11 | Sécurité renforcée

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Au menu du soir, importante dose de pâtes bolognaise. Le barman de la cafette les faisaient maison, et on pouvait toujours lire dans ses yeux la fierté qu'il tirait de ce plat typique italien. Des spaghettis cuites à point dans leur sauce brune de viande et de fines herbes ; il n'y avait pas mieux, en tout cas pas pour Noé et Jim, assis avec les autres recrues aux tables du réfectoire. Tous regardaient avec admiration la recette fumante, le sourire au lèvres, l'eau à la bouche, et ils n'avaient qu'une seule chose en tête : Engloutir le contenu de leur assiette pour pouvoir se resservir encore en encore.

Simon, adossé à son comptoir les regardaient manger, content de lui. C'était toujours un plaisir de savoir que ses plats faisaient le régal des consommateurs. En plus, les nouveaux allaient avoir du pain sur la planche, c'était son devoir de les nourrir copieusement et il se promit de refaire ce genre de recette plus régulièrement.

– Tu me passes l'eau s'te plais Jim, fit l'un des gars qui mangeait à leur table.

L'autre attrapa le pichet du bout des doigts et le vida dans son verre à lui, prenant son temps et savourant son coup mesquin d'un mince sourire en coin. Et seulement après cela, il tendit la carafe à l'intéressé qui lui retourna un vif doigt d'honneur de mépris.

– On rigole, on rigole, ricana Jimmy en engloutissant une énorme bouchée de pâtes brûlantes. Putain que-ce que c'est bon ce truc...

Noé ne parlait pas. Comme beaucoup d'autres, il pensait que le plat était bien trop beau pour être mangé en discutant avec ses voisins. Ainsi la cafette avait beau être bondée, le seul bruit qui courait parmi les tables était le son des mâchoires, ruminant sans relâche la nourriture divine qui leur avait été servi.

Il était un peu plus de vingt-et-une heure, les cours de la soirée avaient duré bien trop longtemps et avaient de ce fait débordé sur le temps du dîner. La journée avait été longue, fatigante et pleine de réflexion; il était complètement normal que les étudiants soient morts de faim.

Chez OCAPI, il n'y avait pas réellement de professeurs diplômés. Les élèves étaient simplement placés sous la responsabilité d'agents spécialisés dans un domaine précis, chaque séance ayant son lot d'apprentissages et de techniques propres. Concernant la formation des recrues, la mentalité de la compagnie tenait dans la célèbre phrase de Lavoisier : «Rien ne se perd, tout se transforme». Et c'était plutôt vrai, avouons le. Lorsque celui qui vous explique comment sécuriser un réseau local a déjà fait de la prison pour intrusion dans le système informatique du Palais de l'Élysée, croyez-moi, vous apprenez bien plus vite qu'avec un professeur lambda. Et puis de toutes manières la compagnie n'avait pas d'argent à dépenser dans un personnel enseignant spécialisé. Les investissements se faisaient dans le matériel et les salaires, rien de plus, rien de moins.

Jusqu'ici, les emplois du temps avaient essentiellement été rempli d'heures d'initiation à la sécurité et aux diverses techniques d'intrusion ou de pose de virus inoffensifs. Des heures de découvertes passionnantes durant lesquelles les jeunes gens se familiarisaient avec leur nouvel environnement. Des exercices faciles, c'est vrai, mais les séances de travaux pratiques de difficulté supérieure arrivaient bientôt. Les jeunes étaient motivés, et ils apprenaient vite.

Cependant approchait aussi à grand pas l'étape incontournable que redoutait Noé; le changement d'identité. Évidemment, au sein d'une série policière les trafics de fausses cartes le faisaient rêver, seulement maintenant qu'il était acculé par cette obligation redoutable, il ne pouvait guère s'empêcher de regretter l'époque où son nom ne courait aucun risque. Et en finissant sa lourde assiette rougie, il ne put s'empêcher de penser au cachot sinistre qu'il avait entrevu quelque jours plus tôt. Les âmes perdues, quel nom terrifiant...

NIRVANA [ EN PAUSE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant