Rouge tomate

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- Ehm... tres big mac and tres pom frites and tres cola?

   La serveuse hausse perplexement un sourcil et vu sa mine désespérée, j'ai l'impression d'être la première touriste qui vient de mettre les pieds dans ce McDonald's. J'entends le client derrière moi perdre patience et le voilà qu'il tape nerveusement du pied, sur un rythme qui me rappelle la bien tristement connue chanson Avatuauraisdûtfaireespagnolpasitalien.

- Pequeñomedianogrande, annonce la serveuse et il me faut quelques secondes pour me rendre compte qu'elle vient de me poser une question.

- Pekenomédianogrendeuh? je répète sur un ton hésitant.

   La dame lève les yeux au ciel et avant que je comprenne d'où elle les a sortis, pose trois gobelets en carton de différentes tailles devant moi.

- Pequeño, mediano, grande, soupire-t-elle en désignant respectivement le petit, le moyen et le grand gobelet.

- Oh grande, grand oui, je murmure en faisant finalement le rapport. Evidemment.

   Sur ce, elle prend le plus grand des gobelets et le remplit de coca et tout ça à une rapidité qui me fait très bien comprendre que je suis en train de lui faire perdre du temps. A la base, c'était un pékeno que j'avais l'intention de commander et pendant une fraction de seconde, je suis à deux doigts de lui dire, puis me rétracte. D'une, je ne veux pas prendre le risque que la serveuse me lance mon pékeno à la figure (ou une fourchette, ou un couteau, ou tout autre objet tranchant du genre), et deuxièmement tant qu'à faire, autant noyer mon désespoir dans le coca.

   Une fois mes repas payés et emballés dans un sac en papier, je me fraye tant bien que mal un chemin à travers les longues files d'attentes jusqu'à atteindre la porte d'entrée. Lorsque je sens l'air chaud de Madrid remplir mes poumons, je regrette immédiatement la climatisation du fast-food. Même la serveuse me paraît soudain pas si horrible que ça, et c'est peu dire.

   J'enfile mes lunettes de Soleil et vais m'asseoir sur un des rares bancs vides de la zone piétonne. De là où je me tiens, j'ai vue sur une rangée de magasins de prêt à porter aux prix les plus bas les uns que les autres. Ce n'est certainement pas l'endroit le plus glamour pour passer son dernier repas de midi en vacances, mais au moins c'est à l'ombre. Et il se trouve que j'ai sacrément bien appris à apprécier l'ombre durant ces quelques jours.

   En attendant Raven et Murphy que j'avais abandonnés pour aller chercher de quoi nous nourrir, je me rends compte de la vitesse à laquelle est passé notre voyage. Bon, il est clair que si l'on enlève le premier et le dernier jour pour le trajet, il ne reste pas grand-chose, et ce pas grand-chose a plus été une recherche intensive de cailloux qu'un séjour au club med. Mais nous avons finalement trouvé de quoi remplir notre dossier, et j'ose même espérer que notre travail mérite une note plus que correcte.

   Au loin, je vois mes amis arriver et cela me rassure de voir qu'ils ont l'air de transpirer encore plus que moi.

- Tu aurais pu nous réserver des places à l'intérieur, dit Raven en s'asseyant sur le banc. Ou est-ce qu'il n'y avait pas la clim?

- Si, il y avait la clim, je réponds en lui passant son hamburger et le paquet de frites qui lui reviennent. Mais c'était plein à craquer de toute façon.

- On est très bien ici aussi, rétorque Murphy en se laissant tomber sur le banc à côté de moi. (Il déballe son hamburger en hochant la tête d'un air admiratif.) J'avais vraiment sous-estimé ton espagnol, Ava. (Ensuite, il attrape un des trois grande cocas qui sont encore dans le sac en papier que j'ai posé par terre devant nous.) T'as bien fait de prendre des grands gobelets à la place, je meurs de soif.

John Murphy » The 100 AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant