Chapitre 13

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« Ce n'est pas comme si nous avions contrarié les Dieux ».

Sur l'instant, j'ai cru mal entendre. Vous savez, ce genre de phrase que vous pensez avoir entendu. Ce genre de phrase qui, l'espace d'une fraction seconde, arrête votre cœur. Ce genre de phrase qui a un impact si lourd, qu'elles ne sont dites qu'une fois généralement.

Oui, ce genre de phrase ne peut être entendu qu'une seule et unique fois.

« Qu'est-ce que tu as dit ? »

Alors pourquoi m'attendais-je désespérément à ce qu'il me réponde ? Pourquoi attendais-je... non, espérais-je qu'il se répète ?

« Hein ? Moi ? Ah, rien. Bon, on y va ? »

Rien.

Voilà à quoi se résume une fraction d'espoir. Une seconde de bonheur.

Un moment de soulagement.

Je le regarde partir devant alors qu'il n'y a pas dix minutes, il me disait être nouveau en ville. Comment peut-il partir ainsi s'il ne sait même pas où aller ?

« Théo ?

— Quoi ?

— C'est de l'autre côté le magasin.

— Ah... Je me disais aussi ! »

Théo est bizarre.

Je veux dire, en général cela ne me surprendrait pas, Octave a lui-même son côté bizarre, mais aujourd'hui particulièrement, Théo est bizarre.

Depuis cette vieille dame.

« Qu'est-ce que tu fais à traîner dans le rayon femme ?

— Hmm ? Ah... Je regardais. Un vieux tic de ma mère apparemment, j'aime faire tous les rayons. »

Si c'était le cas, on aurait passé autant de temps dans chaque rayon, or là, ça fait une demi-heure que l'on traîne dans le rayon féminin.

Théo est bizarre.

« Tu sais, si quelque chose te tracasse, tu peux me le dire. Je t'écouterais.

— T'es mon colocataire, pas mon psychologue Alexandre.

— Je dis juste que...

— Ça va... Je t'assure. Je présume que c'est le fait d'avoir changé de vie qui me perturbe un peu. Mais ne t'en fais pas ! Je prendrais vite mes marques ! »

Mon cul oui !

Même en rentrant, il avait la tête complètement ailleurs. Le regard penseur. Rêveur.

C'est alors que ça m'est revenu en voyant son reflet dans la vitre du bus.

Théo agit exactement comme moi dans mes moments d'égarements.

Se pourrait-il alors que... ?

Non... Quand même...

Mais si... Et si...

Si c'était possible ?

Ça serait trop beau. C'est improbable. On ne me ferait pas un tel cadeau. Être ici, maintenant, c'est ma punition. Quoi que j'ai pu faire dans ma vie antérieure, cela doit être assez horrible pour que je demeure ainsi, à regarder mes deux vies s'entremêler d'une étrange façon.

« Octave...

— Quoi ?

— Tu crois aux vies antérieures ? »

Je me jette sur son lit tandis qu'il se retourne, posant son livre sur son bureau.

« Tu me poses une question bien étrange tout à coup. Qu'est-ce qui s'est passé ? Tu ne devais pas sortir avec Théo aujourd'hui ?

— Si... Puis on s'est fait interpeller par une vieille voyante un peu folle et elle nous a dit des choses curieuses.

— Ahahaha ! Attends... ne me dis rien... Tu y as cru ? Alex... C'est le boulot de ces gens de t'embrouiller le cerveau ! Cela doit bien faire longtemps que tu n'es pas sorti du campus pour ainsi te faire retourner à la moindre apprentie médium de pacotille que tu vois.

— Ce n'est pas ce que tu crois...

— Ah non ? Alors, explique-moi. Vas-y. »

Crois-moi, j'en rêve. Je rêve depuis des années de pouvoir un jour dire la vérité, mais je sais alors que je serais tout de suite conduit dans un asile.

Pourtant, je ne suis pas fou.

J'ai toute une vie comme preuve à l'appui.

Mais qui me croirait alors ? Ceux qui ne se souviennent pas ?

Non. Il faut que je me trouve un allié. Quelqu'un... quelqu'un qui se souvienne.

Comme moi.

« Tu sais quoi ? Laisse tomber... Je vais me coucher.

— Va te doucher avant ! Tu m'as l'air déjà à moitié endormi ! »

Suis-je fou ? Suis-je le seul à devoir tourner ainsi ? Pourquoi ne puis-je pas avoir un allié dans cette bataille ? Pourquoi seulement moi ?

En retournant dans la chambre, je vis Théo allongé sur son lit avec un livre portant sur l'histoire de la Grèce Antique.

« Qu'est-ce que tu lis ? Tu fais des recherches pour un devoir ?

— Hein ? Ah ! Non, non. »

Il se précipite pour me cacher le manuel.

« Disons que c'est des recherches personnelles. Cette période m'intrigue beaucoup, comme je te l'ai dit.

— Ouais... C'est vrai... Je vais me doucher, tu viens ?

— Non... Vas-y en premier. J'ai encore... Des trucs à faire. Tu sais... Des trucs.

— Pas de problème... J'y vais alors...

— Oui, oui. À plus tard. »

De plus en plus bizarre, ce garçon. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas possible que ce soit ce que je pense, ce que j'imagine... Comment expliquer que moi, ça m'ait pris toute ma vie pour me souvenir et que lui, ce soit du jour au lendemain ? J'ai l'impression que quelque chose cloche.

Il me manque quelque chose... Un élément. Une pièce du puzzle sans laquelle je ne peux résoudre l'énigme du comportement de Théo.

Et les problèmes, j'adore ça.

Attends un peu pour voir. Je t'ai connu dans une vie antérieure et je te connais mieux que personne d'autre sur terre... Crois-moi, tu ne peux rien me cacher.

Je finirais par savoir la vérité. Ce que tu caches. Ce que tu trafiques. Ce que tu penses.

Bientôt, je saurais tout.

Remember (BxB)Where stories live. Discover now