Simon - Tome 2 : mots-croisés

Chapitre 6 - Prunes, pêches et Myrtille

Simon suivit sans grand intérêt l'agent immobilier qui lui vanta les installations de salle de bain. Les deux seules pièces qui éveillaient son attention étaient la cuisine et le futur bureau. Derrière le bar, les meubles en bois clair étaient surmontés de plan de travail noir en granit brillant. Il n'y avait pas d'ilot central, ce qui était la seule déception de Simon. Le reste était quasiment entièrement équipé et parfaitement fonctionnel. La chambre qui pouvait faire office de bibliothèque et bureau était plus difficile à évaluer : spacieuse, lumineuse, elle n'en restait pas moins totalement vide et sans applique murale. Simon se contenta de vérifier la disponibilité des différentes prises nécessaires à son confort et hocha la tête avec une moue satisfaite.

— On le prend, dis, papa, cet appart ?

La voix de Mathilde venait de l'autre bout du couloir.

— Je prends cette chambre !

Elle sortit d'une pièce avec un étrange paquet dans les bras.

— Regarde ce que j'ai trouvé ? fit-elle en lui mettant sous le nez une boule de poils tremblante.

L'agent immobilier regarda la chose avec des yeux effarés.

— Mademoiselle, vous avez trouvé cette bestiole dans la chambre ?

— Oui, elle était sur le rebord de la fenêtre, qui était ouverte.

— Vous ne devriez pas la laisser entrer, elle va dégrader les murs et le sol !

— Elle n'a rien fait du tout. Elle est toute petite et toute mignonne.

L'homme face à elle était visiblement très mécontent, mais, devant la stature et le regard de Simon, n'osait pas reprendre la bête des bras de Mathilde. S'il avait pu, il l'aurait probablement jetée d'ici, du troisième étage.

— Elle ? C'est une fille ? fit Simon.

— Oui, elle doit avoir cinq mois maximum. Elle est frigorifiée et elle a faim.

— Mademoiselle, vous devriez la remettre sur le rebord, elle se débrouillera, elle doit appartenir à un voisin !

— Elle n'a ni collier ni tatouage, fit Mathilde en plaçant ses pieds bien droits et parallèles, les épaules en avant, comme prête à recevoir un plaquage.

Elle regardait le commercial avec un visage fermé et une expression butée, Simon avait l'impression de s'observer dans un miroir. Il écarquilla les yeux et rit. Il regarda le chaton dans les bras de sa fille : deux yeux bleus ciel au milieu d'un pelage noir qui demandait un peu de nettoyage. Elle avait dû passer la majeure partie de son existence dans les rues. Mathilde avait toujours voulu un chat, ce que Simon avait toujours refusé. Jusqu'à maintenant :

— On prend l'appartement ! Et le chat !

Il lança un clin d'œil à sa fille qui l'embrassa joyeusement tandis que le matou se roulait en boule dans le creux de ses bras. L'agent hocha la tête, finalement satisfait lui aussi.

— Très bien, allons à l'agence pour régler tout ça.

Alors qu'ils allaient refermer l'endroit, Simon jeta un dernier coup d'œil au loft lumineux et paisible. Cela ressemblait à un havre de paix et de confort, celui qu'il avait toujours cherché. Il se sentait bien, fort, heureux, amoureux et comblé. La vie lui avait souvent joué des tours, pourtant à cet instant il en souriait.

De retour dans leur appartement, Mathilde s'empressa d'aller nourrir son nouveau compagnon qui miaulait de toutes ses forces. Vraisemblablement, cette petite boule de poils n'avait pas aimé le voyage. Il regarda sa fille sortir une bouteille de lait et l'arrêta.