Probabilités

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   J'aurais bien aimé passer le reste du week-end en compagnie de mon ami, mais le destin ou plutôt ici dans mon cas Monsieur Kane, le prof de maths, en a décidé autrement. Mon dimanche aura été consacré à résoudre ce qui me semblent être les trillions d'exercices de probabilités qu'il nous a donné à faire. Heureusement pour moi et pour ma santé mentale, Octavia s'est jointe à moi dans cette épreuve.

   Au bout de ce qui me semble être des heures et des heures de travail acharné (qui doivent en réalité probablement se compter sur les doigts d'une main), mon amie pose son stylo sur mon bureau et s'étire en arrière sur sa chaise.

- Ok, je crois qu'on a assez travaillé pour aujourd'hui. On peut toujours faire la suite demain.

- O, il faut faire ces exercices pour demain, je réponds sans lever les yeux de mon cahier.

- Ah, comme c'est dommage. Vraiment.

   Je peux bien évidemment sentir sa oh combien sincère désolation jusqu'ici et dois faire mine d'être concentrée sur mon exercice pour qu'elle ne remarque pas que je partage partiellement - d'accord, totalement - sa peine. Je l'entends faire rouler sa chaise en arrière, c'est un peu comme si elle se baladait dans la pièce. Ce qu'elle est très probablement en train de faire, d'ailleurs.

- C'est à qui, ça?

   Je me retourne pour voir de quoi elle est en train de parler. Entre ses mains, elle tient un bonnet noir que je reconnais immédiatement. 

- Oh ça, c'est... euhm... c'est pas important, vraiment?

   J'essaye de parler sur un ton assuré, ce qui ne me réussit bien évidemment absolument pas. Octavia hausse perplexement un sourcil et je sais pertinemment qu'elle sait que je sais qu'elle sait.

- Il l'a oublié, hier. J'allais le lui rendre ce soir, dis-je en m'efforçant de faire comme si le propriétaire de ce bonnet était une personne sans importance et pas l'ennemi public numéro un de ce lycée.

   Elle le repose à sa place, à savoir sur ma table de chevet et fait rouler sa chaise jusqu'à se trouver à ma hauteur. Maintenant, elle croise les bras devant la poitrine et grâce à la façon dont elle me regarde, je crois désormais savoir comment on doit se sentir lorsqu'on se fait interroger par le FBI ou le MI6. Voir les deux en même temps.

- Donc il était là, hier soir.

   Sa question n'en est pas vraiment une et je me contente de répondre par un sourire désolé.

- Et j'en déduis que vous avez aussi passée la journée ensemble. 

   Elle me dévisage pendant un instant pour essayer de voir si je m'apprête à tout nier en bloc. Ce que je ne fais pas, bien évidemment. Je ne suis pas une assez bonne menteuse pour ça.

- Et la nuit d'avant aussi, poursuit-elle sur un ton presque accusateur.

   Je soupire et me contente de faire passer l'extrémité de ma natte entre mes doigts, de la même manière dont Murphy l'avait fait une fois. De la même manière dont Murphy l'avait fait une fois? Je lâche immédiatement mes cheveux et attrape le stylo qui est posé devant moi. Un bic, dont je fais descendre chacune des quatre couleurs l'une après l'autre dans un geste nerveux. Fantastique, Ava. Plus coupable tu peux pas faire.

- Oh, donc j'avais raison? s'exclame soudainement O me faisant revenir à la réalité. Tu étais vraiment avec Murphy, la nuit où il y avait la fête. Clarke, Clarke... Elle m'avait dit que tu étais rentrée plus tard, mais c'est pas vrai! Tu étais avec Murphy, pas vrai?

   Pendant une fraction de seconde, ma gène laisse place à la gratitude que j'ai envers Clarke. Elle savait où j'allais et pourtant elle n'a rien dit. Si ça c'est pas du friendship goal. Puis je me remémore de quoi il est question et je sens le rouge me monter aux joues.

- C'est... possible.

   Cela ne servirait à rien de nier, le Titanic est déjà en train de couler à pic. Bye, Ava! A défaut d'avoir une planche de bois sous la main, il ne te reste plus qu'à nager jusqu'à la prochaine rive.

- J'y crois pas! Enfin si, j'y croyais un peu, mais... Bref, tu vois ce que je veux dire. On dirait plus que tu sors tout droit d'un couvent qu'autre chose, alors...

- Nononononon, c'est pas du tout ce que tu crois. Il ne s'est rien passé du tout, genre rien du tout du tout. Nada. Rien. Du. Tout. Absolument. Rien. Du. Tout.

   Octavia semble un peu déçue, puis hausse les épaules.

- Ca ne me concerne pas ce que tu fais dans un lit avec Murphy, de toute façon.

   Je manque de m'étouffer sur cette dernière phrase, mais elle ne le remarque pas puisqu'elle s'est avancée vers le bureau et a désormais reporté son attention sur mon cahier de maths. Attends, quoi? Qu'est-ce qui est en train de se passer? Octavia Blake qui laisse tomber aussi facilement? 

- Viens Ava, je ne vais quand-même pas faire tous les devoirs toute seule.

   Son ton est neutre et c'est comme si la discussion que l'on vient d'avoir n'avait jamais existée. 

- D'accord? je réponds même si ma phrase sonne plus comme une question qu'autre chose.

   Je me penche sur la table et regarde la feuille qu'elle me tend. Bon, ce n'est pas que je tenais à ce que notre petite discussion se prolonge à l'éternel, mais à côté des probabilités, elle me paraît soudain pas si terrible que ça. Alors... Question une, calculez la probabilité que machin... celle-là, on l'a déjà faite, question deux, si a est égal à... celle-là aussi, déjà faite, question trois... Ah, voilà, question trois.

   Je m'apprête à lui demander pourquoi l'intitulé de la question trois est écrit à la main et non à l'imprimante, mais j'ai le malheur de lire cette fameuse question avant.

   Calculez la probabilité qu'Ava Parrish soit complètement amoureuse de John Murphy. Exprimez le résultat en pourcentage.

   Je manque de m'étouffer pour la seconde fois en l'espace de cinq minutes. Douce nuit.

- Octavia? Sérieusement? 

   Celle-ci me regarde comme si elle ne savait pas de quoi j'étais en train de parler.

- Allez Ava, réponds à la question. Zéro étant le minimum, cent le maximum, mais je pense que tu sais comment ça fonctionne, ce genre de trucs. J'espère, en tout cas.

- D'accord, d'accord.

   Je prends mon stylo quatre couleurs, descends la pointe bleue d'un geste déterminé et écris le plus joli zéro, suivi du plus joli symbole de pourcentage que j'ai jamais écrit.

- Voilà, contente?

- Ava, Ava, commence-t-elle en soupirant théâtralement. Tu as complètement oublié de poser la retenue. (Elle prend un crayon et trace un trait devant mon zéro, de façon à ce qu'il y ait désormais écrit 10% sur le papier.) Voilà, c'est déjà mieux. Je te laisse l'honneur d'y ajouter le dernier zéro quand tu seras prête.

* * *

Note de l'auteur: Hey! Déjà, merci d'avoir lu jusque là. Ce qui ne vous a probablement pas pris beaucoup de temps, dans la mesure où il est plutôt (très) court. Mais je trouvais que c'était une bonne fin de chapitre, donc j'ai coupé ici. Pour compenser, le prochain sortira dans pas trop longtemps. Voilà, merci d'avoir lu, voté, commenté, peu importe: ce que vous faites c'est fantastique dans tous les cas.

John Murphy » The 100 AUOù les histoires vivent. Découvrez maintenant