Chapitre 4:

23 6 0
                                    

Tabitha eut un sursaut lorsqu'elle pénétra dans ce qu'elle supposa être un salon. Sous ses pieds nus, le sol de pierre était gelé et elle ne pouvait que se fier aux légères vibrations qui en émanaient pour avoir une idée du nombre de personnes se situant dans la pièce.
Le Traqueur avait quitté la pièce et se situait dans une autre, elle le sentait. Des cliquetis de griffes l'avertirent de l'arrivée d'un loup. Elle grinça des dents, se préparant déjà à devoir se battre à main nue contre un loup-garou de la meute de Farik. Elle eut cependant la surprise de sentir une énorme masse poilue et chaude contre ses jambes et sa taille. L'odeur familière la fit se détendre légèrement:

- Aiden, le soumis est dehors mais il risque d'essayer d'entrer, il faut que tu le protéges.

Le loup jappa, mécontent. Elle n'était pas surprise du tempérament belliqueux du lieutenant. Il devait probablement vouloir retourner au combat malgré ses blessures, car il était sérieusement amoché si elle se fiait à sa jambe progressivement trempée par un liquide brûlant.
Tabitha continua à avancer et le loup s'appuya sur sa jambe, lui évitant une rencontre malencontreuse avec une table qui semblait avoir été fracassée.

- Où est Farik?

Le loup gémit doucement et la solitaire s'efforça d'interpréter. Si Farik avait été tué, il était peu probable qu'Aiden aurait été présent pour lui servir de chien d'aveugle. En revanche cela ne signifiait pas non plus que l'Alpha allait bien.
Et dans l'équation si l'Alpha mourait, sa meute mourait avec lui.

Dans une meute, il était question de liens entre les loups. Non pas un lien de sang, mais un lien à la fois physique et émotionnel. La meute de Farik était déjà plus que fragilisée par les différentes morts qu'ils avaient affronté, de plus, ils n'avaient pas eu le temps pour le deuil.
Si l'Alpha mourait, il n'y aurait aucune utilité à ce qu'elle affronte ce qui les chassait.

Le pied nu de Tabitha heurta une masse de fourrure chaude et elle s'immobilisa.
Certains avaient changé, cela augmentait la chance de trouver un survivant. Elle se baissa, passant la main dans la fourrure chaude et elle ferma les yeux.
Bientôt tout disparut autour d'elle, d'abord l'odeur de sang, de mort, de peur puis le goût métallique du sang dans sa bouche et enfin, le bourdonnement qui neutralisait son ouïe ainsi il ne resta finalement que la sensibilité de sa peau et elle le sentit enfin, le faible pouls qu'elle cherchait.

Qui que soit ce loup, si son coeur battait encore, il survivrait.

Tabitha se releva et passa par dessus l'animal, Aiden la suivant et s'appuyant dès que possible sur ses jambes. Elle ne renouvela pas sa demande, il était évident qu'elle ne pouvait pas prétendre arriver à circuler dans le bâtiment sans aide, de plus le bourdonnement devenait puissant. Une appréhension grandissait et en réponse, elle sentait sa main agripper la fourrure du loup pour arrêter ses propres tremblements.

Un pan de mur s'effondra et un bref couinement se fit entendre. Un loup venait de traverser un mur. Aiden la quitta presque immédiatement mais Tabitha n'en fut pas déstabilisée, une de ses mains rencontrant l'encadrement en bois d'une porte. L'odeur du lieu lui donnait envie de vomir, mais elle l'avait reconnue à la brûlure que cela laissait dans sa gorge et ses sinus. Un bref instant, elle fut projetée dans ses souvenirs.

Lorsque leur meute avait été attaquée le scénario avait été semblable. Ils rentraient de la nuit de la pleine lune qu'ils avaient passé sous forme animale. Ayant repris forme humaine, ils s'étaient retrouvé dans le grand salon du manoir qui avait appartenu à l'Arbitre même lorsqu'il avait été humain.
Elle se souvenait encore de l'odeur de feu de bois et du thé brûlant du salon accueillant.

Elle se souvenait d'Abel, le loup dominant qui avait le rôle de médecin de la meute qui était assis devant la cheminée savourant l'odeur de gingembre qui émanait de sa boisson. Nathalia somnolait sur un divan, mangeant sans appétit un muffin et son regard pétillant et attendrissant de louve dotée de la Sensibilité se posant avec amour sur Zachariah, leur Alpha qui apportait une nouvelle bûche pour l'âtre. Silas, l'autre Bêta et par extension exécuteur était au fourneau, entrain de préparer un poulet ou était-ce une dinde? Elle ne s'en souvenait même plus.
Il y avait Wallace, un loup soumis, le plus vieux de leur meute, qui avait pris place sur un fauteuil usé par les ans, se préparant à raconter des histoires à dormir debout comme à chaque fois qu'ils revenaient de la chasse.

HiémalOù les histoires vivent. Découvrez maintenant