Un nouveau départ

Depuis le début
                                    

Il avait senti que sa rencontre avec Asami Ryûichi avait quelque peu écorché sa volonté de prendre sur le vif les yakuza ou tout autre individu dans le même genre. Il était toujours aussi attiré par Asami, de tous points de vue, mais en même temps, il n'acceptait pas, n'admettait pas qu'une personne puisse commettre de tels crimes ! Quelle ironie !

Lui qui aimait défendre la veuve et l'orphelin sortait avec le pire yakuza de tout Tokyo ! Si on l'avait su, tout le monde se serait ri de lui, et en public ! Quel beau scandale ! Le reporter qui tenait à poursuivre la corruption et les trafiquants de drogue protégeait un amant aussi horrible soit-il ! Il en aurait perdu sa dignité, non seulement en tant qu'homme mais aussi en tant que journaliste qui se prétendait indépendant de toute influence.

Et le pire dans tout ça, c'est qu'il justifiait ses actions par l'amour qu'il sentait à chaque fois qu'il partageait son lit avec Asami. Son incapacité à vouloir du mal à cet homme le rendait d'autant plus vulnérable face à ses ennemis. Son dilemne intérieur constant était ce qui arrêtait réellement sa progression professionnelle et personnelle. Comment s'en sortir ? Simplement en coupant les ponts avec Asami Ryûichi jusqu'à ce qu'il se sente mieux envers lui-même, sans qu'il n'éprouve aucune honte du tout.

D'accord, il savait que sa décision serait un crève coeur pour le yakuza cependant il comprendrait, il devrait comprendre. Tant pis pour lui s'il ne voulait pas que son cher et tendre quitte le nid doré qu'il avait construit pour lui. Akihito était sorti, et avait même vécu avec lui, l'aventure avait duré cinq ans mais il fallait qu'elle cesse pour le moment. Il n'était plus le jeune homme étourdi de vingt-trois ans qui prenait en photo les moindres faits et gestes des autres sur le vif, non, il avait pris beaucoup de recul, choisissait mieux ses sujets, ciblant mieux ses enquêtes.

Et la dernière en date avait conduit à son burn-out actuel, le mettant au supplice. Cette fois-ci les ennemis d'Asami n'y étaient pas allés de main morte. Ils l'avaient séquestré pendant plus d'un mois dans une cave humide et nauséabonde, en compagnie de rats et d'ordures ménagères. On l'avait ligoté, torturé et complètement vidé. Ensuite, ces mafieux l'avaient présenté en public, en objet à regarder devant tout un tas de personnes, on l'avait drogué pour qu'il accepte cette humiliation. Certains spectateurs avaient reconnu en lui le jeune protégé d'Asami Ryûichi et on s'était moqué de lui, prétendant qu'Asami s'était enfin débarrassé de son petit chien qu'il tenait en laisse et que c'était la meilleure décision.

Après tout, pourquoi s'encombrer d'un tel animal de compagnie quand il comprenait à peine ce qu'un homme comme Asami Ryûichi lui demandait de faire ? Sans doute on s'était rendu à l'évidence qu'Akihito n'était qu'un objet comme un autre, une possession dont il fallait se défaire, qui couvrait d'opprobre le plus grand yakuza de Tokyo.

Un homme d'un cinquantaine d'année s'était levé dans l'assistance et avait exigé qu'on lui amène le jeune homme sans plus tarder. Akihito avait dû lécher son membre en public, sous les regards lubriques des autres, voire méprisants. Jamais, au grand jamais, Feilong ne lui avait infligé une telle humiliation, même si sa haine à l'égard d'Akihito pour être l'amant d'Asami était profonde. Il avait marché à quatre pattes devant une assistance plus que ravie de voir la chose d'Asami enfin remise à sa place : dans le caniveau.

Et d'autres joyeusetés dans le même genre, sa fierté avait été profondément blessée au cours de ce mois, et il se disait qu'il fallait absolument quitter ce monde odieux et obscène. Malgré toutes les paroles apaisantes d'Asami, Akihito sentait qu'il devait vraiment le quitter, voire le fuir pendant un certain temps avant de revenir à la charge. Il attendait justement le retour d'Asami avant de faire ses bagages, lui expliquer ce qu'il ressentait, ce qu'il voulait avant tout. Non, il avait beaucoup de respect pour Asami, mais il voulait prendre ses distances. Beaucoup de distance.

Dans la tourmenteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant