26. Interrogatoires

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15 juillet 2016

Je pensais que j'aurais eu à mettre ma main sur le bouquin du Code Civil et à dire un truc du genre "je jure de dire la vérité, toute la vérité".

Mais non. Faut être témoin pour ça, pas victime. Or, à priori, j'étais une victime. Et puis j'ai pas encore seize ans (dans deux mois, ça compte pas).

Alors j'étais juste dans un bureau avec une inspectrice qui m'a écoutée en prenant des notes de tout ce que je disais.

Ce qui m'a impressionné chez elle, c'était pas sa taille (bon, ok, un peu), c'est son chemisier. Il était si bien repassé qu'on y voyait pas le moindre pli. Et puis elle avait des yeux qui semblaient tout analyser au peigne fin. Pourtant, quand elle souriait, j'avais l'impression que je pouvais lui parler. Que j'étais en sécurité. Alors j'ai réussi à lui raconter tout ce qu'il s'était passé à la Bastille.

D'ailleurs, c'est une bonne idée que j'ai eue de tout écrire dans mon carnet parce que j'avais les idées plus claires, plus ordonnées. Je crois que je n'ai rien oublié. La seule chose que je n'ai pas dit, c'est l'histoire du Nutella. Elle a bien trouvé bizarre que j'arrive à porter toute seule un bureau, mais elle est partie sur l'hypothèse de l'adrénaline. Parfait.

J'ai pas non plus parlé des mains de glace du gars masqué. Je pense pas qu'elle m'aurait cru et, de toute façon, moi-même, je ne suis pas sûre de ce que j'ai vraiment vu.

Par contre, je lui ai dit que j'avais vu le logo Méduse plusieurs fois avant le feu d'artifice, et notamment au garage de mon père. Elle m'a expliqué qu'un groupe de délinquants avait pris la ville comme terrain de jeu et essayait d'intimider les commerçants.

Je me suis tout de suite sentie soulagée.

Non, vraiment.

Je savais enfin que personne ne m'en voulait à MOI PERSONNELLEMENT !!!

Bon, ça me donnait envie de ne plus jamais mettre le nez dehors, mais à part ça, je me sentais mieux !

***

Après avoir échangé ma place avec Léa, je suis restée avec ma mère dans la salle d'attente du poste de police. Ça se voyait trop qu'elle m'était super stressée parce qu'elle n'arrêtait pas de secouer son pied.

— Tu sais, c'est pas grave, on a rien eu. On va juste leur raconter ce qu'on a vu...

Elle s'est tournée vers moi, l'air totalement effaré.

— Mon Dieu Alice, mais tu ne te rends vraiment pas compte ! Votre vie était en danger ! Tu ne peux même pas imaginer comme on a eu peur, ton père et moi.

— Boh, vous avez été prévenus quand on était déjà en sécurité... j'ai dit en haussant les épaules.

— Et tu crois que ça m'évite de me faire du souci ? Mes deux filles se font attaquer par des TERRORISTES, et tu voudrais que je ne m'inquiète pas ? Parfois, Alice, ça m'inquiète ta manière d'être dans ton monde.

— Hé ho ! Attends, je crois pas que j'étais dans mon monde hier soir, quand je suis allée chercher Léa, je me suis exclamée en fronçant les sourcils. Je savais bien que c'était dangereux, qu'est-ce que tu crois ? Mais j'allais quand même pas la laisser toute seule !

— Je sais... Toutes les deux, vous êtes ce qu'on a de plus cher au monde. Je veux qu'il ne vous arrive RIEN. La moindre égratignure qu'on peut vous faire, la moindre remarque...

Elle a mis ses mains en coupe autour de mon visage et ses yeux étaient brillants.

— Je voudrais juste que personne ne touche à un seul de vos cheveux. Je suis fière de toi pour ce que tu as fait. C'était très...courageux. Mais je veux que tu fasses attention à toi. Tu comprends, ça ?

Nutella Girl [En Pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant