Chapitre 14

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Il y a des nuits où malgré tous nos efforts, le sommeil ne nous gagne pas. Des nuits où l'on rumine tout seul dans son coin, assailli de pensées. Des nuits où l'on fait un point sur sa vie et sur celle qui nous reste à découvrir. Des nuits où l'on reste étendu là, de tout notre long, fixant un point dans le vide.

Des nuits qui nous paraissent bien trop longues.

« Je déteste ce genre de nuit. »

Allumant ma lampe de chevet qui éclaire à peine la chambre, je découvre Théo endormi, des livres étalés sur son lit, même sur lui. Comment peut-il dormir ainsi ?

« Celui-là alors... »

Un soupir s'arrache à moi tandis que je ramasse l'ensemble des ouvrages traînant ici et là. La curiosité m'emporte quand certaines pages contiennent des marques, des notes sur un bout de feuille.

Qu'est-ce qu'il cherche au juste ?

Un battement de cœur raté quand je découvre un ouvrage psychologique sur les vies antérieures, caché là sous son oreiller.

Il y a des moments où je m'interroge et où une partie de moi meurt d'envie de l'assaillir de questions. Théo est Théo.

Théo n'est pas Thétis.

Mais Thétis est une part de Théo.

Thétis était une jeune fille intelligente, superbe, ayant peu d'humour, boudeuse et capricieuse.

Théo est un jeune homme partageant presque les mêmes traits de personnalités à quelques détails près et cela me perturbe. Depuis la première fois où nos regards se sont croisés, mon cerveau est soit endormi, soit empli de pensée pour ces deux êtres, dont un qui a partagé une grande partie de ma vie.

Comment pourrait-il se souvenir de sa vie antérieure ? Aucun être humain ne s'en souvient.

Certains disent pourtant que c'est possible, sauf que l'on ne fait pas assez attention aux signes.

Les rêves récurrents.

Les impressions de déjà-vu.

L'attachement inexpliqué pour une culture ou une époque bien particulière.

Cette sensation que notre place n'est pas ici, mais ailleurs.

Il y a tant de choses autour de nous qui pourraient nous faire comprendre qui nous sommes et qui nous étions jadis.

Mais personne ne se souvient. Cela reste des « impressions ». Des sensations qui nous hantent pendant un petit moment avant d'être mises de côté.

Théo est Théo, je ne dois pas laisser le passé interférer avec mon présent. Je ne suis plus un soldat dans une armée. Nous ne sommes plus en Grèce.

Nous ne sommes plus des amants maudits.

« Qu'est-ce que tu fais ? »

La voix à moitié endormie de mon colocataire me surprend tandis que le manuel de psychologie me glisse des mains.

« Je fais le ménage... p.. Pourquoi ? Je n'ai pas le droit ?

— À deux heures du matin ?

— Et alors ? Il n'y a pas d'heure pour faire le ménage. Et puis, comment tu peux dormir dans un tel foutoir ?

— Hmmm ? »

Il se redresse et remarque la pile que j'ai déjà amassée et entassée sur son bureau.

« Tu fais des recherches surprenantes... Le concept de vie antérieure t'intrigue ? »

Ah ! Il a fallu que la question m'échappe. Mais il faut me comprendre, je meurs d'envie de savoir. Je veux savoir si je suis seul. Seul à me souvenir d'absolument tout.

D'ailleurs à la mention de tout ça, Théo détourne les yeux et se recouche en me tournant le dos.

« Je te l'ai dit : recherche perso. Tu devrais te recoucher Alexandre. »

Je devrais, mais je n'y arrive pas.

À cause de toi.

« Tu sais, si tu veux je peux t'aider. Qu'est-ce que tu cherches au juste ?

— Rien. Recouche-toi.

— Oh allez là ! On est amis non ?

— Va te coucher.

— Même pas un indice ?

— Non. »

Ce n'est pas comme si je te demandais le code pin de ton téléphone pourtant.

« Bon. Je vais aux toilettes de toute façon. »

J'ai l'impression de bouder. Je me sens... Déçu.

Abandonné serait plus juste, à vrai dire.

L'espace d'une fraction seconde, j'ai cru qu'il était possible que Théo puisse avoir une quelconque connexion avec moi. J'ai cru... J'ai cru qu'il le sentait.

« Ah attends... Je te suis.

— Une envie pressante ? »

Je devrais peut-être tourner la page. Oublier ou du moins essayer d'oublier. Passer à autre chose.

Aller de l'avant.

« Pas spécialement... Je fais des rêves étranges depuis un bout de temps.

— Des rêves ? »

On s'arrête dans le couloir tandis qu'il fixe ses pieds avant de relever la tête vers moi.

« Dis-moi Alexandre... Tu me prendrais pour un fou si je te disais que je crois que je suis une fille ? »

Remember (BxB)Where stories live. Discover now