Chapitre 14

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  Ce soir-là, je suis descendue dans la salle du trône. Il faisait frais mais je me portais bien. Je me suis assise sur le trône. Jusque-là, il ne m'avait pas autorisé mais je suis seule et puis, si je suis destinée à devenir reine. De plus, mon enfant sera son héritier.

     -  On a abandonné l'idée de tuer le roi maudit.

  Je me suis relevée, descendant vers elle, en bas des marches. La vieille venait d'entrer dans la salle, tapis dans le noir. Elle fait peur.

     -  Je ne peux plus me résoudre à tuer le père de mon futur enfant.

     -  Il vous a fait du mal.

     -  C'était il y a longtemps.

     -  Il a tué votre Olidan.

  Je n'ai rien dit pendant un moment, me souvenant du chagrin que m'avait causé sa perte.

     -  Il faut savoir pardonner.

  Elle a ri, j'ai frissonné de terreur mais je n'ai pas baissé la tête pour autant. Elle savait que j'étais enceinte. D'après elle, elle l'avait senti.

     -  Pardonner ! Cela est si triste dans votre gorge si impure d'ancienne prostitué. À votre avis, que disent les nobles derrières votre dos ? Eux se souviennent de ce que vous étiez avant que ce prince au grand cœur ne vous ramène au château. La reine mère vous a peut-être aidé mais elle vous détestait du fond du cœur.

     -  Vous mentez.

     -  Et si je vous dis qu'elle m'avait demandé de vous tuer.

  Je me suis tue, attendant qu'elle développe son dit.

     -  La nuit de votre nuit de noce, je devais vous tuer et blesser gravement le prince Olidan. Mais ce misérable m'en a empêché et avec la mort de la reine, notre contrat était fini. Je me suis donc tournée vers vous, vous qui détestiez Caïn.

  Elle se rapprochait de plus en plus. Je suis tombée sur les fesses, sur les marches. J'ai grimacé. La douleur s'était répercutée dans mon corps entier.

     -  Vous ne voulez pas le tuer vous-même, je le ferais. Je vais l'éradiquer ainsi que toute la vermine autour, commençant par ce qu'il a semé.

     -  Vous ne toucherez pas à mon enfant. Fis-je entre mes dents.

     -  Alors tuez-le ! Tuez-le de vos propres mains et devenez LA reine de ce royaume ! Maintenant que vous avez un enfant de lui, vous pouvez revendiquer ce que vous voudrez et diriger ce pays comme cela vous chante.

  Elle m'a tendu un couteau, je l'ai pris dans mes mains. Au même moment, Caïn et Marcello, ainsi que deux autres gardes sont entrés. Elle m'a fixé. Je tenais fermement le couteau dans les mains, prête à tuer. Elle a souri, ce sourire édenté qui me fait si peur. J'ai regardé Caïn.

     -  Tuez-le !

  Je me suis levée et je suis passé à son côté. Il s'est avancé lui aussi, sans peur. Elle est venue à mon côté.

     -  Il vous a tout enlevé, il a fait de votre vie un calvaire. Vengez-vous !

  Les gardes ont armé leur arc et alors que tous pensaient que je criais, prête à lui sauter dessus...

  Elle m'a regardé, les yeux grands ouverts, exorbités. Je serrais les dents, pleine de rage. Pensait-elle vraiment que j'allais le faire.

     -  Je n'étais qu'une pute quand il m'a rencontré. Il n'a fait que me prendre comme telle. Après cet épisode, je suis sortie tous les jours, j'ai fait la cour au prince Olidan comme le ferait une pute de fortune. J'ai été emmené à la Cour, présenté comme une princesse, aimé comme une princesse mais je n'ai jamais été une princesse ! J'étais une pute. Seul un me le rappelait, me ramenait à la réalité de ma vie. Je n'étais pas une princesse mais une pute, la reine des Catins.

  J'ai enfoncé le couteau encore plus profond.

     -  Je l'ai détesté parce qu'il me montrait la réalité, je le détestais parce que je ne voulais pas la voir, je la fuyais. Maintenant, je suis la reine d'un homme qui a eu une vie aussi sale que la mienne.

  J'ai souri, presque bêtement.

     -  N'est-ce pas beau ? Deux personnes sales réunis pour l'éternité. Je ne suis peut-être pas la reine des saintes-nitouches comme les gens l'attendent mais je ne suis plus une pute non plus. Je l'aime et j'attends un enfant de lui. Ma vie n'est pas celle qu'elle devait être, elle n'est pas celle dont j'avais rêvé mais...j'ai quand même une vie que je chéris. J'apprends à pardonner et à voir ce que la vie m'offre.

  Je l'ai poussé, elle est tombée à terre, j'ai retiré la lame de son ventre avec le mouvement, le tenant dans ma main. Je la dominais de toute ma grandeur. Je ne sais pas si elle était encore en vie. Je me suis tournée vers Caïn, qui lui, s'était rapproché.

     -  Oui, je t'ai détesté, j'ai voulu te tuer mais...je suis heureuse. Je suis ce que rêverait une pute comme je l'étais avant. Elles rêveraient toutes d'avoir ma vie. Et par-dessus tout, je t'aime. La vengeance n'a rien à offrir.

  J'ai soupiré, relâchant la pression, lâchant l'arme que je tenais encore. Elle est tombée au sol, claquant contre les dalles de marbre.

     -  Je t'aime Caïn.

  Il est venu me prendre dans ses bras avant que je tombe. J'étais fatiguée, cet acte m'avait demandé beaucoup d'effort. Il m'a souri, me soulevant dans ses bras pour me porter.

     -  Moi aussi je t'aime Irina. Tout ce que je t'ai fait subir, c'était par jalousie. Je m'en excuse.

     -  Et moi, je te pardonne.

  On s'est embrassé. Mais, alors que je pensais qu'il avait oublié ce détail, il m'a regardé dans les yeux, petit sourire aux lèvres.

     -  Tu es...

     -  Je suis enceinte, oui.

  Il m'a de nouveau embrassé à pleine bouche.

  Suite à cela, l'annonce d'un futur héritier à soulever la foule, toutes invités à célébrer enfin notre union, l'union du roi des cons et de la reine des Catins.

  Fille d'ivrogne et de pute, que voulez-vous que ça donne ?

  Fille d'ivrogne et de pute devenue reine de son pays, femme d'un roi incroyable et mère d'un futur roi. Jamais ma vie n'aurait pu finir ainsi si je n'avais rencontré cet être impitoyable, si cet homme ne m'avait pas repositionné à ma condition de prostituée.

Je me rends compte que tout ce qu'il m'a fait, dit, n'a fait que me pousser vers ce que je suis devenue. Jamais je ne serais tombée sur ce monstre, jamais je ne serais devenue mère et épouse, jamais je ne serais devenue heureuse.

  Caïn...monstre mais aussi sauveur. Caïn, mon amour pour toujours.


                                                                                                                                                      Fin                                             

La CatinWhere stories live. Discover now