Chapitre 57

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Contraint et forcé, je me tiens à carreaux la journée. Je suis limite attaché à ma tante. Elle ne me quitte pas d'une semelle. Je la suis partout... Impossible de continuer ma petite guerre avec le voisin qui reluque de plus en plus ma tante. Ils prennent même l'apéro ensemble tous les soirs. Je me propose pour aller chercher le pain à la supérette du camping, ce qui m'évite d'assister à leur conversation.

Mes frères et mes cousines ont le droit d'aller à la piscine tous seuls, pas moi. Ils ont l'autorisation de skater à volonté, de traîner avec nos potes, de sortir jusqu'à vingt-deux heures trente, d'aller boire un coup au bar, d'aller jusqu'à la plage en navette... Pas moi ! Ça va faire cinq jours que je suis l'ombre de ma tante, que je dois attendre pour bouger qu'elle ait fini sa sieste les après-midis, alors qu'elle a déjà dormi jusqu'à midi...

Mais aujourd'hui, alors que tout le monde se prépare pour aller assister au feu d'artifice de Cannes, elle me fait la surprise de lever enfin ma punition !

— Bon, si tu me promets d'être raisonnable, de ne plus emmerder le voisinage, et d'obéir à tes frères et tes cousines, je veux bien te rendre un peu de liberté !

J'analyse ses paroles avant de m'engager. C'est exactement comme si moi, le prisonnier de la cellule quatre-cent-neuf, je recevais une peine de sursis. Il est clair que je ne vais pas refuser, mais ce qu'elle me demande est insupportable ! Raisonnable, en pleines vacances, alors que mes frères et mes cousines déconnent à longueur de journée... C'est comme si l'on me tendait une glace au chocolat avec un supplément de chantilly. Je ne refuserais pas ! Donc, oui je serai sage, mais je prends quand même le surplus, sans le déclarer...

— Ok, merci ! je réponds en remarquant que ma voix est en train de réapparaître progressivement.

— Tu es prêt ? On part dans cinq minutes, ajoute ma tante en rentrant dans le mobil-home pour réunir tout le monde.

Je saisis la clef de la fourgonnette neuf places pour aller m'installer tout au fond, sur la banquette la plus éloignée de ma tante. Clothilde vient s'asseoir à côté de moi, alors que Laura et mes frères prennent place sur les sièges du milieu. C'est Louise qui conduit. Elle est en conduite accompagnée. D'ailleurs, je trouve qu'elle se débrouille vraiment bien !

— Pourquoi t'as pris ton skate ? me questionne Max. On t'a dit que c'était interdit sur les trottoirs de Cannes !

— Non, mais c'est quoi cette ville de merde où on ne peut pas skater tranquille ?

— Arrête de te plaindre ! me remballe Laura. On part sur la croisette ! Y a des stars internationales !

— Qu'est-ce qu'on en a foutre des people !

Je suis complètement indifférent à son argument.

— C'est clair ! approuve Clo en éclatant de rire. On s'en bat les couilles !

— Depuis quand t'as des couilles, toi ? je la questionne en me marrant avec elle.

La deuxième mauvaise surprise de Cannes est l'impossibilité de se garer. Nous sommes au cul à cul avec tous les véhicules de touristes qui, comme nous, souhaitent bouffer au resto et voir le spectacle pyrotechnique.

La Porschede derrière s'impatiente et colle le pare-chocs de notre fourgon, ce qui met la pression à Louise qui conduit. Étant totalement à l'arrière, avec Clothilde, nous observons le chauffeur de la caisse qui fait le malin derrière ses Ray-Banaviateur. Il gesticule en levant ses mains au ciel et semble gueuler.

— Il n'est pas content, l'autre con de derrière, je fais remarquer à ma tante qui l'observe depuis son rétroviseur.

— Ouais, et bien si ça continue, moi je vais le calmer ! s'égosille tata en baissant la vitre de sa portière. Non, mais pour qui il se prend, ce connard !

Louise est arrêtée à un stop. Il y a toujours plus d'embouteillage et elle n'arrive pas à s'engager. La Porschese met à klaxonner. C'est le coup de trop. Ma tante passe sa tête par la fenêtre et hurle en direction du flambeur :

— Oh, ducon ! Tu vois pas que c'est une conduite accompagnée ? T'as jamais appris à conduire, toi ? T'as jamais été jeune ? Non mais tu crois que klaxonner, ça va l'aider à avancer plus vite ? Alors tu fermes ta grande gueule et tu fais comme tout le monde : tu attends !

Mais le gars ne semble pas vouloir se laisser rabaisser ainsi...

— Il détache sa ceinture ! j'informe ma tante. Je crois qu'il va descendre de sa caisse.

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase que mes deux frères ont déjà sauté à l'extérieur et qu'ils bloquent la portière du mec, l'empêchant de sortir de sa Porsche.

Je ne veux pas être en reste du spectacle. Je pousse Clothilde dehors pour rejoindre Max et Paulo qui, très calmement, recadrent le petit Cannois prétentieux qui ose à peine entrouvrir sa fenêtre de peur de se prendre un mauvais coup.

— Tu vas la fermer, ta grande bouche, oui ? le menace Paulo.

Paulo est du genre bagarreur. Il ne se laisse jamais marcher sur les pieds. Il a tendance à tout régler avec ses poings, ce qui lui vaut pas mal d'ennuis au lycée. Comme il est très grand, autour des un mètre quatre-vingt-dix, et baraqué, il impressionne vite l'adversaire. Max, bien que plus calme, est toujours le premier à le défendre.

— Nous, on te refait ta caisse ! enchaîne Max.

— Tu comprends ce que je te dis ou pas ? dit Paulo qui s'enflamme.

— Je t'emmerde, sale con ! tente de placer, sans grande assurance, le connard.

— Ouais, et bien tu vas pas m'emmerder longtemps, s'énerve Paulo qui se met à remuer la Porschetout en bloquant toujours la portière.

Je me place côté passager et j'aide Paulo à secouer la voiture dans tous les sens, en appuyant à chaque à-coup, ce qui commence à faire flipper le conducteur.

— Oh, oh, oh ! C'est bon, les jeunes !

— C'est bon, quoi ? l'interroge Paulo en me faisant signe de m'arrêter.

Je m'emballe toujours, j'étais parti pour soulever la voiture et la retourner... Non, peut-être pas, mais je trouvais ça bien d'agiter une Porschecomme on secoue son Orangina!

— Bah, oui, c'est bon ! répète le connard. On a compris !

— J'espère bien que tu as compris, ducon, et que tu vas arrêter de nous coller au cul ! lui rétorque Paulo en lâchant la portière.

Une fois que nous sommes tous remontés à l'intérieur du fourgon, Max m'interpelle :

— Tonio ? T'es parti en maillot ?

Je ne comprends pas ce qu'il demande. Je rattache ma ceinture sur mon torse nu.

— Quoi ?

— On va bouffer au resto ! me fait-il remarquer. T'as pris un truc pour t'habiller ?

— Euuuhhhh ....

SPEED (Terminé) Tome 1Donde viven las historias. Descúbrelo ahora