02 - Fuck you anyway

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Previously... Le lycéen se retourna brusquement et fit tomber le carnet à terre, avec son sac de cours. Une créature hideuse se tenait devant lui. Une créature hideuse atteinte de strabisme.

Crispé, la main serrée sur le carnet, il regarda la bête sans nom avancer dans la lumière et recula de quelques pas. La créature aurait bien eu besoin de se faire tailler les sourcils et de gentiment remettre ses yeux en place mais Tai était un garçon intelligent, aussi ne lui fit-il pas remarquer.

"Ce monde est ... malade ? Qu'est-ce que vous voulez dire ? Et puis qui êtes-vous ?"

La créature s'avança encore et Tai eut soudain un doute sur le fait d'avoir vraiment entendu cette voix. Peut-être qu'il devenait littéralement fou. Peut-être que toute cette pression sur sa géniale personne avait fini par le faire devenir cinglé, au point d'entendre des voix et de voir des créatures tout droit sorties d'un de ces bouquins pulp à la con.

Et puis, l'horrible chose se mit à parler. Il rit, tout d'abord, d'un rire profond et cynique avant de tendre la main vers une pomme qui traînait sur le bureau de Tai depuis deux ou trois jours. Entre ses doigts, la pomme légèrement blanchie par le temps redevint rouge sang et Tai déglutit.

" Je m'appelle Ri. Je suis un Dieu de la Mort. Et ceci est mon carnet. Tu as été choisi pour faire régner la justice dans ce monde qui ne la connaît plus depuis longtemps."

Comme un récipient de cuisson à la vapeur, Tai sentit le couvercle de sa conscience se mettre à siffler et trembler. Il avait été choisi, élu par une créature supérieure pour devenir le juge des vivants. Quelle situation ! Pour peu, il en aurait presque oublié que ce Dieu de la Mort hideux se tenait devant lui et pouvait lui briser le cou en un claquement de doigt.

Le jeune homme s'assit et attrapa une papillote de chocolat dans son bureau, reste éternel et très peu consommé des fêtes de fin d'années qui venaient de passer. Techniquement, il aurait dû éviter de consommer du chocolat mais la situation était ... différente.

"Comment suis-je censé rendre la justice, Ri-sama ?"

Utiliser un honorifique dans cette situation ne pouvait que lui donner des points en plus avec celui qui venait de le nommer juge de la vie et de la mort, c'était certain. Les gens importants aimaient qu'on leur rappelle leur pouvoir.

La créature croqua dans la pomme et quelques gouttes rouges tombèrent par terre. Une odeur de fer envahit la pièce et Tai déglutit en se rendant compte que c'était du sang qui était venu se déposer sur le tapis de sa chambre. Ce monstre avait changé une simple pomme en une sorte de cœur humain ou quelque chose dans le genre. Oh bien sûr, le dieu de la mort devait rajouter une pincée de sel dans leur échange : un petit peu plus de peur.

"Le carnet, c'est la clef. Il est là pour punir les gens de leurs crimes. Oh mais pas les grands criminels, ils bossent tous pour nous. Non, les gens de la vie de tous les jours. Comme les vieux à la caisse des supermarchés qui payent en petites pièces jaunes, les gamines qui prennent des selfies en public ...

- Les gens qui prennent des appels dans le bus et parlent très fort."

Tai avait l'impression d'être illuminé. Mais bien sûr ! Il était celui qui devait nettoyer les bas-fonds de l'humanité.

L'humanité trop grasse, trop ennuyeuse, trop pénible pour être supportée. La même qui lui rendait impossible la vie agréable. Oui, il s'en sentait capable. Il se releva, des étoiles plein les yeux, et sourit de toutes ses dents au Dieu de la mort, qui lui rendit son sourire, bien plus flippant de son côté. Il avait encore du sang sur les chicots et sa bouche étaient démesurément grande.

"Bingo, petit. Tu as juste besoin de noter le lieu et l'action de leur forfait dans le carnet la personne sera punie."

Hésitant, finalement, à cause de sa partie la plus humaine, Tai pencha la tête sur le côté. Ri l'imita et l'adolescent se fit la remarque qu'il ressemblait étrangement à une chouette.

"La personne mourra ?

- Pas si tu précises quel sera son châtiment. Une crise de boutons défigurante pour une influenceuse d'instagram, la perte de ses jambes pour un de ces mecs qui n'arrête pas de dire que le sport c'est comme une drogue ... Mais attention, ça doit être cruel. Et m'amuser. Ne sois pas barbant, amuse toi un peu !"

En hochant la tête, le jeune homme sourit doucement. Oui, ce serait un juste compromis. Il n'était pas un putain de meurtrier, même s'il travaillait pour un dieu de la mort. Il était mieux que ça : il réfléchirait, trouverait des compris, des choses horribles mais justes. Il se saisit du carnet et le feuilleta de nouveau. Dans son dos, l'ombre terrifiante du dieu de la mort s'étendait.

"Tu as déjà une idée ? Tu veux tenter le coup ?"

Le jeune homme ouvrit le carnet à la première page et se saisit de son crayon de bois HB à mine super ++ et ... quelques coups retentirent à la porte. En grognant, Tai balança le carnet dans son tiroir et ouvrit la porte dans un geste rageur. Devant lui se tenait l'acteur porno auquel ses parents sous-louaient une chambre inutilisée juste à côté de celle de Tai. Bien sûr, ses parents le pensaient étudiant ou une connerie du genre mais l'adolescent ne se faisait aucune illusion sur les activités rémunérées (ou non d'ailleurs) de son colocataire.

Axel ou X-L comme il se faisait appeler dans le milieu - oui il avait un surnom à la hauteur de son travail - était beau, malgré sa tendance à être voûté et ses cernes impressionnantes. Quand il souriait, on avait l'impression de voir un rayon de soleil en hiver. Mais Tai ne l'aimait pas. déjà parce qu'il faisait toujours un bruit monstre quand il invitait ses copains de jeu et en plus parce qu'il était ... trop bizarre. Gentil mais cynique, ironique mais sincère.

"Ta mère dit que tu dois descendre manger."

Eurk, la soupe aux champignons. Il leva les yeux au ciel et hésita à lui claquer la porte au nez mais choisit de le punir pour l'avoir dérangé.

"J'ai pas faim, je mange pas de moisissures. Et puis vas te faire foutre de toute façon, depuis quand t'es le porte parole de ma daronne ?"

Ri vint voleter autour de X-L, le regardant apparemment avec intérêt. L' "acteur" haussa les épaules avant de redescendre sans un mot de plus. Mince alors, ce qu'il pouvait être ennuyeux ... 

Trial & GallowsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant