Chapitre Treizième

61 5 0
                                    


« Pourquoi es-tu allée là bas hier soir ? »

Je me fige, la clé à molette dans la main et un torchon sali par le cambouis dans l'autre, il ne peut pas voir mon visage, je suis cachée par le capot ouvert et Liam se trouve à l'arrière de cette voiture.

Depuis que je suis arrivée ce matin j'ai tout fait pour lui parler le moins possible, mon bleu sur la pomette et ma lèvre fendue démontrent parfaitement ce que j'ai fais hier soir et même s'il m'a fixé quelques secondes ce matin, il ne m'a posé aucune question, jusqu'à maintenant.

Une minute de silence passe avant que je pose ce que je tiens à la main sur la petite table roulante à mes cotés avant de sortir de ma pauvre cachette. J'essuie mes mains sur le torchon pour me donner une contenance avant de lui répondre. Je ne l'ai toujours pas regardé dans les yeux et je veux retarder ce moment le plus possible. Au bout de ce qui me semble une éternité je relève la tête et au lieu de voir de la colère ou de l'incompréhension dans son regard j'ai l'impression de ne voir que de la tristesse et je ne sais pas si cela m'énerve ou me désole.

« N'ayez pas pitié Liam, j'y suis allée en parfaite connaissance de cause. »

Un fin sourire étire ses lèvres.

« Ce n'est pas de la pitié que je ressens, j'hésite entre de l'agacement ou de l'admiration. »

Je fronce les soucils ne sachant trop quoi lui répondre.

« Ce que j'essaye de te dire, c'est que tu n'aurais jamais du y aller, surtout pas pour ça. » dit-il en désignant son visage.

« C'est pour ça, comme vous dites, que j'y suis allée. Ils n'auraient pas du faire ça et à présent ils ne le feront plus.

-Je ne sais pas ce qu'il t'es arrivée Tobias mais ce n'est pas toujours de cette manière que les choses se règlent. »

Je ricane, s'il savait. Je n'avais connu que ça durant toute ma vie, la violence, les coups, le sang, les blessures. C'est mon héritage et même si aujourd'hui j'ai la possibilité de m'en débarraser, je ne peux pas. C'est tout ce que je connais, c'est tout ce à quoi je répond encore, parce que même si cette violence a tout détruit, elle m'a permis de survivre. Cette violence est la preuve que je suis encore vivante.

« Le problème est réglé Liam. N'en parlons plus. »

Il me fixe encore quelques secondes avant de, secouer la tête en signe de capitulation et de retourner à son bureau. Je souffle un bon coup et passe ma main dans mes cheveux avant de me remettre au travail.

A 17 heures, je range tous le matériel et vais me laver les mains ainsi que les avant-bras afin de retirer toute la crasse qui s'est accumulée au fil de la journée. Je m'apprête à sortir pour rentrer à pied. Je n'ai pas de sac, pas de téléphone, je n'avais rien pris hier. En sortant du garage je vois une voiture rouge m'attendre sur le trottoir d'en face. Je fronce les sourcils, un sourire au coin des lèvres. Je traverse la route et toque à la vitre. Victoria qui pianote sur son télèphone sursaute tourne la tête et quand elle me voit un grand sourire étire ses lèvres. Je fais le tour de la voiture et m'installe sur le siège passager. Dès que j'ai fermé la portière elle m'assaille de questions.

« Ca va ? T'as pas trop mal ? J'ai vraiment eu peur hier. Tu t'es bien soignée ? Comment es-tu rentrée ? »

Elle fait une pause en me détaillant des pieds à la tête.

« Attend mais, ce sont des affaires de mec ça. »

Je ne dis rien, fixant un point invisible devant moi.

« On peut y aller Vic ?

-J'y crois pas. » cri-t-elle hysterique.

«J'y crois pas, j'y crois pas, j'y crois pas. Ce sont les affaires de Raphael non ? Je le savais, oui oui je le savais ! continue-t-elle.

-Victoria » dis-je un peu plus fort que je le voudrais. J'adouçis ma voix.

« Il n'y a rien, d'accord et il n'y aura jamais rien. Il m'a prêté des affaires parce que les miennes étaient sales. Point à la ligne, c'est tout. »

Elle semble déçue mais se ressaisit vite.

« Ok, ok... tu m'en veux toujours pour hier ? De les avoir appelé ?

-Non Vic, non je ne t'en veux pas.

-Ah ouf, je savais pas comment m'excuser et donc j'avais peur que...

-C'est bon Vic, t'inquiète pas d'accord. On peut y aller maintenant ?

-Oui, oui bien sur, bien sûr, on y va. »

Le trajet se déroule en silence et je sais que Victoria veut me dire quelque chose mais elle essaye tant bien que mal de s'en empêcher.

« Tu vas y retourner non ? »

Je fixe la route ne sachant trop quoi lui répondre.

« Oui »

Trois lettres. Facile à dire mais difficile à assumer. Je n'aime pas ce que je vois dans son regard quand je lui répond. Mais même si j'ai le choix, cet endroit est peut-être le seul ou je vais pouvoir me défouler.

Cette noirceur qui m'habite a besoin de sortir, d'une manière ou d'une autre. La boxe est un moyen évidemment, mais pas suffisamment puissant. J'ai besoin de me battre contre quelqu'un, de franchir les limites que mon corps et mon esprit veulent m'imposer.

J'en ai besoin.

Tout simplement.

Parce que si je ne le fais pas, je détruirais tout sur mon passage.

C'est déjà arriver. Et je ne peux pas permettre que cela se reproduise.

Comment en suis-je arrivée là ?

Je le sais parfaitement et pourtant....

Ca me remplit d'une haine viscéral, déstructrice.

Oui j'irai me battre ce soir. Pour évacuer. Pour libérer.

Libérer ce qui est emprisoné en moi.

Une noirceur qui recelle les horreurs les plus abominables.

Une noirceur qui n'est sortie qu'une seule fois.

Et qui a tout détruit.

ReliveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant