Chapitre 18 : Glacial

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Le froid mordait sa peau, lui rougissant les joues et le nez. La jeune femme réchauffa son corps en basculant d'un pied à l'autre.

Elle poussa la grille qui grinça, comme pour annoncer un tragique évènement.

Rien n'avait changé, les arbres, à présent dénudés par l'hiver, dissimulaient une bâtisse typique du vieux Los Angeles. Une couche de feuilles mortes gardait au chaud la pelouse. Elle n'était pas venue au domicile parental depuis plusieurs mois. Kayna s'était résolue à régler son différend avec sa mère, en commençant par avoir une discussion sérieuse avec elle.

Un nœud à la gorge, elle pressa sur le bouton de l'interphone.

Sa mère ouvrit la porte, décoiffée, un exploit pour cette femme obsédée par son apparence. Véronica la toisa avec froideur.

- Ça te plaît de me contrarier ?

Kayna soupira.

- Tu me laisses entrer ?

Celle-ci s'effaça sans s'adoucir.

Kayna pénétra dans le vestibule sombre à l'odeur de bois de chêne. Des souvenirs doux-amers refaisaient surface. Dans la salle à manger, la jeune femme fut prise d'une grande nostalgie en passant la main sur le vieux piano. Elle se remémorait ses doigts marteler à toute vitesse l'instrument, la mélodie apaisant son âme d'enfant abandonnée.

Sa mère interrompit ses rêveries en claquant la porte du salon. Elle était tendue, les bras autour de son corps charnu, dans une posture sévère.

- J'ai dû m'excuser maintes fois auprès du médecin à cause de ton attitude. Je ne t'ai pas élevée comme ça !

Kayna ignora ses remontrances, qu'elle écoutait déjà à peine à quinze ans. Néanmoins, à la mention du jeune homme, elle perdit pendant un instant, un peu de sa superbe. La jeune femme réfréna vainement l'image qui s'imposa à son esprit, celle d'un baiser audacieux, fougueux, scandaleux, qu'elle avait volé. Livide de s'être montrée aussi intrépide, aux antipodes de son caractère réservé, elle s'était abandonnée de manière déconcertante, cédant à une force mystérieuse la poussant vers lui. Fermant les yeux, Kayna repoussa ses réflexions à plus tard.

Retournant à la réalité, la jeune femme coupa court à un monologue qui, elle en était sûre, durerait encore dix minutes.

- Où se trouve Thomas ?

- Il dort à l'étage, pourquoi ? demanda sa mère, interloquée.

- Je l'emmène avec moi, une de mes amies est médecin, elle l'auscultera.

Sa mère leva les mains en l'air, théâtralisant son exaspération, comme elle aimait si bien le faire.

- Pourquoi te sens-tu obligée de me faire passer pour un monstre ? Je n'emmène pas ton frère à l'asile !

- Je ne comprends pas, depuis des années tu l'isoles comme si, lui était un monstre ! pesta Kayna.

- Je le fais pour son bien ! s'insurgea la quadragénaire.

Il était inutile de débattre avec elle, la discussion tournait en rond.

Elle monta les escaliers dynamiquement, sa mère à ses trousses.

- Kayna, je t'interdis.

Snobant complétement sa mère, elle fit irruption dans la chambre de son frère.

Thomas s'était à moitié levé, alerté par les cris.

- Mon chéri, s'adoucit Kayna en l'embrassant.

- Kayna ! Tu es venue ! s'exclama-t-il.

Véronica rentra en trombe, rouge de colère.

- Kayna, éloigne-toi de Thomas, je ne lui ai pas donné ses médicaments.

- Calme-toi maman - puis à l'adresse de Thomas - Mon cœur, tu peux préparer quelques affaires et venir dormir à la maison ?

- Il en est HORS de question ! hurla Véronica.

Ils sursautèrent de concert, leur mère n'avait jamais été aussi virulente.

Des cris s'ensuivirent, la mère et la fille se disputant le droit de faire ce qui convenait le mieux pour le jeune garçon.

La tension montait, un dernier hurlement éclata avant que Véronica assène une violente gifle à Kayna.

Tout alla très vite par la suite. Thomas se leva précipitamment et poussa sa mère, qui atterrit violemment sur le sol. Surpris, il s'enfuit en dévalant les escaliers à toute vitesse, Kayna à ses trousses. Elle finit par l'intercepter alors qu'il venait de franchir la porte du jardin.

Essoufflée, elle posa une main sur son flanc, l'autre tenant celle de son frère qui tremblait fortement à présent. De chaudes larmes ruisselaient le long de son visage, traçant des sillons humides sur ses joues rougies par le vent glacial.

- Oh mon petit cœur...ne pleure pas, tout va bien, s'émeut-elle.

- Elle.. elle me déteste... c'est pour ça qu'elle veut se débarrasser de mo-moi, hoqueta-il après un énième sanglot.

Touchée par la détresse de son frère, son cœur se serra. Thomas avait cependant montré une force incroyable en éjectant ainsi leur mère... elle en était encore chamboulée.

- Ne dis pas ça, je t'aime et je t'aimerai toujours. Je te protégerai mon cœur.

Elle l'embrassa afin de calmer ses tremblements.

- Même si je suis malade ?

- Surtout si tu es malade.

- Je t'aime Kayna.

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