Chapitre 5

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Le monde de l'internat est plutôt petit. Au bout de quelques semaines seulement tout le monde connaît tout le monde. Les visages deviennent familiers, les noms se retiennent plus facilement. On sympathise, on rigole un bon coup, on échange nos passions et nos centres d'intérêt et on devient potes. C'est comme ça que ça marche.

Alors forcément, quand un élément étranger, tel qu'une nouvelle tête, vient perturber la routine de tout ce beau monde, cela ne passe pas inaperçu.

« Donc toi, c'est Théo, c'est ça ? Genre Théo comme Théophile ? Théodore ?

— Non, non... Juste Théo. Ma mère dit qu'elle a toujours voulu un prénom court.

— C'est triste. C'est quoi tes autres noms ?

— Henry.

— Théo Henry ? Ouais, ça passe encore. On ne peut pas te charrier sur ça.

— Pourquoi ? Vous aimez vous moquer des noms des gens ?

— Ça occupe... Prends Alex par exemple. Il s'appelle Alexandre Jules. Pour Alexandre le Grand et Jules César. C'est pas un peu ridicule ça ? »

Hé. Ce n'est pas de ma faute, mon père a toujours dit qu'avec des noms pareils j'aurais forcément une grande destinée.

Je croise alors le regard de Théo qui paraît aux premiers abords surpris, puis son rire se mélange à ceux déjà présents. J'ai l'habitude maintenant que l'on se moque de moi.

« Alexandre le Grand et Jules César, hein ? Vous m'en direz tant. Juste Alex, ça me plait aussi. »

Thétis avait cette manie aussi. Celle de tout raccourcir, car ça l'ennuyait de devoir dire mon nom en entier.

Comment elle cachait ça déjà ?

Ah oui : « Octus c'est simple alors Alexander peut bien devenir Alex ».

Ça m'allait. C'était la seule à m'appeler comme ça, même publiquement, et ce n'était pas pour plaire à mes parents qui voyaient cela comme une insulte. Quand Octus a voulu m'appeler « Alex », je me rappelle lui avoir donné un coup de bouclier dans le nez, le lui cassant par la même occasion.

C'était un privilège pour Thétis, pas pour toute la Grèce.

« Et donc ? Tu as choisi quoi comme cursus ? Maths ? Info ? Sport ?

— Histoire. »

Au même moment, j'avale mon verre d'eau de travers, manquant de m'étouffer.

« Ah bah tu seras avec Alex du coup ! »

Merci Octave.

« Ah ouais ? T'es en Histoire aussi ?

— Ouais... Mais je compte me spécialiser sur l'Antiquité. »

On se demande bien pourquoi d'ailleurs.

« C'est bizarre, c'est aussi une période qui m'intéresse beaucoup ! C'est cool ! »

Dites-moi que je rêve. Pourquoi faut-il qu'il me suive jusqu'à mes cours eux-mêmes ?

Va en Lettres bon sang !

« Bon les gars, le dernier à la douche, c'est une tapette ! »

Et voilà que le réfectoire se vide tandis que je prends le temps de finir mon plateau, tandis que Théo regarde le départ en masse de l'ensemble de l'assemblée.

« Vous ne courrez pas tous les deux ? »

Octave et moi échangeons un regard complice.

Tout le monde connaît la fable du lièvre et de la tortue, non ? Rappelons que c'est la tortue qui a gagné la course.

« Pas besoin.

— Mais... Et les douches ?

— À cette heure-ci le concierge n'a même pas encore allumé les chaudières. Le bâtiment est assez vieux et ces abrutis vont tous se doucher à l'eau froide. Grâce à Alex et au fait qu'il soit dans les bonnes grâces du concierge, nous, on a de l'eau de chaude. Voilà l'astuce, le nouveau.

— D'ailleurs, ça va bientôt être l'heure. T'as fini Octave ?

— Je glisse mon fromage dans ma bouche et j'arrive. »

Et voilà qu'il tient parole, gobant totalement le bout de crème. Ça me surprendra toujours autant.

« On se rejoint au deuxième étage ?

— Comme d'habitude. Tu viens Théo ? On va chercher nos affaires de bains.

— OK... »

Tu t'y feras, crois-moi.

« Au fait... Les douches... Elles sont communes ?

— Oui et non. C'est la même pièce, mais y'a des portes quand même ahaha ! Tu ne t'es pas renseigné sur ça avant de venir ?

— J'ai oublié... Je pensais devoir voir le "python" de ce gars.

— Ahaha ! Octave a des tendances nudistes, crois-moi, tu en auras d'autres des occasions de voir son engin.

— Non merci... »

Malheureusement, un jour viendra où l'inévitable se produira. On y est tous passés et ça m'étonnerait fortement qu'il réussisse à passer à travers les mailles du filet.

« Bon, j'ai ma serviette, mon shampoing, mes affaires...

— Si t'as tout, on y va. Au pire, crie si tu as oublié quelque chose.

— Non, je pense que c'est bon. »

Portant une énorme trousse de toilette sous le bras, je me demande s'il part se doucher pour cinq minutes ou s'il part en thalasso.

« C'est quoi tout ça ?

— Bah mon shampoing, mon après-shampoing, ma crème, le produit pour les points noirs et... »

Waw. C'est définitivement dû à la femme qui sommeille en lui tout ça.

« Pourquoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

— Non, non... Rien. »

Si tu savais mon pauvre... Je crois que tu n'as même pas conscience que tu as une part de féminité développée.

Mais bon, apparemment, en chaque homme sommeille une femme et inversement.

Remember (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant