14 - Le Passeur

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   Il en fallut peu pour qu'Aurélia ne rates le bus, à quelques secondes près celui-ci était déjà parti. Après cinq minutes de trajet, elle arriva enfin devant l'hôpital, une immense bâtisse blanche haute de cinq étages. Elle entra, se présenta en toute hâte à l'accueil, puis monta au deuxième, là ou se trouvait la chambre d'Annabelle. Et qu'elle ne fut pas sa surprise lorsque la première personne qu'elle vit dans le couloir fut Éloïse.

   Les deux filles en froid se regardèrent comme deux cow-boys en plein duel. Aurélia garda son calme, non pas sans l'envie montante de lui casser la figure, maintenant que cette garce était démunie de sa bande de pestes. Mai elle se retint, et se contenta de lui cracher au visage une réplique déstabilisante.

   - Apparemment, la vipère guettait le réveil du lièvre.

   - Aurélia, il... Il faut que je te dises quelque chose. On s'est longtemps détesté, c'est vrai, mais cette fois-ci, tu dois me croire sur parole.

   Éloïse lui parla avec un ton d'indignation marquant. Mais Aurélia n'avait pas à avoir de compassion pour elle, après tout ce qu'elle lui avait fait.

   - J'ai pas de temps à perdre avec toi. Ou est la chambre d'Annabelle ?

   - Justement, c'est à propos d'elle que je veux te parler. Il ne faut pas que tu ailles la voir...

   - C'est ça, c'est ça.... Attends un peu de voir quand elle sera entièrement rétablie et qu'elle te bottera les fesses quand je lui aurai dis tout ce que tu as fait, sale garce !

   - J'osais espérer que tu me croirais sur parole... Tant pis, vois par toi même.

   Et Éloïse lui tendit son portable. Intriguée, Aurélia le prit, et n'eut pas le temps de dire quoi que ce soit qu'elle reconnut la voix à l'autre bout du fil.

   - Aurélia, c'est moi, Annabelle.

   - Anna... fredonna Aurélia.

   - Tout ce que t'as dit Éloïse est vraie. Je ne veux pas que tu viennes me voir.

   - Hein ? Quoi ? Comment ça ? Pourquoi ?...

   - Parce que je ne t'aime pas. Je ne t'ai jamais aimé, Aurélia. Tu as toujours été un fardeau pour moi. La source de tous mes problèmes, c'était toi. J'aurai tellement aimé que tu meures dans l'accident à la place de Papa et Maman. Alors ne rends pas les choses plus difficiles, ne vient pas me voir, s'il te plaît.

   - Attends, il doit y avoir une erreur...

   Mais trop tard, on raccrocha au bout du fil.

- Annabelle...

   Aurélia était abattue, achevée, on lui avait brisée le cœur. Sa sœur qu'elle aimait tant, pour qui elle aurait tout fait, qui lui avait dit de telles atrocités.

   - Tu vois, je te l'avais bien dit que tu était un fardeau pour elle, rétorqua Éloïse d'un sourire presque victorieux. Tu peux me rendre mon portable maintenant, s'il te plaît ?

   Mais à peine la demande effectuée, Aurélia jeta au sol le portable d'Éloïse qui se brisa en mille morceaux sur le sol lisse de l'hôpital.

   - Aurélia ! Hurla Éloïse.

   Mais l'adolescente était déjà partie, avait fuit l'hôpital pour se retrouver seule.

   Il n'y avait maintenant plus qu'un seul endroit où les gens éprouvaient ne serait-ce qu'un peu d'amour pour elle. Le monde de l'Oralcia, son monde, celui de personne d'autre, dont elle connaissait enfin l'emplacement de l'entrée. Elle n'avait aucune affaire sur elle, mais le trajet n'était pas long jusqu'à Domino. Elle fit du stop, durant de bonnes heures le long de la route qui passait au travers de la ville. Jusqu'à ce qu'un camion portant le logo de la chaîne de télévision Délirama ne se présente à côté d'elle. Le conducteur, un homme un peu âgé coiffé d'une casquette en béret, lui demanda ou elle voulait aller. Aurélia monta aussitôt dans le camion, et regarda avec nostalgie et dégoût les immeubles lugubres d'Eterville s'éloigner d'elle comme un saint fuit les pestiférés.

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