Élève à la section danse de la Juilliard School, un prestigieux conservatoire situé à New York, Ally Owen compte bien atteindre son plus grand objectif : réussir le concours d'entrée pour intégrer le corps de ballet de l'Opéra de Paris. Ambitieuse e...
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Chester
Prostré à l’intérieur d’un immense van noir à vitres teintées avec les autres Chainless, je regarde la célèbre Cinquième Avenue défiler sous mes yeux. Enseignes de grands magasins illuminées, immeubles luxueux, et trafic dense de taxis jaunes, la ville de New York se montre davantage vivante le soir. Le noctambule que je suis devrait s’en réjouir mais là, mon cœur n’est pas à la fête.
Je soupire et repose ma tête sur le dossier de mon siège. Aujourd’hui, je le reconnais, je suis d’une aigreur sans précédent. Elle continue d’ailleurs à bouillonner sous ma peau, au point que ça ne me surprendrait même pas de voir de la vapeur chaude s’échapper de mon corps et enfumer tout l’habitacle.
Après avoir passé la journée à bosser sur nos nouvelles chansons, nous sommes à présent en route pour aller dîner avec notre producteur James Walker au Per Se, le genre de restaurant où même une simple bouteille d’eau coûte la peau des couilles. Ce rendez-vous va nous permettre de faire le point sur notre prochain album, car selon le boss : « Les choses n’avancent pas assez vite. »
— Ah, sérieusement, qu’est-ce qu’on va faire de toi, Chester ? me sermonne Yann.
Je garde le silence. Derrière moi, le batteur donne un coup de pied dans mon siège afin de me faire réagir. Un geste puéril qui a son petit effet, puisque je me retourne vers lui pour le fusiller du regard.
— Et si maintenant tu t’occupais de ton cul, Yann ? Je préférerais encore que tu nous saignes les oreilles avec tes chansons latinos à la con, riposté-je sur un ton cinglant.
Il arbore une expression hostile qui ne me fait ni chaud ni froid.
— Putain, mec ! T’as menacé physiquement une fille ! C’est nouveau, ça ! Tu ne te rends pas compte de la gravité de tes actes !
J’expire bruyamment par les narines et me tourne vers ma vitre pour freiner cette envie de lui éclater les dents. Quand je repense à la rousse, de viles émotions me tordent le ventre et ce n’est pas bon. Pas bon du tout.
— J’ai été plutôt soft, je trouve, relevé-je.
C’est vrai, j’aurais pu faire bien pire. J’entends le batteur rire jaune derrière moi. Alden, sur la même banquette que la mienne, détache ses yeux de son téléphone et intervient d’une voix calme et maîtrisée :
— C’est bon, on va pas recommencer avec cette histoire, les gars. On passe à autre chose.
J’observe le guitariste qui se masse la tempe, les paupières closes. Il semble exténué, comme nous tous, à cause de ce travail de titan dans lequel on se noie depuis la fin de la tournée. Beaucoup d’efforts fournis et peu d’heures de sommeil. Parfois, j’ai juste l’impression d’être une pompe à fric. Seulement, je refuse de sortir des merdes commerciales. Notre musique doit se révéler extatique pour nos sens et représenter l’essence même de ce que nous sommes.
