Chapitre 1

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Sans faute Atsuko repassa le lendemain, puis le surlendemain et encore le lendemain. Tous les jours, elle passait voir Chrieff dans l'espoir d'une réponse positive, et tous les jours, Chrieff reportait au lendemain, dans l'espoir qu'elle finisse un jour par abandonner. Mais bien sûr, ce jour n'arriva pas. La détermination d'Atsuko était bien trop grande, et Chrieff commençait petit à petit à oublier l'idée d'une quelconque capitulation. Il fallait se rendre à l'évidence, ça ne servait à rien de résister plus longtemps. Alors un jour Chrieff pris une décision : il allait accepter. C'était une décision un peu prise par abandon mais aussi par conviction. Mais il accepta à une condition : qu'il puisse se soustraire au projet le jour où il perdrait tout espoir. Atsuko accepta, malgré cette condition qui en disait long sur la volonté du jeune homme, mais qu'importe, ses efforts étaient enfin récompensés, et elle était persuadée qu'il ne partirait jamais et que sa ferveur reprendrait le dessus. Ou du moins elle s'en rassurait. Elle se permit de rester un peu plus avec lui pour parler de la suite, de ce qu'ils comptaient faire et comment ils allaient s'y prendre. Ils étaient assis l'un à côté de l'autre, sur l'herbe, face à la mare aux canards très paisible et silencieux. Le soleil commençait à descendre. Cette discussion animée censée être centrée sur l'éventuelle préparation d'un plan dériva très vite sur les confessions d'Atsuko.

-Et donc tu n'en as jamais parlé à tes parents ? demanda Chrieff, intriguée.

-Non... Ils refuseraient, c'est évident.

-Peut-être pas, ils sont sorciers après tout eux aussi. Ils doivent comprendre ce que tu ressens.

-Comprendre oui, certainement. M'encourager à améliorer la situation ? Jamais. Ils seraient trop inquiets. -elle marqua une légère pause- Ils sont tellement bons acteurs dans la société. J'en serais presque jalouse. Jamais aucun soupçons n'a pesé sur eux. Absolument jamais. Et pourtant ils la côtoient cette société, au quotidien.

-Tu ne devrais pas les blâmer parce qu'ils te protègent. Tu sais, c'est parfois en posant des limites qu'on défend le mieux les personnes qui nous sont chers. Tu représentes ce qu'ils ont de plus cher. Alors forcément, ils te protègent.

-Que c'est beau Chrieff.

-Ne te moques pas ! Je t'apprends la sociologie là.

-Excusez-moi professeur, je me suis emportée.

Ils rirent ensemble, d'un petit rire mélancolique.

-Mais j'ai parfois l'impression d'être prisonnière, d'avoir les mains liées...

-C'est comme ça que tu le ressens ?

-Et bien oui... Je sais qu'ils ne veulent pas me perdre, je le sais tout ça, mais... Ça m'oppresse, et j'ai l'impression de ne plus être moi à la fin. Combien de fois ils m'ont repris parce que je devenais un peu trop libre en tant que sorcière... J'ai arrêté de les compter.

-La vie est dure de nos jours.

-Ne m'en parles pas.

-Tu n'as personne d'autres sur qui compter ?

-J'ai un petit frère, mais il est bien trop jeune, je ne veux pas le mêler à tout ça. J'ai aussi un grand frère... Mais il a disparu il y a bien 5 ans maintenant. Et on ne sait pas où il est. Même mes parents n'ont reçu aucune nouvelle de lui. Ils ont fini par perdre espoir. Mais je suis sûre qu'il n'est pas mort. Je suis sûre qu'il a trouvé un moyen de sortir des enceintes du royaume et qu'il reviendra chargé de souvenirs et de produits étrangers.

-C'est un sorcier lui aussi ?

-Oui, un très puissant sorcier ! C'est pour ça que je ne m'inquiètes pas pour lui. Je le reverrai.

The Witch HuntNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ