravité.

- Comment tu vas faire pour la prochaine saison ?

Lottie a toujours le mot pour remonter le moral...

- Mon contrat arrive à sa fin. C'est sûr que mon équipe ne voudra pas me garder si je suis obligé de rester sur le banc toute la prochaine saison ou même quelques mois.

- Donc tu devras...

- Trouver une autre équipe ? Ouais !

- Et si c'est plus grave ? Si tu ne peux plus jouer ? m'interroge-t-elle encore.

- Écoute, Lottie... Ma saison s'est terminée, il n'y a pas trois heures alors laisse-moi le temps de digérer avant que je te fasse un plan de carrière pour les dix prochaines années, OK ?

- Mais il faut que...

- S'il te plaît ! la coupé-je. Je suis assez grand pour m'occuper de moi tout seul, d'accord ?

Elle lève les yeux comme si mon affirmation n'était qu'un ramassis de bêtises et pourtant, c'est loin d'être le cas. J'ai quitté les jupes de notre mère depuis longtemps pour être handballeur professionnel, je sais donc me gérer.

- Lou !

- Lottie ! dis-je sur le même ton condescendant.

Nous levons les yeux au ciel en même temps, nous ne sommes pas frère et sœur pour rien. Je pose une main sur son avant-bras.

- Je vais passer tous les examens que les médecins me diront de faire et ensuite, j'aviserai ce qui se passera dans ma vie, d'accord ? Maintenant, profite de ta soirée et cesse de t'inquiéter pour tout le monde.

Elle me fait un sourire alors que je lui tapote doucement le bras.

- Sur ces bonnes paroles, je vais aller me pieuter. A demain.

Je serre chaleureusement la main de Tommy et embrasse la joue de Lottie. Je fais un simple signe de la main à Félicité et Tasha avant de me lever. La porte du bar claque derrière moi.

Hand(s) to MyselfOù les histoires vivent. Découvrez maintenant