Nutella Girl [En Pause]

4. Déjà vu

28 juin 2016

Vous n'avez jamais eu cette impression de déjà vu ? Vous voyez quelque chose pour la première fois, mais ça vous fait comme si vous la connaissiez depuis toujours.

Par exemple, lorsque j'ai vu la bande annonce du Seigneur des Anneaux pour la première fois (je devais avoir quatre ou cinq ans quand mon cousin m'a montré ça sur YouTube), j'ai eu l'impression que c'était un truc mythique et marquant dans ma vie, alors que je ne connaissais même pas au départ. Ça a fait une sorte de résonance en moi, comme si c'était quelque chose d'important, vous voyez ?

Ça me le fait aussi parfois avec les chansons que j'aime, ou avec les prénoms qui sonnent bien (Par exemple, Bruce Wayne, ça sonne super bien, vous trouvez pas ?). En général, ce sont des trucs positifs, mais pas toujours. Ce qui est sûr, c'est que ça a une certaine IMPORTANCE.

Et typiquement, « Antony Michelli », c'est un nom que j'ai l'impression d'avoir entendu toute ma vie. Bon, ok, on allait à la même école au primaire, puis au même collège (mais jamais dans la même classe puisque j'ai un an de plus que lui). Mais même sans ça, il a un nom qui depuis toujours « résonne » pour moi. Peut-être que c'était un signe que c'est la personne qui allait mettre fin à mes jours ?!

« T'as fini de fantasmer ? Tu ferais mieux de finir ton Kinder Bueno, avant qu'il ne fonde. »

Visiblement, Gabriel n'était pas convaincu par la théorie mystique que je venais de lui exposer. On s'était assis sur un cube de béton qui faisait office de banc dans un parc non loin de chez lui. C'est vrai que sous le soleil écrasant, mon goûter était en danger de fonte imminente. Ce qui aurait été vraiment dommage parce que, sérieux, c'est vraiment trop bon ces cochonneries-là ! Entre le Nutella de la veille et le Kinder d'aujourd'hui, j'ai découvert des saveurs inconnues jusqu'alors (expliquez-moi pourquoi mes parents ne m'en ont jamais donné et pourquoi j'ai jamais essayé d'y goûter jusqu'à présent ! J'ai l'impression d'être passée à côté d'une partie de ma vie !!) Mais là n'était pas la question !

Je lui ai répondu en faisant la moue :

« Je te raconte mes problèmes et c'est comme ça que tu m'aides ?
— Il ne sait même pas qui t'es, Anthony.
— Tu plaisantes ? C'est lui qui me tirait les couettes au primaire. Tu m'avais défendue, d'ailleurs !

Gabriel haussa un sourcil.
— Ha bon ? J'ai fait ça, moi ? J'étais courageux à cet âge, dis-donc !
— Faut dire que tu faisais une tête de plus que lui à l'époque...
— Haha ! Bah maintenant, c'est un peu l'inverse, alors compte pas trop sur moi. »

Il s'est penché vers moi et a tenté de choper ma deuxième barre de Kinder Bueno. D'un geste de la main, j'ai repoussé la sienne comme on chasse une mouche.

« Hey ! Pas touche ! Je le garde pour plus tard...
— Aïe ! P*****, mais tu m'as défoncé la main ! s'est écrié Gabriel en se tenant les doigts.
— Pauvre chochotte, va.
— Je suis sérieux, tu sens pas ta force ! »

J'ai soupiré. Je crois qu'il essayait de me faire rire mais ça ne marchait pas vraiment. J'ai observé un moment mes pieds que je tapais contre le béton en essayant d'éviter de toucher le visage de femme à tête de serpents peint à la bombe qui s'y trouvait.

Gabriel s'est finalement levé du banc pour jeter son papier de Kinder. A mi-chemin des quelques mètres qui le séparaient de la poubelle, le plastique lui a glissé des mains. Il s'est penché pour le ramasser et j'ai entraperçu une partie de son sous-vêtement. Oh pas grand-chose, juste un bout de l'élastique. Mais c'était suffisant pour que je reconnaisse son slip à têtes de mort !