14 - Le Passeur

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   - Du coup, tu vas tout de même tenter d'y aller, dans ton monde imaginaire ? Demanda Thomas à Aurélia tout en léchant la boule de sa glace à la fraise.

   Depuis le burn-out d'Annabelle, qui est à l'hôpital dans un coma profond depuis une semaine, Aurélia vivait tristement chez ses grands-parents le temps de la convalescence de sa sœur. La maison était chic, mais on s'ennuyait vite en rase campagne. Heureusement que Thomas soit venu proposer ce matin à Aurélia d'aller ensemble à la fête foraine, la pauvre adolescente se serait vite donné la mort.

   - J'y ai beaucoup réfléchi, répondit Aurélia. Et je crois que ce ne sera pas là bas que je trouverais ma place.

   - Ah bon ? Et où est-elle, ta place, alors ?

   - Dans ce monde, avec ceux que j'aime plus que tout.

   Les deux ados s'échangèrent un sourire, puis un long baiser. Les deux amoureux s'étaient assis par dessus une barrière métallique, pour regarder au loin l'allure de la fête foraine. L'un dans les bras de l'autre, ils riaient tout en dégustant chacun leur glace qui commençait à fondre sous la chaleur.

   Quelques minutes de bonheur plus tard, ils descendirent de leur monture pour aller se promener dans les halls forains. Les manèges parsemaient la place publique et il était difficile de se frayer un chemin à travers cette cohue de gens venus parfois de loin pour l'occasion. Comme il était tard, le couple se retira de la fête, et Thomas accompagna Aurélia à rentrer chez elle. Il lui donna une peluche de cerf bleu, celle qu'il avait gagné au tir à la carabine contre un vieux aigri, et Thomas l'embrassa une dernière fois avant de laisser sa copine aller à ses appartements.

   Une fois seule, Aurélia ne s'était même pas rendu compte du merveilleux moment qu'elle avait passé. Pour rien au monde, elle n'irait dans le monde de l'Oralcia pour rater tant de bonnes choses telles que celle-ci. C'était comme si la partie lumineuse de la vérité sur son monde lui avait été caché pendant longtemps, puis réveillé au grand jour.

   Elle monta dans sa chambre, à laquelle elle accédait en montant un vieil escalier en bois. Elle jeta la peluche sur son lit, puis alla s'affaler sur son bureau. Quand elle leva la tête, elle vit les deux premiers indices de Kuho qui lui ont été remis après l'arrestation de Mr Roublard. Étrangement, son cerveau se mit à mettre en lumière certaines choses.

   Le médaillon portait comme gravures les inscriptions : P.A. P.A comme quoi ? Elle prit la carte, se demandant s'il y avait un lien avec le médaillon. Son regard fit une centaine d'aller-retour sur le plan avant de tomber sur une révélation : sur le plan, P.A était l'abréviation de Parc Animalier. L'entrée du monde de l'Oralcia se trouvait donc au Parc Animalier de Domino. Aurélia y était déjà aller avec ses parents quand elle était petite, elle se souvient avoir vu une immense statue en marbre bleuté qui prône sur le parc devant l'entrée. C'était là.

   Tout pris sens. Aurélia se leva d'un coup de sa chaise, presque sous le choc de sa découverte. Elle allait enfin pourvoir y aller, elle allait enfin pouvoir devenir la souveraine...

   - Aurélia !

   On l'appelait depuis le salon. Seule sa grand-mère était restée à la maison cet après-midi.

   Aurélia s'extirpa de ses pensées, puis revint çà la réalité.

   - Oui mamie ? Je suis dans la chambre.

   - C'est l'hôpital d'Eterville qui appelle. Ils disent qu'Annabelle vient de se réveiller.

   A ces mots, Aurélia n'entendait plus parler de l'Oralcia. Elle l'avait banni de son esprit pour laisser place à sa sœur, qu'elle aimait plus que tout. Sans prendre le temps de réfléchir, elle se rua vers l'escalier, prit de quoi se vêtir, puis fonça sans dire à sa grand-mère où elle allait pour rejoindre Annabelle.

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