18. Dégustation de Nutella

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Lundi 4 juillet 2016

J'ai fermé les yeux avant de lécher la cuillère de Nutella. Entre la langue et le palais, j'ai écrasé la pâte lisse, épaisse, sucrée. L'inimitable arôme de noisette chocolatée a alors envahi ma bouche.

Gabriel s'est manifesté avant que je n'arrive à comprendre ce qu'il se passait.

— Alice ! Tes cheveux !

Je me suis concentrée sur le « truc ». C'était comme un léger picotement au bout des doigts ; une chaleur douce qui irradie depuis l'intérieur et se répand dans tous mes membres ; et une sorte de bien-être, comme un poids qui s'évapore. J'ai ouvert les yeux. Gabriel me fixait. Il avait l'air d'attendre que je dise quelque chose.

— Ça va ? Tu sens tes cheveux ? Ils volent ! il a demandé.

— Oui, je...

Mais la sensation était déjà partie.

Gabriel m'a repris la cuillère des mains, l'a garni de pâte à tartiner avec application et m'a tendu le tout comme s'il s'agissait du Graal.

— Réessaie !

J'ai acquiescé, j'ai lapé le Nutella et je me suis à nouveau concentrée sur le goût de la pâte. Je ne sais pas dire ce qui se prédominait le plus du chocolat ou de la noisette. C'était juste ce parfait dosage dont je savourais chaque parcelle.

— Ça revient ! Ça revient ! s'est à nouveau exclamé Gabriel.

— Je sais.

— hihihihi !

Il a rigolé ou peut-être gloussé, je ne sais pas. C'était pas très naturel en tout cas.

— Ça fait quoi ? Vas-y, raconte !

— C'est chaud... Et ça fait du bien, je crois.

— Et ? C'est tout ? Dis-moi ?

On aurait dit un ado qui fait le guet dans les vestiaires des filles et qui supplie ses complices de lui raconter ce qu'ils voient.

Sous le regard interrogateur de Gabriel, j'ai avalé une troisième cuillerée sans rien dire. Puis, je me suis tournée vers le bloc de béton qui faisait office de banc et j'ai donné un coup de poing. Tranquillement, sans forcer.

— Oh ! P***** de m****! Alice !

J'ai éclaté de rire. Il n'y avait rien de drôle, mais bon sang, qu'est-ce que c'était jouissif !

Bon, du coup, pour le bloc de béton, c'était un peu moins cool.

— T'es dingue ! Mais t'as vu ce que t'as fait ? Mais c'est dingue !

Gabriel s'est penché pour inspecter le trou qui ornait maintenant le bloc de béton.

— P***** c'est dingue ! T'as enfoncé le béton sur au moins cinq centimètres de profondeur !

— Ouais... bah on dira que c'est cendrier intégré ?

— Pour un banc public de la ville la plus écolo de France ?

J'ai haussé les épaules.

— Et ton poing ?

— Même pas mal.

Il a eu encore son rire bizarre.

— C'est vraiment dingue, il a répété. C'est tellement dingue ! Hihihihi ! Est-ce que tu te rends compte comment c'est dingue ?

— Ouaiiiiiis... je crois qu'on a compris, là, pas besoin de jouer les poulettes en chaleur, j'ai fait en levant les yeux au ciel.

Je lui ai dit ça sur un ton tellement cassant ! Je m'en veux un peu. Franchement, si c'est lui qui m'avait traité comme ça... Je crois que je me serais cassée sans rien demander. Remarque, peut-être que c'est ce qu'il voulait faire, mais je ne lui en ai pas laissé le temps : je l'ai attrapé par le cou et l'ai forcé à s'accroupir derrière un fourré.

Nutella Girl [En Pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant