Chapitre 2

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Italie, 1918

Lorsqu'il se réveilla, il se rendit immédiatement compte de deux choses : le chaos des balles sifflantes et des hommes criants n'assaillait plus ses oreilles ; et ses jambes, il en était certain, étaient en feu.

Roderich était dans un hôpital.

Dans un lit.

Le drap contre lui le démangeait.

Son uniforme avait été remplacé par une blouse flasque et un pantalon attaché par un cordon. Sa jambe gauche était suspendue à une poulie par une sorte d'écharpe. Un plâtre épais l'enfermait jusqu'à la cuisse. L'autre jambe était couverte de bandes de gazes, cachant les points de sutures en-dessous.

Mais la chose qui l'irrita le plus était qu'il ne pouvait pas bouger.

Il ne savait pas combien de temps il était resté couché comme ça, mais à se retrouver dès le réveil avec une jambe en l'air, il sentait immédiatement l'inconfort s'installer.

Il voulait bouger. Se reposer le dos contre les oreillers.

Ce fut après sa découverte que les sensations de rasoirs commencèrent. Milles lames chauffées à blanc frappaient sa jambe levée, se calquant sur les pulsations dans le côté de son cou. Ceux de la jambe droite étaient semblable à des piqûres d'aiguilles comparé à la douleur de sa sœur.

Il entortilla sa main dans les draps du lit, la mâchoire crispée sous la douleur. Il ne crierait pas. Il n'était pas si faible.

Il avait besoin d'une infirmière.

Il se releva prudemment sur ses coudes. L'hôpital était un flou brumeux de formes blanches et chaires. Ses lunettes avaient disparu.

Il se sentait étourdi. Essayer de discerner les formes floues lui donnaient mal à la tête.

Il tourna la tête pour voir si ses lunettes étaient à côté.

Un éclat métallique sur sa table de chevet. Il tendit une main tremblante.

Une infirmière le vit.

En quelques secondes, elle était à côté de son lit et le forçait à se rallonger d'une voix apaisante. Mais ses mots se perdirent dans le martèlement dans sa jambe et sa tête.

Il retourna contre le matelas dur, serrant fort ses yeux.

Quand il les ouvrit de nouveau, l'infirmière était toujours à ses côtés. Elle était proche et il put voir qu'elle était vieille. Peut-être dans la cinquantaine.

Elle lui demanda de quoi il avait besoin, et il poussa un faible « Lunettes. »

Elle accéda à la table par-dessus son lit et les tint assez près pour qu'il les voit. Un des objectifs était fissuré et le cadre métallique à droite avait l'air tordu.

Il grogna.

Ses lunettes étaient cassées.

Il ne pouvait pas voir, merde.

Le drap sous lui le démangeait.

Il voulait bouger.

Il se demanda si c'était ça d'être comme Gilbert. Agité. Se sentir piégé dans sa propre peau. Incapable de bouger...

Où était Gilbert ? Avait-il également été touché ?

Non. Impossible. L'homme n'avait jamais été touché, pas vrai ? Il était invincible. Tout de même, où était-il ? Où ? Il ne pouvait pas être là...

Lost GenerationWhere stories live. Discover now